La mérule coûte très cher au vendeur ! (lundi, 22 mai 2023)
Le bien atteint par la mérule avait été acheté 167 000 € et le montant de la condamnation à réparation est de 345 000 €, sans compter les autres condamnations.
"EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Selon acte authentique du 28 juin 2016, Mme [X] [Z] a fait l'acquisition auprès de la Sci L'industrie d'une maison située à [Adresse 7] au prix de 167 000 euros.
En raison de défauts constatés, de poussières anormales, elle a sollicité une étude auprès du laboratoire de mycologie de l'université catholique de [Localité 4] puis une expertise non contradictoire aboutissant au dépôt d'un rapport le 27 août 2018.
Par décision du 6 novembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a ordonné, à sa demande, une expertise. Par exploit d'huissier du 8 octobre 2018, la Sci L'industrie a appelé l'Eurl L'entreprise qui avait réalisé les travaux de réhabilitation de l'immeuble fin 2012 et en octobre 2013 et l'assureur de celle-ci, la Sa Gan assurances Iard. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 10 août 2020.
L'Eurl L'entreprise a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 8 janvier 2020 d'une clôture pour insuffisance d'actifs le 1er juillet 2020.
Par acte d'huissier du 23 juin 2021, sur autorisation d'assigner à jour fixe, Mme [Z] a fait assigner la Sci L'industrie et la Sa Gan assurances Iard afin d'obtenir une indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l'article 1792 du code civil et de l'article L.124-3 du code des assurances.
Par jugement contradictoire du 16 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- condamné la Sci L'industrie à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :
. 343 500 euros pour les travaux de rénovation avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 14 400 euros de préjudice de relogement provisoire avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 504 euros au titre des taxes d'habitation des années 2018 et 2019 avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2021,
. 332,22 euros au titre des frais d'assurance des années 2018 et 2019 et 2020 avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 4 549,39 euros au titre des frais d'assistance technique avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 136,58 euros au titre du coût de la mise en place des étais avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 36 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2021,
. 30 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
- ordonné la capitalisation des intérêts des sommes dues par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 26 juin 2021,
- condamné la Sci L'industrie aux dépens de l'instance, comprenant les dépens du référé expertise et les frais d'expertise avec droit de recouvrement direct au profit de Me Florence Delaporte Janna,
- condamné la Sci L'industrie à verser la somme de 10 000 à Mme [Z] et la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la Sa Gan assurances,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
- rappelé que l'exécution provisoire était de droit.
Par déclaration reçue le 14 janvier 2022, la Sci L'industrie a formé appel du jugement.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS
Par dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2022, la Sci L'industrie demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, L. 124-3 du code des assurances, 1643 et suivants du code civil, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :
à titre principal,
- débouter Mme [Z] de toutes ses demandes,
- condamner Mme [Z] ou toute partie succombante à lui payer la somme de
6 000 euros au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance,
à titre subsidiaire, si la cour retenait sa responsabilité,
- condamner la Sa Gan assurances Iard à la relever indemne de toutes condamnations,
- condamner la Sa Gan assurances Iard à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- réduire la somme sollicitée par Mme [Z] au titre des travaux de réparations à celle de 222 044 euros telle que chiffrée par l'expert judiciaire,
- débouter Mme [Z] de sa demande à hauteur de 14 400 euros au titre de ses frais de relogement futurs,
- la débouter de sa demande de prise en charge du coût de l'emprunt immobilier des taxes foncières et taxes d'habitation de puis 2018,
- statuer ce que de droit sur la demande de prise en charge des frais d'assurance habitation, des frais d'assistance technique, des frais d'étais,
- débouter Mme [Z] de sa demande au titre du préjudice de jouissance qu'elle ne justifie pas,
- la débouter de sa demande au titre du préjudice moral,
- réduire à de plus justes proportions les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens de l'instance.
Elle conteste toute responsabilité au titre de la garantie décennale en faisant valoir qu'elle n'est pas un constructeur au sens de l'article 1792 du code civil et subsidiairement discute le montant des préjudices.
Elle souligne que si la réalisation de travaux emporte une responsabilité de droit, elle suppose la démonstration de l'origine des désordres et leur imputabilité aux auteurs des travaux effectués ; qu'en l'espèce, la cause du désordre, l'infestation par la mérule ; son développement rapide et exponentiel résulte de l'insuffisance d'air et du taux d'humidité particulièrement important de la maison ; que les travaux et donc la responsabilité du désordre sont imputables à la Sarl L'entreprise, la Sa Gan assurances Iard devant dès lors la relever indemne de toute condamnation. Elle fait valoir qu'elle est victime des travaux de réhabilitation effectués par l'entreprise en décembre 2012 et octobre 2013 ; qu'il ne peut être soutenu pour refuser la garantie de l'assureur d'affirmer qu'il n'y avait pas de marché contracté avec le propriétaire des lieux ; qu'en l'absence d'une exigence probatoire particulière, les factures payées par la Sci L'industrie démontre les termes du marché de louage d'ouvrage caractérisé au visa de l'article 1710 du code civil ; que les factures d'achat de matériaux de la Sci L'entreprise, antérieures à la vente, ne sont pas significatives pour exclure un tel contrat ; que les paiements du maître de l'ouvrage au profit de l'entreprise ne sont pas un critère lorsqu'il s'agit d'engager sa responsabilité ; que dans le cadre des opérations d'expertise, la Sarl L'entreprise n'a pas contesté le cadre et l'étendue de son intervention.
