Cochons et troubles anormaux du voisinage (mardi, 25 octobre 2022)

Les cochons peuvent constituer un trouble anormal du voisinage.

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"FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant exploit d'huissier en date du 28 janvier 2015, Monsieur Jacques L. et Madame Nicole L., née M., son épouse, propriétaires d'une maison d'habitation située [...], ont assigné leur voisin, Monsieur Laurent G. par devant le Tribunal d'Instance de CASTELSARRASIN pour l'entendre condamner au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 10.000,00 € en réparation de préjudice subi du fait d'une activité d'élevage porcin sur les parcelles de terre dont il est propriétaire. Les époux L. sollicitaient également la fermeture de l'élevage porcin sous astreinte de 150,00 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision.

Par jugement en date du 9 juillet 2015, le Tribunal d'Instance de CASTELSARRASIN a condamné Monsieur G. à payer aux époux L. la somme de 2.500,00 € à titre de dommages et intérêts outre 400,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de sa décision, le Tribunal d'Instance a estimé que, si le trouble avait cessé, il lui appartenait de rechercher si, antérieurement à la remise en état des lieux, la victime n'avait pas subi un trouble anormal du fait des agissements de son voisin. Le tribunal a ajouté que ces animaux malodorants dont l'activité principale est la fouille du sol, avaient engendré des dégâts sur les parcelles des époux L..

M. G. interjette appel de ce jugement le 20 juillet 2015.

M. G. a transmis ses dernières écritures par RPVA le 2 mai 2016.

M. et Mme L. ont transmis leurs dernières écritures par RPVA le 9 mai 2016.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1O MAI 2016.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, M. G. demande à la cour de :

- infirmer la décision de première instance,

- constater que les époux L. ne rapportent pas la preuve d'un trouble anormal de voisinage imputable à Monsieur G.,

- constater que les époux L. ne rapportent pas la preuve d'un préjudice personnel, direct et actuel lié à l'activité de Monsieur G.,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement de première instance,

- condamner solidairement Monsieur et Madame L. à payer à Monsieur G. la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 2° du Code de Procédure Civile,

- condamner solidairement Monsieur et Madame L. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP M., Avocat, sur ses dires et affirmations de droit.

L'appelant fait essentiellement valoir que :

- le caractère anormal du trouble de voisinage n'est pas établi ; que les époux L. n'invoquant aucun trouble anormal de voisinage, le tribunal ne pouvait que les débouter de leurs demandes, la charge de la preuve pesant sur les époux L. ; qu'une porcherie installée en zone rurale ne constitue pas en soi un trouble anormal ; que le simple fait pour des animaux d'être gênants et malodorants ne peut pour autant caractériser un trouble anormal de voisinage ; que le fait que ces porcs aient exceptionnellement soulevé des mottes de terres sur la pelouse des époux L. ne permet pas de caractériser un trouble anormal ; que ce n'est que du fait de la dégradation de ces clôtures que les porcs ont pu exceptionnellement se rendre sur la propriété d'autrui ; que la propriété des époux L. est dans un mauvais état d'entretien, de sorte que quelques mottes de terre soulevées ou quelques trous ne peuvent constituer un préjudice particulier,

- le tribunal a constaté que la cause du dommage invoqué par les époux L. avait disparu au jour du jugement mais il a recherché si, antérieurement à la remise en état des lieux, les époux L. ne pouvaient pas se prévaloir d'un préjudice ; que Monsieur G. a justifié qu'il avait obtenu une autorisation de son exploitation ; qu'il a mis fin à son activité et la Préfecture de Tarn & Garonne a constaté qu'il ne détenait plus de porcs et que son activité était clôturée auprès de l'établissement départemental de l'élevage à MONTAUBAN ; qu'au jour où le tribunal a statué, il n'existait donc plus aucun trouble de voisinage ; que le tribunal a statué ultra petita puisque les époux L. n'ont pas présenté de demande visant un trouble de voisinage antérieur à la cessation d'activité ; qu'ils n'ont versé aux débats aucune facture relative à des travaux de remise en état et ne justifient d'aucun préjudice.

