Obligation d'information et de conseil de l'agence immobilière (mercredi, 14 juin 2023)

Par cet arrêt, la responsabilité de l'agence immobilière est retenue parce que "en sa qualité de professionnel de l'immobilier, mandataire du vendeur, l'agent immobilier ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison du type « Mondial Pratic », procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l'amiante, et que c'est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l'acquéreur avait été informé de la possible présence d'amiante dans le bien concerné" et parce qu'il "incombait à l'agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s'agissant de caractéristiques essentielles du bien vendu".

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"Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2021), par une promesse de vente du 14 mars 2014 puis un acte authentique du 6 juin 2014, Mme [S] et M. [T] (les acquéreurs) ont acheté aux consorts [F], par l'intermédiaire de l'agence Vernier immo conseil (l'agent immobilier), un pavillon de type « Mondial Pratic ».

4. Un rapport « amiante », établi par la société Capdiag (le diagnostiqueur), assurée auprès de la société Gan assurances (l'assureur), figurant dans le dossier de diagnostic technique remis aux acquéreurs, a conclu à l'absence d'amiante dans le bien vendu.

5. Ayant découvert la présence d'amiante dans la maison, les acquéreurs ont assigné le diagnostiqueur et l'agent immobilier en indemnisation de leurs préjudices.

6. Le diagnostiqueur a appelé en garantie son assureur.

Examen des moyens

Sur les premier à troisième moyens du pourvoi n° T 21-25.331, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° X 21-25.082

Enoncé du moyen

8. L'agent immobilier fait grief à l'arrêt de le condamner in solidum avec le diagnostiqueur, à verser aux acquéreurs la somme de 185 899 euros et de partager la responsabilité entre les co-obligés à hauteur de 15 % pour le premier et 85 % pour le second, alors :

« 1°/ qu'une agence immobilière est en droit de se fier à un rapport technique établi par un professionnel compétent ; qu'en jugeant que la société Vernier immo avait commis une faute en n'informant pas les acquéreurs de la présence très probable d'amiante dans le bien qu'elle avait pour mandat de vendre, cependant qu'elle constatait que la société Capdiag, spécialisée en diagnostics immobiliers, avait dressé, le 2 mars 2014, un rapport technique concluant à l'absence d'amiante, analyse que l'exposante était fondée à présumer exacte, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

2°/ qu'une agence immobilière ne saurait être condamnée à indemniser son
client des conséquences d'un engagement librement souscrit en connaissance de cause ; qu'en condamnant la société Vernier immo sur le fondement de sa responsabilité civile pour n'avoir pas informé les acquéreurs du type de construction, tandis qu'il résulte de ses propres constatations que « lors de la lecture de l'acte authentique de vente Mme [S] a appris
que la maison était du type "Mondial Pratic" », de sorte que les acquéreurs avaient à nouveau manifesté leur intention d'acheter alors pourtant qu'ils connaissaient le type de construction qu'ils reprochaient à l'agence immobilière de ne pas leur avoir signalée, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

3°/ qu'en toute hypothèse, les conséquences d'un manquement à son devoir
d'information par un agent immobilier ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en jugeant que le préjudice subi par les acquéreurs ne pouvait s'analyser en une perte de chance, et en condamnant l'agence immobilière, in solidum avec le diagnostiqueur, à payer le coût de la destruction et de la reconstruction des produits amiantés, sans établir qu'en possession des informations que l'agence immobilière aurait dû leur transmettre, les acquéreurs auraient pu par quelque moyen que ce soit, échapper au préjudice indemnisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, mandataire du vendeur, l'agent immobilier ne pouvait ignorer que le bien dont il réalisait la vente était une maison du type « Mondial Pratic », procédé de construction à base de plaques en fibrociment contenant de l'amiante, et que c'est seulement après la vente que, par des recherches sur internet, l'acquéreur avait été informé de la possible présence d'amiante dans le bien concerné.

10. Ayant exactement retenu qu'il incombait à l'agent immobilier de mentionner la date et le type de construction de la maison dans la promesse de vente, s'agissant de caractéristiques essentielles du bien vendu, elle a pu déduire de l'ensemble de ces énonciations que celui-ci avait commis une faute engageant sa responsabilité.

