Le maire peut ordonner la démolition des constructions illégales sous astreinte (jeudi, 02 février 2023)

Cet arrêt juge que le maire peut ordonner la démolition des constructions illégales sous astreinte.

Bâtons de dynamite

"Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le maire de Villeneuve-lès-Maguelone a prononcé à son encontre une astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à ce qu'il soit satisfait aux mesures prescrites permettant la régularisation des travaux entrepris sur la parcelle cadastrée section BK n° 0061. Par une ordonnance n° 2201324 du 1er avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril, 4 mai et 27 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Villeneuve-lès-Maguelone demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme B... ;

 


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que Mme B..., propriétaire d'une parcelle située en zone agricole sur le territoire de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, a déposé, le 5 février 2021, une déclaration préalable de travaux pour la construction d'un poulailler et d'une clôture constituée d'un mur maçonné enduit de 25 centimètres de hauteur, percé en partie basse de passages pour laisser la libre circulation des animaux sauvages et surmonté d'un grillage à larges mailles de 1,55 mètre de haut. Sur le fondement de cette déclaration, complétée le 26 mars 2021, le maire a délivré à Mme B... une décision de non-opposition par un arrêté du 15 avril 2021. Constat ayant été dressé par procès-verbal du 18 octobre 2021 que les travaux effectués consistaient en réalité en la réalisation d'un mur plein de 2 mètres de haut et 5 mètres de long, d'un portail de 2 mètres de haut et 4 mètres de long et d'un panneau solaire, le maire de la commune, après avoir invité l'intéressée à présenter ses observations par un courrier du 28 octobre 2021, l'a mise en demeure le 17 novembre 2021 de prendre dans le délai d'un mois les mesures nécessaires à la régularisation des travaux entrepris, consistant " en une remise en état du terrain respectant strictement l'autorisation d'urbanisme délivrée, à savoir la démolition du mur plein et l'enlèvement du panneau solaire ", sous une astreinte journalière de 100 euros à intervenir à l'expiration du délai imparti. .Par un arrêté du 17 décembre 2021, il a prononcé à l'encontre de Mme B... une astreinte de 100 euros par jour à compter de la notification de cet arrêté, jusqu'à ce qu'il soit satisfait aux mesures prescrites dans la mise en demeure Par une ordonnance du 1er avril 2022, contre laquelle la commune de Villeneuve-lès-Maguelone se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, saisi par Mme B... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de cet arrêté jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité.

2. Le premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. " Aux termes de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme : " I.- Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ", c'est-à-dire ceux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou ceux qui, par dérogation, en sont dispensés, " ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 ", c'est-à-dire l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable, " peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. / II.- Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l'infraction constatée et des moyens d'y remédier. Il peut être prolongé par l'autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l'intéressé pour s'exécuter. / III.- L'autorité compétente peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant maximal de 500 € par jour de retard. / L'astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s'il n'y a pas été satisfait, après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations. / Son montant est modulé en tenant compte de l'ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution. / Le montant total des sommes résultant de l'astreinte ne peut excéder 25 000 €. "

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique dont elles sont issues, que, dans le but de renforcer le respect des règles d'utilisation des sols et des autorisations d'urbanisme, le législateur a entendu, que, lorsqu'a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d'une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, mettre en demeure l'intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l'irrégularité constatée et les moyens permettant d'y remédier, soit de solliciter l'autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l'aménagement, l'installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l'impose, en procédant aux démolitions nécessaires. Cette mise en demeure peut être assortie d'une astreinte, prononcée dès l'origine ou à tout moment après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, s'il n'y a pas été satisfait, en ce cas après que l'intéressé a de nouveau été invité à présenter ses observations.

4. Pour juger qu'était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 17 décembre 2021 du maire de Villeneuve-lès-Maguelone le moyen tiré de ce qu'il avait inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que Mme B... avait été mise en demeure, pour assurer la mise en conformité des travaux dont l'irrégularité avait été constatée, de procéder à une démolition, fût-elle partielle, du mur plein en litige. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en regardant cette circonstance comme propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, alors qu'une telle mesure figure, ainsi qu'il a été dit, parmi celles que l'autorité compétente peut prescrire sur le fondement de ces dispositions, dans la mesure nécessaire à la mise en conformité, à défaut de régularisation, de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.

5. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, la commune de Villeneuve-lès-Maguelone est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. "

8. Il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, l'irrégularité des travaux effectués par Mme B..., en méconnaissance tant de l'autorisation d'urbanisme qui lui avait été délivrée que des dispositions du plan local d'urbanisme applicables en zone agricole, qui y prohibent l'installation de panneaux solaires ainsi que les clôtures de plus de 1,80 mètre et les murs pleins supérieurs à 0,25 mètre, a été constatée par un procès-verbal du 18 octobre 2021.

9. Mme B... soutient que les travaux entrepris ne seraient pas irréguliers, que le maire de Villeneuve-lès-Maguelone ne l'aurait pas mise à même de faire valoir ses observations de manière effective avant de la mettre en demeure le 17 novembre 2021 de prendre les mesures nécessaire à la mise en conformité de la construction litigieuse, que la démolition prescrite relèverait de la compétence du seul juge pénal et ne serait pas au nombre des mesures que le maire peut mettre en demeure de réaliser sur le fondement de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme et qu'elle porterait atteinte à son droit de propriété, en méconnaissance de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence, Mme B... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de cette décision.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Villeneuve-lès-Maguelone au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 1er avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 décembre 2021 ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Mme B... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Villeneuve-lès-Maguelone au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Villeneuve-lès-Maguelone et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 novembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes et Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. J Marchand-Arvier et M. Yves Doutriaux conseillers d'Etat ; M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire et Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, maître des requêtes-rapporteure."