Dans leurs écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 544 et suivants, 651 et suivants et 1382 et suivants du code civil, M. et Mme L. demandent à la cour d'appel de :

- débouter Monsieur G. de ses demandes,

- juger que les divagations de porcs sur le terrain des époux L., les dégradations et les odeurs nauséabondes sont constitutifs de troubles anormaux de voisinage,

- à tout le moins, déclarer Monsieur G. négligeant dans l'entretien de son élevage et dans la garde de ses porcs,

- en tout état de cause, condamner Monsieur G. à :

' cesser toute activité d'élevage porcin sur les parcelles de terre dont il est propriétaire à BARRY D'ISLEMADE,

' mettre un terme à la présence de tout porc sur le terrain situé [...],

' de manière plus générale, mettre un terme immédiat aux troubles de voisinages allégués,

' condamner Monsieur G. à verser aux requérants 10.000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues,

- confirmer le jugement intervenu en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile.;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement intervenu en toutes ses dispositions,

- en tout état de cause, y ajoutant, condamner Monsieur G. aux entiers frais et dépens de l'instance et à verser aux requérants 2000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les intimés font essentiellement valoir que :

- depuis que Monsieur G. a décidé d'installer un élevage porcin sur sa propriété, ils ont subi au quotidien les troubles liés à la présence de ces animaux,

- contrairement à ce qui est soutenu en cause d'appel, les demandeurs ont fait état devant le 1er juge du trouble anormal de voisinage ; que la preuve est parfaitement rapportée du trouble anormal de voisinage évoqué, notamment par un constat d'huissier réalisé sur les mois de novembre et décembre 2013 ; que, depuis lors, et jusqu'à l'arrêt de cette activité, la situation ne s'est pas améliorée,

- subsidiairement, si la juridiction estimait que la preuve du caractère anormal du trouble n'était pas rapportée, qu'il conviendra de retenir la faute de Monsieur G. ; qu'il appartient au propriétaire d'un animal de s'assurer qu'il ne divague pas ; que le défaut d'entretien des lieux en bon état de propreté générant nuisances est également constitutif d'une faute et à tout le moins une négligence engageant la responsabilité de son auteur sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil,

- qu'il n'est produit aucune pièce établissant que l'activité de Monsieur G. ait cessé à la date indiquée ; que l'anormalité peut être retenue même en l'absence de permanence ou de durabilité du trouble générant indemnisation pour inconvénient à caractère excessif et constitutif de troubles anormaux de voisinage ; qu'il importe peu que le trouble ait cessé lorsque la juridiction statue.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les articles 544 et 1382 du code civil,

1. Il est constant que M. G. est propriétaire d'un fonds immédiatement voisin de celui de M. et Mme L., situé [...]. Il y exploite un élevage porcin depuis au moins le mois de janvier 2013, ainsi qu'il résulte d'un courrier de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations du Tarn-et-Garonne adressé à M. S. le 25 février 2013.

2. M. et Mme L. produisent en premier lieu un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice les 4 et 12 novembre, et 2 décembre 2013, dont il ressort les éléments suivants :

- un enclos situé sur le fonds de M. G. et en limite de la parcelle de M. et Mme L. est matérialisé par des piquets de bois et du grillage à grandes mailles rectangulaires nouées ; la clôture est très lâche et le grillage n'est pas tendu par endroits ; en fin de parcelle se trouvent deux ou trois panneaux de bois ajoutés ; la distance entre le début de la clôture de l'enclos de M. G. et le coin droit du garage de M. et Mme L. est de 43 mètres,

- le 4 novembre 2013, l'huissier de justice constate que le jardin des époux L. est constitué d'une étendue d'herbe et que, par endroits, des mottes d'herbe sont soulevées ; la présence de trous est également constatée,

- le 12 novembre 2013, l'huissier de Justice constate la présence de six porcelets qui se déplacent sur toute la parcelle de M. et Mme L. ; les phénomènes de mottes de terre soulevées et de trous sont amplifiés par rapport aux précédentes constatations,