Elle reprend les différentes analyses de l'expert pour soutenir l'entière responsabilité de la Sarl L'entreprise quant à l'origine des désordres : insuffisance de la ventilation par la Vmc, du renouvellement d'air, constatation de la présence d'infestation lors de la réalisation de l'isolation, du solivage et du plancher à l'étage. La responsabilité décennale de la Sarl L'entreprise emporte la couverture des dommages par son assureur et en application de l'action directe ouverte aux tiers.
Quant au fondement de la garantie des vices cachés, elle fait valoir que l'action est atteinte de forclusion puisque Mme [Z] a été avertie du vice affectant le bien vendu dès le 16 juillet 2018 à réception des résultats du laboratoire d'analyses mycologiques, au plus tard le 27 août 2018 lors de la réception du rapport technique de l'architecte, M. [F], l'assignation ayant été délivrée après le 6 novembre 2020 plus de deux années après la désignation de l'expert judiciaire. Elle invoque également la clause de non-recours portée dans l'acte de vente, la Sci L'industrie ne pouvant être qualifiée de professionnelle de la construction. Son ignorance du vice affectant l'immeuble lors de la vente doit conduire au rejet de toute prétention sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Elle discute le montant des préjudices réclamés.
Par dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2022, Mme [X] [Z] demande à la cour, au visa des articles L. 124-3 et L. 124-5 du code des assurances, 840 du code de procédure civile, 1792 et suivants, 1643 et 1645, 1343-2, 1240, 1147, 1134 et 1382 anciens du code civil, de :
- débouter la Sci L'industrie de toutes ses demandes,
- débouter la Sa Gan assurances Iard de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Sci L'industrie à verser à Mme [Z] les sommes suivantes :
. 343 500 euros pour les travaux de rénovation avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 14 400 euros de préjudice de relogement provisoire avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 504 euros au titre des taxes d'habitation des années 2018 et 2019 avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2021,
. 332,22 euros au titre des frais d'assurance des années 2018 et 2019 et 2020 avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 4 549,39 euros au titre des frais d'assistance technique avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 136,58 euros au titre du coût de la mise en place des étais avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 36 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2021,
. 30 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
ordonné la capitalisation des intérêts, condamné la Sci L'industrie aux dépens, à verser la somme de 10 000 euros à Mme [Z],
- réformer le jugement pour le surplus et la recevoir en son appel incident,
et statuant à nouveau, à titre principal sur le fondement des articles 1792 du code civil et L. 124-3 du code des assurances,
- condamner in solidum la Sci L'industrie et la Sa Gan assurances Iard à lui payer les sommes suivantes :
. 343 500 euros avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 14 400 euros de préjudice de relogement provisoire avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 504 euros au titre des taxes d'habitation des années 2018 et 2019 avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2021et pour la période postérieure à 2019, au titre des taxes d'habitation pour les années 202, 2021 et 2022,
. 332,22 euros au titre des frais d'assurance des années 2018 et 2019 et 2020 avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020 et pour la période postérieure à 2019, l'ensemble des frais d'assurance exposés soit pour les années 2020, 2021, 2022 pour la période postérieure au 31 juillet 2022 avec intérêts de droit à compter de l'assignation,
. 68 400 euros au titre du préjudice de jouissance sauf à parfaire pour la période postérieure au 31 décembre 2022,
. une indemnisation de 1 200 euros par mois au titre du préjudice de jouissance sauf à parfaire pour la période postérieure au 31 décembre 2022,
. 4 549,39 euros au titre des frais d'assistance technique avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 136,58 euros au titre du coût de la mise en place des étais avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
. 80 000 euros au titre du préjudice moral sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil,
. 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
. 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel,
. les dépens de première instance et d'appel, comprenant les dépens de référé expertise, frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Me Florence Delaporte Janna,
à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1643 et 1645 du code civil,
- condamner la Sci L'industrie à lui payer les mêmes sommes,
et à titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la Sci L'industrie et de la garantie de la Sa Gan assurances Iard,
- condamner in solidum l'une et l'autre à payer les mêmes sommes.
Elle soutient que la garantie décennale qui peut s'appliquer notamment dans l'hypothèse d'une réception tacite comme en l'espèce, a vocation à s'appliquer à l'encontre de la Sci L'industrie, constructeur-vendeur et de la Sarl L'entreprise couverte par l'assurance souscrite auprès de la Sa Gan assurances Iard ; que dès le début des opérations, l'expert a signalé le danger constitué par l'infestation, les désordres créés portant atteinte à la solidité de l'immeuble et le rendant impropre à sa destination ; qu'elle a ainsi dû financer l'étaiement de sa maison pour éviter son effondrement.