11. Le moyen est donc inopérant en ses deux premières branches.

12. Ayant relevé qu'il résultait des constatations de l'expert que la maison était inhabitable dès lors que la présence d'amiante empêchait même les travaux les plus ordinaires nécessaires à l'entretien et à la vie courante, la cour d'appel a souverainement retenu que le préjudice des acquéreurs résidait non dans une perte de chance mais dans le coût intégral des travaux nécessaires pour supprimer cet élément omis que les deux responsables devraient supporter à raison de leurs fautes respectives et a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Capdiag aux dépens du pourvoi n° T 21-25.331 et la société Vernier immo conseil aux dépens du pourvoi n° X 21-25.082 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° X 21-25.082 par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Vernier immo conseil

La société Vernier Immo fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée in solidum avec la société Capdiag à payer aux consorts [T] la somme de 185 899 euros TTC, et d'AVOIR fixé le partage de responsabilités entre les coobligés de la façon suivante : 85% pour la société Capdiag et 15% pour la société Vernier Immo Conseil ;

1°) ALORS QU'une agence immobilière est en droit de se fier à un rapport technique établi par un professionnel compétent ; qu'en jugeant que la société Vernier Immo avait commis une faute en n'informant pas les acquéreurs de la présence très probable d'amiante dans le bien qu'elle avait pour mandat de vendre, cependant qu'elle constatait que la société Capdiag, spécialisée en diagnostics immobiliers, avait dressé, le 2 mars 2014, un rapport technique concluant à l'absence d'amiante, analyse que l'exposante était fondée à présumer exacte, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

2°) ALORS QU'une agence immobilière ne saurait être condamnée à indemniser son client des conséquences d'un engagement librement souscrit en connaissance de cause ; qu'en condamnant la société Vernier Immo sur le fondement de sa responsabilité civile pour n'avoir pas informé les acquéreurs du type de construction, tandis qu'il résulte de ses propres constatations que « lors de la lecture de l'acte authentique de vente Mme [S] a appris que la maison était du type "MONDIAL PRATIC" » (arrêt, p. 11, § 5), de sorte que les acquéreurs avaient à nouveau manifesté leur intention d'acheter alors pourtant qu'ils connaissaient le type de construction qu'ils reprochaient à l'agence immobilière de ne pas leur avoir signalée, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les conséquences d'un manquement à son devoir d'information par un agent immobilier ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en jugeant que le préjudice subi par les acquéreurs ne pouvait s'analyser en une perte de chance, et en condamnant l'exposante, in solidum avec le diagnostiqueur, à payer le coût de la destruction et de la reconstruction des produits amiantés, sans établir qu'en possession des informations que l'agence immobilière aurait dû leur transmettre, les acquéreurs auraient pu par quelque moyen que ce soit, échapper au préjudice indemnisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil.

Moyens produits au pourvoi n° T 21-25.331 par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Capdiag

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par la société CAPDIAG SAS, encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné in solidum les sociétés CAPDIAG et VERNIER IMMO CONSEIL à payer à Monsieur [T] et Madame [S] la somme de 185 899 euros TTC, a fixé le partage de responsabilité entre les coobligés à 85 % pour la société CAPDIAG et à 15 % pour la société VERNIER IMMO CONSEIL, et en ce qu'il a condamné la société CAPDIAG et la société VERNIER IMMO CONSEIL à se garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre, à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé ;

ALORS QUE, lorsque deux personnes sont déclarées co-responsables d'un dommage, la contribution à la dette de réparation a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives ; que saisi de recours en garantie par les coobligés condamnés in solidum, le juge doit ainsi déterminer les fautes commises par chacun ; qu'en fixant comme elle l'a fait le partage de responsabilité entre la société CAPDIAG et la société VERNIER IMMO CONSEIL sans rechercher si, comme le soutenait la société CAPDIAG (conclusions p. 20-28 et 67), la société VERNIER IMMO CONSEIL n'avait pas manqué à son devoir d'information à son égard, faute qui avait contribué au dommage des consorts [S]-[T], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, 1213 et 1251 anciens du code civil, 1240, 1317 et 1346 nouveaux, et des principes régissant l'obligation in solidum.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par la société CAPDIAG SAS, encourt la censure ;

EN CE QU'il a condamné in solidum les sociétés CAPDIAG et VERNIER IMMO CONSEIL à payer à Monsieur [T] et Madame [S] la somme de 185 899 euros TTC ;