- le 2 décembre 2013, l'huissier de justice constate la présence de quatre porcelets à proximité immédiate de la maison d'habitation de M. et Mme L., soit à plus de 50 mètres de leur enclos ; il constate également la présence de trous dans l'herbe située devant la maison et à proximité immédiate, à l'arrière également ; tout autour du garage le terrain est comme labouré et creusé avec la présence de trous, de terre et de boue ; la partie la plus proche de l'habitation du chemin d'accès présente les mêmes caractéristiques ; dans l'enclos du terrain voisin, l'huissier constate la présence de sept porcs adultes et une odeur nauséabonde ; l'huissier constate que les porcelets partent de la propriété des époux L. pour rejoindre leur enclos en passant sous la partie grillagée située au niveau de 'l'entrée' de cet enclos ; il constate enfin, la présence de déchets et de détritus divers situés dans le fossé mitoyen, au ras de la clôture du côté de la propriété de M. G..

Les constats sont appuyés de nombreuses photographies confirmant les dires de l'huissier de justice.

M. et Mme L. produisent l'attestation de M. D. déclarant avoir constaté le 27 mars 2014 la présence de quatre cochons noirs. Cette attestation est appuyée de quatre photographies de ces cochons portant en surimpression la même date.

M. et Mme L. produisent l'attestation de Mme S. certifiant avoir constaté le 8 août 2014 la présence de deux cochons sur le terrain de Mme L.. Cette attestation est appuyée de huit photographies portant en surimpression la même date, et représentant des cochons à proximité immédiate d'une maison d'habitation.

M. et Mme L. produisent l'attestation de M. S. qui précise avoir constaté le 8 août 2014 les dégradations sur la propriété de M. et Mme L.. Il joint trois photographies représentant la dégradation de la clôture de M. G., la présence de porcs à une distance inférieure à 50 mètres, et la dégradation du terrain des époux L..

M. et Mme L. produisent l'attestation de Mme S. qui indique avoir constaté le 9 août 2014 la présence de quatre porcs chez M. et Mme L.. Cette attestation est appuyée de huit photographies portant en surimpression la même date, et représentant des cochons à proximité immédiate d'une maison d'habitation.

M. et Mme L. produisent enfin une évaluation de la valeur de leur maison faite le 23 décembre 2014 par M. D., agent immobilier, qui précise que 'la proximité d'animaux (porcs, chiens ...), qui occasionnent des dégâts dans le sol, des odeurs nauséabondes, dans un contexte particulier (présence de véhicules abandonnés ou/et en vrac)'.

Pour sa part, M. G. produit les attestations de :

- M. B. indiquant n'avoir senti aucune odeur de cochon dans la rue,

- Mme T. certifiant ne pas sentir d'odeur repoussante quand elle est chez M. et Mme G.,

- M. Patrice G., frère de M. G., qui porte la mention 'pas d'odeurs particulières',

- M. C., qui déclare qu'il n'y a pas d'odeur de l'élevage porcin quand il rend visite à M. G., - Mme M. qui certifie que lorsquelle rend visite à M. et Mme G. il n'y a pas d'odeur dérangeante pour elle et sa famille par rapport à l'activité des cochons,

- Mme F. qui indique 'aucune odeur d'élevage porcin,'

- M. B. qui déclare n'avoir jamais senti d'odeurs particulières provenant de son voisinage,

- M. S. qui indique 'aucune odeur porcine' et 'je pensais qu'il n'y avait plus de cochons,'

- M. M., attestant que de son domicile, il ne perçoit aucune odeur gênante et qu'il ne savait pas qu'il y avait un élevage porcin chez M. G.,

- M. C., voisin de M. G., qui certifie n'avoir jamais subi aucun désagrément quant aux cochons et n'avoir jamais ressenti la moindre odeur ni être dérangé par un quelconque bruit venant de ces animaux,

- M. L., qui certifie ne pas être incommodé par l'élevage porcin de M. G.,

- M. M. précisant que, vivant dans le même quartier que M. G., son commerce porcin n'affecte en rien par l'odeur la vie quotidienne au sein de la commune.

Enfin, M. G. verse aux débats une attestation de M. D., en date du 18 février 2015, qui expose avoir été chez Mme L. pour constater la présence de cochons chez elle. Il précise notamment que celle-ci lui a demandé une attestation de la présence des cochons car elle n'arrive plus à communiquer avec ses voisins. M. D. ajoute qu'il ne sent aucune odeur depuis son domicile provenant de l'élevage des cochons.