Elle ajoute qu'il n'existe aucune contestation sur la réception des travaux effectués par la Sarl L'entreprise pour le compte de la Sci L'industrie ; que le contrat en tant que tel n'a pas été remis en cause dans le cadre de la procédure de référé et des opérations d'expertise ; que la Sci L'industrie a acquis le bien le 13 juin 2012 pour le revendre le 28 juin 2016 ; qu'aucune contestation pertinente ne peut faire obstacle à la mise en 'uvre de la garantie décennale, l'habitabilité des lieux étant acquise lors de la vente de la maison, aucune modification des lieux n'étant intervenue ultérieurement. Les factures produites et les règlements justifiés par la Sci L'industrie excluent toute difficulté d'imputabilité des dommages ; les fautes de la Sci L'industrie et de la Sci L'entreprise ayant concouru à l'apparition des dommages justifient une condamnation in solidum des auteurs et donc de l'assureur couvrant le sinistre.
Elle a formé appel incident pour obtenir cette condamnation en soulignant que les activités de l'Eurl L'entreprise, l'exécution des travaux de réhabilitation, entrent dans le champ des activités déclarées ; la garantie de l'assureur au titre de la responsabilité décennale emporte l'obligation de couvrir tous les dommages y compris immatériels. La Sa Gan assurances Iard ne peut invoquer la résiliation du contrat survenue en 2015 puisqu'elle reste tenue de la garantie subséquente en application de l'article L. 124-5 du code des assurances. Elle vise les termes clairs du contrat d'assurance.
Elle n'invoque qu'à titre subsidiaire, la garantie des vices cachés à l'encontre de la venderesse, la Sci L'industrie et à titre plus subsidiaire, la responsabilité contractuelle de cette dernière.
Elle reprend les différents postes de préjudice afin d'obtenir confirmation et actualisation des sommes allouées.
Par dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2022, la Sa Gan assurances Iard, appelée en sa qualité d'assureur de la Sarl L'entreprise, demande à la cour, au visa des articles 1792 et suivants, 1353 et suivants, 1710 et suivants de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté toutes les demandes présentées par Mme [Z] et la Sci L'industrie à son encontre,
- condamner la Sci L'industrie à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- débouter la Sci L'industrie et Mme [Z] de toutes demandes,
en tout état de cause,
- dire et juger que la garantie responsabilité civile décennale n'est pas mobilisable en l'absence d'intervention de l'assuré, de réception et en raison d'une immixtion fautive,
- débouter Mme [Z] et la Sci L'industrie de leurs demandes,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que ses garanties ne sont pas mobilisables en raison des activités non déclarées par son assuré,
- débouter Mme [Z] et la Sci L'industrie de leurs demandes,
à titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que la Sci L'industrie est exclusivement responsables des préjudices subis par Mme [Z], que les garanties facultatives ne sont pas mobilisables en raison de la résiliation de la police antérieurement à la réclamation de Mme [Z], que les garanties ne sont pas mobilisables en raison de la définition contractuelle des dommages immatériels indemnisables,
- débouter Mme [Z] et la Sci L'industrie de leurs demandes,
à titre infiniment plus subsidiaire,
- dire et juger qu'elle ne peut répondre qu'à hauteur de la stricte part de responsabilité imputée à son assuré,
- réduire à de plus justes proportions toute éventuelle condamnation,
- déclarer opposable à Mme [Z] et la Sci L'industrie la franchise contractuelle de 10 % du montant des dommages immatériels avec un minimum de 0,96 fois l'indice BT01 et un maximum de 3,04 fois l'indice BT01,
- condamner la Sci L'industrie à la relever indemne des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Elle relève que pour mettre en cause l'Eurl L'entreprise, la Sci L'industrie n'a versé aux débats que deux factures ; qu'il n'est pas démontré que la Sarl L'entreprise a exécuté les travaux litigieux dans l'ouvrage et qu'en outre, ces travaux seraient à l'origine de l'impropriété de l'immeuble. En l'absence de preuve d'un marché de travaux, la responsabilité de son assurée ne peut être retenue, étant rappelé que durant la procédure de référé-expertale, toutes les parties ont réclamé en vain la production des pièces relatives au marché allégué. De plus, les factures ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 441-3 du code de commerce et n'ont pas une force probante suffisante pour établir un engagement réciproque des parties. Cette défaillance a été actée par l'expert. En outre, la réalisation de travaux n'est pas visée dans l'acte authentique de vente alors que le représentant légal commun des sociétés L'industrie et L'entreprise ne pouvait ignorer les faits. Aucune déclaration d'ouverture de chantier n'a été communiquée. Les relevés de compte et factures de matériaux sont inopérants. L'absence de contestation en audience de référé ne peut suffire à retenir la preuve des travaux et en outre à déterminer leur effet générateur des dommages.
