Le copropriétaire ne peut pas réclamer au nom de la copropriété (mercredi, 05 juillet 2023)
Par cet arrêt, la Cour de cassation juge qu'un copropriétaire ne peut pas réclamer la réparation de désordre causé aux parties communes de la copropriété au nom de la copropriété car "si un copropriétaire peut, lorsque l'atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d'affecter à la réalisation de ces travaux."
"Faits et procédure
1.Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 février 2021), la société Euro Crédim ingénierie a conclu avec la société Ker Ar Mor un contrat de promotion immobilière portant sur la construction d'un immeuble livrable au quatrième trimestre 2010, destiné à être exploité comme résidence-services, qui a été vendu en l'état futur d'achèvement et soumis au statut de la copropriété.
2. Se plaignant d'un retard de livraison, de non-conformités et de malfaçons, MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest, propriétaires de lots (les copropriétaires) et la société Euro Crédim ingénierie ont assigné en indemnisation de leurs préjudices la société Ker Ar Mor, la société AXA France IARD, assureur de responsabilité du constructeur non-réalisateur et dommages-ouvrage, la société Imagine architecture, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre de conception, la société TPF ingénierie, venue aux droits de la société Ouest coordination, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et la société Zurich Insurance Public Limited Company, ses assureurs, la société Celt'étanch, pour le lot étanchéité, la société Maugin, pour le lot menuiseries extérieures, la société Plassart menuiserie, pour le lot menuiseries intérieures, la société Laurent Garin, pour le lot électricité, et la société Bat ingénierie, pour le lot piscine.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les copropriétaires font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise des désordres et non-conformités affectant l'immeuble, alors « que le copropriétaire subissant un préjudice personnel résultant de l'action, sur une partie commune d'un tiers à la copropriété a qualité et intérêt à agir en réparation des désordres et non-conformités imputables à ce dernier ; que, dans leurs conclusions d'appel, les copropriétaires ont soutenu que leurs demandes dirigées contre les constructeurs étaient recevables, en ce qu'ils s'étaient engagés dans une opération globale de construction et d'exploitation de la résidence et avaient, à cet effet, conclu des baux commerciaux concomitamment à la conclusion des actes d'acquisition des biens immobiliers, baux par lesquels ils avaient donné jouissance non seulement de leurs lots respectifs mais également des quotes-parts des parties communes qui s'y rattachent et ce afin que l'exploitant puisse jouir de l'ensemble de la résidence, ce dont ils ont déduit que les non-conformités et désordres, empêchent l'exploitation pleine et entière de la résidence par le preneur, et qu'ainsi ils justifient d'un préjudice personnel distinct de la communauté ; que, pour déclarer irrecevables les demandes des copropriétaires dirigées contre les constructeurs, la cour d'appel a énoncé que les sommes allouées au titre des travaux de reprise visent à réparer des désordres constructifs et non conformités à la réglementation PMR qui affectent les parties communes (toitures terrasses accessibles, pompe à chaleur, spa, circulations intérieures, coffrets électriques en pied de colonne) et une partie des parties privatives (non conformités à la réglementation des escaliers intérieurs des duplex et des poignées des fenêtres des appartements) et que les copropriétaires concernés par la seconde catégorie ne forment aucune demande subsidiaire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la répercussion des désordres et non-conformités affectant les parties communes sur l'exploitation commerciale des lots de copropriété ne rendait pas recevables les demandes formulées individuellement par les copropriétaires à l'encontre des constructeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 14, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.
6. Aux termes de l'article 15, alinéa 1er, de la même loi, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.
7. Il résulte de la combinaison de ces textes que si un copropriétaire peut, lorsque l'atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, qu'il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d'affecter à la réalisation de ces travaux.
8. Ayant relevé que les sommes réclamées visaient à réparer des désordres constructifs et des non-conformités à la réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite affectant les parties communes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les demandes des copropriétaires contre les constructeurs au titre des travaux de reprise étaient irrecevables.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest et les condamne à payer à la société Celt'étanch la somme de 3 000 euros, à la société Maugin la somme de 3 000 euros, à M. [O], en qualité de liquidateur amiable de la société Imagine architecture, la somme de 3 000 euros, et, in solidum, à la société AXA France IARD la somme de 3 000 euros et à la société Zurich Insurance Public Limited Company la somme de 3 000 euros."