L'ensemble des attestations produites par M. G. ont été établies entre le 10 et le 28 février 2015.

M. G. produit encore une attestation des services de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations du Tarn-et-Garonne établissant qu'au 29 avril 2015, M. G. ne détient plus de porcs dans sa propriété du [...].

3. Il résulte des éléments versés aux débats que M. G. a exploité un élevage porcin sur sa propriété mitoyenne de celle des époux L. au moins depuis le mois de janvier 2013 jusqu'au 29 avril 2015.

Les nombreuses attestations produites par M. G. se cantonnent à la question des odeurs émises par cet élevage. Le constat d'huissier de justice ne mentionne l'existence d'une odeur nauséabonde que le 2 décembre 2013, à proximité de l'enclos porcin. Les attestations de M. G. ne donnent aucune indication précise sur l'existence d'odeurs à proximité de l'enclos. Le trouble de voisinage n'est pas indiscutablement avéré à ce titre.

En revanche, aucune des pièces produites par l'appelant ne vient infirmer les autres troubles dont se plaignent M. et Mme L., à savoir la divagation régulière des animaux sur la propriété de M. et Mme L., voire à proximité immédiate de leur maison d'habitation, d'une part, et la dégradation de leur terrain que fouillent les cochons, d'autre part. L'attestation de M. D. remise à Mme L. n'est en rien contredite à cet égard par celle qu'il a délivrée à M. G. et qui ne concerne que le problème d'odeur.

Si le fait qu'une porcherie installée en zone rurale ne constitue pas en soi un trouble anormal, il n'excuse pas la divagation des animaux. M. G. se borne à minimiser les dégradations subies par le terrain de ses voisins, et à alléguer sans preuve le mauvais état de ce terrain, alors que les constats d'huissier de justice établissent au contraire leur importance. Le fait que M. G. ait pu porter plainte pour la dégradation de sa clôture ne l'exonère pas de l'obligation de la maintenir en état et d'éviter que ses animaux ne s'échappent de leur enclos.

Les troubles de voisinage sont parfaitement établis tant par les attestations produites que par les constats de l'huissier de justice. En effet, rien ne permet au propriétaire de cochons, animaux par nature malodorants et destructeurs, de les laisser empiéter de manière répétée sur la propriété de ses voisins. L'autorisation administrative d'exploiter un élevage porcin n'est délivrée que sous réserve des droits des tiers et ne saurait donc constituer une cause d'exonération de la responsabilité. De même, l'absence de factures de remise en état du terrain n'interdit pas à la juridiction d'évaluer l'importance des dégradations occasionnées.

Le fait que M. G. ait justifié de ce qu'il a mis fin à l'élevage en question au mois d'avril 2015 ne retire rien au dommage causé antérieurement, comme le souligne à juste titre le premier juge. M. et Mme L. sont donc justifiés à demander réparation de ce dommage. La somme allouée par le jugement frappé d'appel constitue une juste évaluation de la réparation à laquelle M. et Mme L. ont droit, et il sera confirmé de ce chef, étant précisé que la preuve n'est pas rapporté de ce que le trouble de voisinage soit à l'origine de l'état dépressif constaté chez Mme L. au mois de décembre 2014.

La fin de l'exploitation ne peut simplement que conduire à écarter les chefs de demande tendant à faire cesser toute activité d'élevage porcin sur les parcelles de terre dont M. G. est propriétaire à BARRY D'ISLEMADE. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il n'a pas prononcé de condamnation à ce titre.

4.Au jour de l'assignation introductive d'instance du 28 janvier 2015, M. G. exploitait toujours son élevage. Il est donc mal venu à soutenir que M. et Mme L. ne visaient pas la réparation d'un préjudice existant ou antérieur à l'assignation. Par voie de conséquence, le premier juge n'a pas statué 'ultra petita' comme le soutient encore l'appelant.

5. M. G., qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement frappé d'appel,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. Laurent G. aux dépens de l'instance d'appel ; dont distraction sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civil,

CONDAMNE M. Laurent G. à verser à M. et Mme Jacques L. la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais engagés en cause d'appel."