En conséquence, en l'absence de preuve relative aux travaux imputés à son assuré et de réception même tacite des ouvrages, à défaut notamment de prise de possession des lieux, l'assureur ne peut couvrir le risque garanti. Elle invoque encore l'immixtion fautive du maître de l'ouvrage pour obtenir l'exclusion de la mise en 'uvre de la garantie décennale.
En toute hypothèse, le bénéfice de la garantie ne peut être obtenu en raison de l'activité déclarée de l'entreprise (plomberie, peinture, électricité) qui ne correspond pas à l'activité à l'origine de l'infestation de la mérule ; la garantie des dommages immatériels n'est pas applicable puisqu'il n'existe pas de dommages immatériels consécutifs à des dommages matériels garantis, à défaut de ceux-ci. Elle rappelle encore que le contrat a été résilié de sorte que la Sa Gan assurances Iard n'était plus l'assureur de la Sarl L'entreprise lors de la réclamation.
Elle conteste certains postes notamment au titre des intérêts réclamés par Mme [Z], vise l'application de la franchise contractuelle et forme recours en garantie contre la Sci L'industrie en cas de condamnation, et ce sur le fondement de la responsabilité délictuelle et à défaut contractuelle.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux écritures ci-dessus visées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.
MOTIFS
Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
L'article 1792-1 suivant précise qu'est réputé constructeur de l'ouvrage : 1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ; 2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire.
En page 41 du rapport rédigé le 10 août 2020, l'expert judiciaire décrit la présence de la mérule et/ou coniophore à chacun des quatre niveaux qui constituent la propriété de Mme [Z] :
- Dans la cave, la mérule est présente sur deux zones en plafond, sur deux murs et au sol, au niveau d'une ancienne pièce de bois qui y a été déposée (' avant que la SCI L'INDUSTRIE n'en devienne elle-même propriétaire)
- Au rez-de-chaussée, la mérule est présente dans la cuisine et le salon, au niveau d'un doublage à l'intérieur, et recouvert d'un enduit à l'extérieur, ainsi qu'au plafond de cette même zone. On a également trouvé des traces de coniophore au plafond, dans l'angle extérieur de la cuisine, à l'aplomb de la zone infestée de la salle de bain
- Au 1er étage : Sans doute le niveau le plus infesté. On trouve de la mérule active sur le palier, dans le dégagement menant aux chambres, le petit local du chauffe-eau et sur un mur extérieur de la salle de bain. On a également identifié des traces de coniophore dans l'angle de la salle de bain, derrière l'emplacement réservé au lave-linge
- Dans les combles, dans la chambre rose : Présence de mérule dans l'angle du mur de redressement et du pignon, qui se trouve à proximité immédiate du chéneau. Dans la chambre bleue, pas de champignons lignivores mais nos premiers prélèvements avaient mis en évidence une attaque de vrillettes des pièces de bois situées en bas de pente du rampant.
En page 55 sur l'origine des désordres, l'expert judiciaire indique que :
- La non-détection de l'infestation déjà présente avant et pendant les travaux de rénovation' La cave elle-même était déjà un foyer actif de mérule à l'époque où le bien immobilier appartenait à la Sci de Monsieur [I].
- Si on peut considérer que Monsieur [I] n'a pas su, par manque d'expérience et de professionnalisme, détecter la présence des champignons lignivores avant de réaliser ses travaux, en revanche il a commis une grave erreur d'exécution en sous-estimant le débit de renouvellement d'air dans le logement. En effet, c'est bien l'insuffisance du débit d'extraction de la VMC qui est à l'origine du développement à une vitesse exponentielle de ces champignons.
Le phénomène est récurrent : L'insuffisance du débit de renouvellement d'air, dans un logement rendu étanche à l'air par le changement des anciennes fenêtres par des menuiseries PVC enferme l'humidité ambiante sans que celle-ci ne puisse être évacuée' Les champignons lignivores profitent de cette humidité' Cette erreur conceptuelle est aggravée par la nature de la structure de l'immeuble et le revêtement en enduit ciment qui était existant. En effet, les murs à pans de bois qui sont enfermés' les conditions hygrométriques du bois sont alors idéales pour favoriser une prolifération mycélienne.
Sur la responsabilité décennale de la Sci L'industrie
Par acte authentique du 28 juin 2016, La Sci L'industrie a vendu à Mme [Z] l'immeuble situé à [Localité 6] au prix de 167 000 euros. Elle avait acquis le bien par acte notarié du 13 juin 2012 au prix de 85 000 euros.
Même si dans l'acte de vente, elle a déclaré n'avoir exécuté aucune opération de construction depuis dix ans (page 11), la Sci L'industrie ne conteste pas avoir entrepris les travaux de réhabilitation conséquents permettant de négocier la vente de l'immeuble à usage d'habitation.