ALORS QUE, premièrement, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que s'agissant du préjudice, les consorts [S]-[T] se prévalaient d'une perte de chance de ne pas avoir acheté la maison et de ne pas avoir à engager les dépenses chiffrées par l'expert (conclusions du 1er février 2021, p. 18 § 6 et p. 19 § 4) ; qu'il était dès lors exclu que la Cour d'appel puisse condamner la société CAPDIAG au coût total des travaux de désamiante et de tous les préjudices liés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a statué ultra petita, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, la démolition et la reconstruction d'une habitation ne peut être envisagée que si elle est proportionnée au regard des préjudices subis ; qu'en considérant que la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices liés à l'erreur de diagnostic doit comprendre le coût des travaux de désamiantage et celui de tous les préjudices liés, à savoir le financement des travaux de reconstruction de la maison qu'il aura fallu raser pour désamianter et la perte de jouissance (arrêt, p. 13 dernier §), quand il était constant que les mesures d'empoussièrement dans l'air n'avaient pas révélé de fibre d'amiante et que seuls certains éléments de structure contenaient de l'amiante (jugement p. 12 § 3), et sans rechercher, comme le faisait valoir la société CAPDIAG, si ces circonstances ne rendaient pas disproportionnée la démolition/reconstruction de l'habitation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article 1240 du code civil ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

ALORS QUE, troisièmement, et plus subsidiairement, avant d'écarter une demande, les juges du fond sont tenus d'analyser, même sommairement, les pièces invoquées par l'auteur de la demande pour fonder sa prétention ; que pour étayer la demande qu'elle formulait, à titre subsidiaire, en réduction à de plus justes proportions du montant des dommages et intérêts, fixés sur la base du chiffrage des travaux retenu par l'expert, et comprenant les frais de désamiantage et de reconstruction pour un montant de 176.000 €, la société CAPDIAG produisait deux devis chiffrant les travaux de désamiantage à respectivement 40.000 et 70.000 euros (conclusions p. 33-34 et pièces 31 et 32) ; qu'en refusant d'analyser ces pièces au motif de l'absence de propositions chiffrées alternatives complètes qui aient été contradictoirement débattues (arrêt p. 15 § 1), les juges du fond ont violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, quatrièmement, et plus subsidiairement, en refusant d'analyser ces devis établis postérieurement à l'expertise sur demande de la société CAPDIAG au motif qu'ils n'avaient pas « été contradictoirement débattus » (arrêt p. 15 § 1), la cour d'appel, qui était tenue d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire, a violé l'article 16 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué, critiqué par la société CAPDIAG SAS, encourt la censure ;

EN CE QU'il a, confirmant le jugement, débouté la société CAPDIAG de sa demande d'indemnisation à l'encontre de la société VALANTIN BERGER ASSURANCE ;

ALORS QUE, premièrement, avant d'écarter une demande, les juges du fond sont tenus d'analyser, même sommairement, les pièces invoquées par l'auteur de la demande pour fonder sa prétention ; que pour débouter la société CAPDIAG de sa demande en garantie formée à l'encontre de son courtier, la cour d'appel s'est bornée à adopter les motifs des premiers juges (arrêt p. 18 § 9) ; qu'en statuant ainsi, sans examiner, même sommairement, les nouveaux développements figurant dans les conclusions de la société CAPDIAG ni même les nouvelles pièces qu'elle produisait à leur soutien (conclusions p. 52-62 et pièces n° 20 à 27), la cour d'appel a violé les articles 455, 458 et 563 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, et à supposer par impossible les motifs du jugement régulièrement adoptés, l'intermédiaire d'assurance est tenu de délivrer des conseils adaptés aux objectifs et à la situation personnelle du preneur d'assurance ; qu'en considérant que la progression antérieure du chiffre d'affaires et le nombre de salariés communiqués à l'intermédiaire d'assurance n'avaient pas à être pris en compte dans la fixation de la cotisation, et qu'il n'était pas démontré en quoi la garantie souscrite auprès du GAN le 28 février 2013, et prévue pour un chiffre d'affaires n'excédant pas 200 000 € était en inadéquation avec les besoins et la situation de l'entreprise « au jour de la souscription, le chiffre d'affaires du dernier exercice comptable connu étant de 199 000 € » (jugement p. 17 § 4), sans s'interroger, comme elle y était invitée par la société CAPDIAG, sur l'adéquation du produit proposé aux objectifs et à la situation de la société dans un avenir prévisible, compte tenu de la connaissance d'un chiffre d'affaires en constante évolution et de l'augmentation récente de la masse salariale (conclusions du 5 février 2021 p. 53-60), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien, 1231-1 nouveau du code civil."