La Sci L'industrie ne verse ni permis de construire, ni déclaration d'ouverture de chantier. Elle ne communique aucun marché signé, aucun devis accepté auprès d'une entreprise. Mais elle communique deux factures émanant de la Sci L'entreprise :
- une facture du 20 décembre 2012 d'un montant de 60 000,25 euros TTC portant expressément sur la rénovation de la maison et la réalisation d'un solivage et d'un plancher, de rails montants placo isolation intérieure et extérieure, la fourniture et la pose de velux, fenêtres, porte-fenêtre et porte d'entrée outre les volets roulants électriques,
- une facture du 19 octobre 2013 d'un montant de 11 342 euros TTC portant sur l'aménagement de la salle de bain et de la douche, les évacuations d'eau et sanitaires ainsi que le ballon électrique.
L'expert a décrit une généralisation de la prolifération de la mérule dans l'ensemble de l'immeuble conduisant à la nécessité de déposer l'ensemble des doublages, planchers et plafonds afin de mettre à nu l'intégralité des murs et structures avec un phénomène de destruction très rapide : la gravité de la situation est telle qu'il a considéré que la maison présentait un risque non négligeable pour la sécurité des habitants et a préconisé de ne plus l'occuper.
Ce phénomène a pour origine des défauts de conception et de réalisation des travaux : l'opération de réhabilitation de l'immeuble initiée par la Sci L'industrie est incontestablement en cause sans que cette dernière puisse alléguée un défaut de lien entre tout ou partie des travaux et les dommages subséquents.
Au visa des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, la nature décennale des désordres constatés et la présomption de responsabilité pesant sur le constructeur, auteur des travaux, justifient la condamnation de la Sci L'industrie qui doit répondre des dommages à l'égard de Mme [Z].
Sur la responsabilité décennale de l'Eurl L'entreprise
Pour bénéficier de la condamnation ou de la garantie de la Sa Gan assurances Iard, la Sci L'industrie et Mme [Z] invoquent la responsabilité de l'Eurl L'entreprise qui a réalisé les travaux décrits dans les factures susvisées.
La Sa Gan assurances Iard soutient d'une part que la preuve d'un contrat de louage d'ouvrage n'est pas rapportée et d'autre part que les conditions de mise en 'uvre de responsabilité décennale de l'Eurl L'entreprise ne sont pas réunies.
Sur le contrat de louage d'ouvrage
L'article 1710 du code civil définit le louage d'ouvrage comme un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.
Il n'est pas soumis à une forme particulière et peut résulter de l'exécution des travaux et de leur facturation.
Sur les constatations de l'expert quant à la nature des travaux réalisés, l'Eurl L'entreprise a facturé les réalisations effectuées dans l'immeuble.
En exécution du contrat passé entre les parties, la Sci L'industrie justifie, par la production de relevés bancaires concordants de l'Eurl L'entreprise et des comptes personnels des associés de la Sci L'industrie, M. et Mme [I], ou du compte de la société, de paiements échelonnés de l'été 2012 à l'été 2013, à hauteur d'au moins 42 000 euros. Elle a versé préalablement des acomptes. Même si elle ne rapporte pas la preuve d'un paiement intégral des factures, l'existence du contrat de louage d'ouvrage est démontrée.
La Sa Gan Assurances Iard conteste à la fois la qualité des factures émises et l'existence de mouvements de fonds susceptibles d'être qualifiés de paiements.
L'article L. 441-3 du code de commerce dans sa version applicable d'une part en 2012 puis à compter du 1er janvier 2013 dispose que tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation.
Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L'acheteur doit la réclamer. La facture doit être rédigée en double exemplaire. Le vendeur et l'acheteur doivent en conserver chacun un exemplaire.
La facture doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture.
La facture mentionne également la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente ainsi que le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture. Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire ou de son subrogé.
Si les factures versées ne répondent pas effectivement à l'intégralité des exigences formelles de ce texte en ce qu'elles sont particulièrement sommaires, elles n'en sont pas moins numérotées et signées par le gérant de la Sarl L'entreprise. Certes, les gérants de la Sci et de l'Eurl ne sont qu'une seule et même personne, M. [I] ; il convient cependant de relever que les factures sont numérotées et décrivent les travaux dans des conditions correspondant aux réalisations exécutées dans l'immeuble et constatées par l'expert.
Quant aux virements dont il est justifié, même si certains proviennent des comptes personnels des associés de la Sci L'industrie, leur destinataire est l'entreprise commerciale sans qu'il y ait d'autres fondements aux virements que le financement des travaux auprès de ce créancier. Les factures d'achat de matériaux durant la période de réhabilitation prouvent la réalité de l'activité de la Sarl L'entreprise et son relevé de compte, les besoins en fonds pour financer de tels achats.
Ces différents éléments relatifs au contrat de louage d'ouvrage établissent le lien entre les travaux exécutés et les factures émise par l'Eurl L'entreprise et les commandes effectuées par la Sci L'industrie en vue de la rénovation de l'immeuble vendu.
Sur la garantie du constructeur
La nature des désordres n'est pas remise en cause par l'assureur qui discute la réception des travaux et fait valoir l'absence d'imputabilité des désordres à la l'Eurl L'entreprise.
L'article 1792-6 du code civil dispose que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La Sci L'industrie n'a pas reçu les travaux par procès-verbal cosigné entre le maître de l'ouvrage et l'entreprise ; toutefois, la réception des travaux peut être tacite.
Le paiement de l'intégralité des travaux d'un lot et sa prise de possession par le maître de l'ouvrage valent présomption de réception tacite. Les agissements du maître d'ouvrage doivent manifester une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage.
Au regard des factures produites, le paiement du premier lot concernant la structure de l'immeuble a été effectué au moins à hauteur des deux tiers. Toutefois, il ne résulte pas pour autant du défaut de preuve des paiements, un refus de solder la facture. Il en est de même s'agissant de la salle de bains. La Sci L'industrie est entrée en possession des lieux : il importe peu qu'elle n'ait pas occupé effectivement les lieux en y habitant puisqu'elle a bénéficié de la libre disposition de l'immeuble dont les travaux étaient achevés fin 2013 au plus tard, lors de la vente en juin 2016 soit plusieurs années après la réalisation de la rénovation. La réception tacite des travaux étaient acquise fin 2013.
Quant à l'imputabilité des désordres, l'expert écrit en page 57 de son rapport :
- au regard des travaux facturés le 19 octobre 2013 portant sur l'aménagement de la salle de bain et de la douche, les évacuations d'eau et sanitaires ainsi que le ballon électrique
« on peut considérer que la ventilation des locaux fait partie intégrante de ces prestations. Or l'installation défectueuse de la VMC car largement insuffisante dans ses débits et imparfaite au niveau des entrées d'air rentre pour beaucoup dans la prolifération rapide du champignon lignivore. »
Toutefois, la facture ne porte pas sur les éléments structurels de la salle de bain tel que la ventilation mais uniquement sur la pose des produits et le travail de plomberie nécessaire à leur fonctionnement. L'expert n'a pas relevé une absence de Vmc mais son insuffisance générale dans l'immeuble.
Ces travaux ne peuvent être rattachés à l'apparition de la mérule et/ou son développement.
- au regard des travaux facturés le 20 décembre 2012 portant sur la réalisation d'un solivage et d'un plancher, de rails montants placo isolation intérieure et extérieure
« la prestation désignée par solivage et plancher » ' y est forcément inclus le remplacement des sommiers et les différents renforts de la structure que j'ai pu constater au démontage des planchers et plafonds. Or lors de ces opérations de renforcement de la structure des planchers, l'EURL L'ENTREPRISE a immanquablement engagé sa responsabilité professionnelle en taisant la présence de stigmates d'infestations anciennes ou en sous-estimant son importance pour la pérennité des ouvrages ».
Le travail de charpentier de l'entreprise est l'une des causes directes de la propagation de la mérule dans l'ensemble de l'immeuble à la fois en raison du défaut d'examen, de diagnostic de la structure bois de l'immeuble, des existants et des conditions dans lesquelles ont été exécutés les travaux malgré une révélation acquise des insectes (vrillettes), champignons et des dégradations en cours et encourues à défaut de traitement.
L'Eurl L'entreprise engage sur cette partie des travaux sa responsabilité en application des articles 1792 et suivants du code civil.
Sur la garantie de la Sa Gan assurances Iard
L'assureur produit les dispositions particulières du contrat responsabilité civile du chef d'entreprise et responsabilité décennale de l'entreprise signées le 15 novembre 2011 par la Sarl L'Entreprise avec effet au 1er octobre 2011. Elle concerne trois activités déclarées par l'entreprise en page 8 et 9 : les métiers de l'électricien, de peintre et de plombier avec une présentation synthétique des tâches effectuées.
Sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner davantage les termes du contrat, il est manifeste que les activités de charpentier pour la réalisation des solives et planchers, le travail sur la structure bois n'entraient pas dans les risques couverts par la police souscrite. La garantie de l'assureur ne peut dès lors pas être recherchée en raison des limites apportées à la convention suivant les choix opérés par l'Eurl L'entreprise.
A défaut de pièces autres que les deux factures susvisées, l'expert n'a pas pu à juste titre, rattacher d'autres travaux exécutés par l'Eurl L'entreprise et qui entreraient dans les conditions d'application du contrat d'assurance : dès lors, le visa des activités couvertes par Mme [Z] est inopérant en l'espèce. L'absence de garantie souscrite pour l'activité mise en 'uvre concerne les dommages matériels et les dommages immatériels consécutifs.
Les demandes en condamnation in solidum et de garantie de Mme [Z] d'une part, de la Sarl L'industrie d'autre part seront rejetées.
En définitive, le jugement sera confirmé de ces chefs et donc en ce qu'il a retenu la seule responsabilité de la Sci L'industrie.
Sur le montant des condamnations
Les différents postent de préjudice sont discutées dans les conditions suivantes :
1- Les travaux de reprise
Le tribunal a condamné l'appelante à payer la somme de 343 500 euros pour les travaux de rénovation avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020, date du dépôt du rapport.
Mme [Z] demande la confirmation de la décision.
La Sci L'industrie sollicite la réformation afin d'obtenir la limitation de l'indemnisation à hauteur de 222 044 euros suivant calcul effectué par le cabinet B2M, frais de maîtrise d''uvre compris.
Ce rapport a été écarté par l'expert même s'il vise la démolition pour la mise à nu de la structure, la remise en état du bâtiment et la réfection des doublages intérieurs et enduits extérieurs.
Il commente en effet le devis de l'entreprise Brochard concernant les travaux de reprise à hauteur de 222 628,35 euros du 16 avril 2020.
Il se réfère à une réglementation de plus en plus à l'origine d'un coût élevé de traitement des zones infestées, de leur dépose et de gestion des déchets. L'exiguïté du lieu d'implantation de l'immeuble, les conditions d'accès justifient des dispositifs adaptés interdisant notamment la mise en place de bennes. Il a toutefois appliqué une réduction des coûts décrits par l'entreprise qui a répondu à la demande d'évaluation s'agissant de la réfection des planchers pour porter le montant à la somme de 172 900 euros TTC.
Toutefois le devis n'est pas exhaustif : il ne comprend pas les lots techniques comme l'électricité, la plomberie, le chauffage et les lots embellissements comme les peintures, la réfection des sols des locaux situés à l'étage ou les aménagements de placard. L'intégralité de la structure de l'immeuble doit être reprise ; les travaux emportent réfection de l'ensemble des équipements et aménagements de la maison. Il retient une évaluation de l'ordre de 75 000 euros portant le total à la somme de
247 900 euros TTC.
Il y ajoute un pourcentage au taux de 12 % afin de rémunérer le maître d'oeuvre pour tenir compte de la complexité de l'opération et au taux de 2,5 % au titre de l'assurance dommages ouvrage soit en définitive un montant de 343 500 euros TTC.
Il évoque le coût de la destruction-reconstruction qui présenterait un montant moindre (280 000 euros) qui n'a pas fait l'objet de plus amples demandes des parties.
L'acte de vente de l'immeuble porte la mention d'un bien immobilier implanté sur 61 ca en milieu urbain. La description faite par l'expert en page 8 de son rapport permet de vérifier que la maison est située dans une impasse, mitoyenne avec un groupe d'habitations anciennes : les travaux de grande envergure devront être organisés en tenant compte de fortes contraintes en raison de l'absence de dégagement large pour les engins et matériels de chantier, des nuisances à limiter pour le voisinage, des enjeux réglementaires et risques factuels liés à la propagation de la mérule, y compris aux propriétés voisines.
En conséquence, la somme retenue par le premier juge relève d'une juste appréciation des éléments d'appréciation du préjudice.
2- Le préjudice lié au relogement provisoire
Le tribunal fixe à la somme de 14 400 euros l'indemnisation due au préjudice de relogement provisoire, durant les douze mois d'exécution des travaux de reprise, avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020.
Mme [Z] demande la confirmation de la décision entreprise en soulignant que l'expert a confirmé la réalité de ce préjudice à compter de janvier 2019, en faveur d'un logement de même nature soit une maison avec un jardinet et trois chambres.
La Sci L'industrie critique la décision en ce qu'elle a retenu la valeur locative d'un bien équivalent pendant 12 mois évaluée à 1 100 /1 200 euros par mois, en l'absence de justificatifs versés et en demande le rejet.
Le montant de l'indemnisation n'est pas excessif au regard des contraintes attachées à ce relogement pour une famille dans la ville de [Localité 6]. Mme [Z] ne doit pas justifier de l'engagement de ces frais puisqu'ils sont liés de façon certaine à la réalisation de travaux dont la durée est acquise avec impossibilité d'habiter l'immeuble pendant un an.
Le jugement est confirmé.
3- Les taxes d'habitation
Le tribunal a fixé le montant de la condamnation à la somme de 504 euros au titre des taxes d'habitation des années 2018 et 2019 avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2021.
Mme [Z] demande la confirmation du jugement pour les années 2018 et 2019 mais la condamnation de l'appelante a payé désormais le montant des taxes d'habitation au titre des années 2020, 2021 et 2022.
La Sci L'industrie fait valoir que les taxes d'habitation ne sont dues que dans l'hypothèse d'une occupation du logement au 1er janvier de chaque année.
Mme [Z] a reçu des avis d'imposition au titre de la taxe d'habitation dues pour les années 2018 et 2019 : le jugement est confirmé de ce chef. A défaut de pièces justifiant de l'acquittement de la taxe pour les années suivantes, la demande de Mme [Z] sera rejetée.
4- Les frais d'assurance
Le tribunal a retenu la somme de 332,22 euros au titre des frais d'assurance des années 2018 et 2019 et 2020 avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020.
La Sci L'industrie ne critique pas cette prétention. Mme [Z] ne justifie pas des sommes versées au titre des années ultérieures, 2021 et 2022. Sa demande sera rejetée, le jugement confirmé.
5- Les frais d'assistance technique
Le tribunal a fixé le montant de 4 549,39 euros la somme due au titre des frais d'assistance technique avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020.
Cette condamnation n'est pas critiquée.
6- La mise en place des étais
Le tribunal a arrêté à la somme de 136,58 euros les frais relatifs à la mise en place des étais avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020.
Cette condamnation n'est pas critiquée.
7- Le préjudice de jouissance
Le tribunal a condamné la Sci L'industrie à payer à Mme [Z] la somme de
36 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts de droit à compter du 26 juin 2021.
Mme [Z] fait valoir qu'elle ne peut occuper l'immeuble jusqu'à l'achèvement des travaux soit une indemnisation due d'avril 2018 à décembre 2022 à raison de 1 200 euros × 55 mois sauf à parfaire pour la période postérieure.
La Sci L'industrie rétorque que la période n'est pas bonne puisque Mme [Z] n'a quitté son logement que fin décembre 2018 et ne justifie pas de frais liés à la situation. La somme doit être réduite car excessive.
A défaut de démontrer des incidences dans les conditions d'habitation de l'immeuble à cause des désordres discutés, la privation de jouissance est acquise dès janvier 2019, l'expert confirmant l'impossibilité d'habiter les lieux tant pour des raisons de sécurité que pour des raisons sanitaires. La privation de jouissance est totale puisque Mme [Z] ne peut disposer de son immeuble pour y vivre et correspond dans son évaluation à la valeur locative du bien soit 1 200 euros × 12 mois × 4 ans =
57 600 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qui concerne cette condamnation pour tenir compte de son actualisation. La condamnation prononcée s'élève à la somme de 57 600 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2021 sur la somme de 36 000 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus.
8 - Le préjudice moral
Le tribunal a fixé à la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020.
Mme [Z] demande désormais la somme de 80 000 euros.
La Sci L'industrie demande l'infirmation de la décision en l'absence de pièces justificatives, la motivation du tribunal visant ses conditions de logement ce qui relève d'autres postes de préjudice.
Mme [Z] ne verse aucune pièce spécifique au soutien de sa demande : il est toutefois acquis qu'elle a dû quitter l'immeuble de façon urgente à la suite de la première réunion d'expertise après constatations inquiétantes effectuées par l'expert. Elle a fait face à la situation en accompagnant ses enfants dans l'épreuve. L'état de l'immeuble justifiant si ce n'est sa destruction, à tout le moins, sa restructuration massive a bouleversé les projets de Mme [Z] et créé l'angoisse de tout perdre, ce d'autant plus que malgré l'exécution provisoire du jugement les espoirs d'indemnisation de Mme [Z] ne peuvent en l'état être soutenus par des garanties offertes par la Sci L'industrie.
Toutefois, l'évaluation faite par le premier juge n'est pas suffisamment soutenue par des documents pour en retenir le montant. La somme sera limitée à 12 000 euros, le jugement étant infirmé sur le montant, les intérêts au taux légal étant dus à compter du jugement et non rétroactivement.
9- La capitalisation des intérêts
Le tribunal a ordonné la capitalisation des intérêts des sommes dues par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 26 juin 2021.
Ce point n'est pas discuté.
En conséquence, l'infirmation de la décision entreprise ne portera que sur les dommages et intérêts dus au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral.
Sur les frais de procédure
La Sci L'industrie, condamnée aux dépens en première instance intégrant déjà les frais de référé et d'expertise, succombe en appel et supportera également les dépens de la présente procédure avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La décision relative aux frais irrépétibles par laquelle le tribunal a condamné la Sci L'industrie à payer à Mme [Z] la somme de 10 000 euros, à la Sa Gan assurances Iard celle de 3 000 euros sera confirmée.
Les frais dus en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, par la Sci L'industrie seront fixés à hauteur de 6 000 euros à l'égard de Mme [Z], aucune facture justifiant des frais d'avocat à hauteur d'une somme totale de 50 000 euros n'étant produite et de 3 000 euros à l'égard de la sa Gan assurances Iard.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la Sci L'industrie à payer à Mme [X] [Z] :
- la somme de 36 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral avec intérêts de droit à compter du 10 août 2020,
Et statuant à nouveau de ces chefs infirmés, y ajoutant,
Condamne la Sci L'industrie à payer à Mme [X] [Z] :
- la somme de 57 600 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2021 sur la somme de 36 000 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus au titre du préjudice de jouissance,
- la somme de 12 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du jugement au titre du préjudice moral,
Déboute Mme [X] [Z] d'une part, la Sci L'industrie d'autre part, de leurs plus amples demandes,
Condamne la Sci L'industrie à payer à Mme [X] [Z] la somme de
6 000 euros, à la Sa Gan assurances Iard la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sci L'industrie aux dépens dont distraction au profit de Me Florence Delaporte Janna."