Une application de l'article L.111-3 du code de l’urbanisme (lundi, 01 août 2022)

Cet article dispose : 

"La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié.

Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 421-5, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment."

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Il s'agissait d'une ancienne bergerie :

"Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 7 octobre 2011 par lequel le maire d'Hyères (Var) a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la reconstruction à l'identique d'une bergerie, et, d'autre part, la décision implicite rejetant le recours gracieux qu'il a formé le 7 décembre 2011 contre cet arrêté. Par un jugement n° 1200960 du 15 octobre 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14MA04914 du 6 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par une décision n° 408743 du 28 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de M. B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un arrêt n° 18MA05566 du 20 juin 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a de nouveau rejeté l'appel formé par M. B... contre le jugement du tribunal administratif de Toulon.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 août et 21 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Hyères la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune d'Hyères ;

 


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... est propriétaire, sur le territoire de la commune d'Hyères (Var), d'un terrain sur lequel est implantée une ancienne bergerie en pierres. Par une décision du 7 octobre 2011, le maire de la commune a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réhabilitation de ce bâtiment à des fins d'habitation. Par un jugement du 15 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et du rejet implicite de son recours gracieux. Par une décision du 28 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 6 janvier 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille avait rejeté l'appel formé par M. B... contre le jugement du tribunal administratif. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, de nouveau, rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Toulon.

Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 20 juin 2019 :

2. Aux termes du second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige, devenu l'article L. 111-23 du même code : " Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 421-5, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu permettre la restauration de bâtiments anciens caractéristiques des traditions architecturales et cultures locales laissés à l'abandon mais dont demeure l'essentiel des murs porteurs dès lors que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment en cause et à condition que les documents d'urbanisme applicables ne fassent pas obstacle aux travaux envisagés.

3. Lorsqu'un projet répond aux conditions définies au point précédent, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de l'autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s'est pas expressément prévalu des dispositions du second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme précité au soutien de sa demande de permis de construire, à moins que d'autres dispositions applicables y fassent légalement obstacle.

4. Pour rejeter l'appel formé par M. B... contre le jugement du tribunal administratif de Toulon, la cour administrative d'appel a jugé que M. B... ne pouvait utilement se prévaloir devant elle des dispositions du second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dès lors que ni sa demande de permis de construire ni l'arrêté refusant d'y faire droit ne visait ces dispositions. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

Sur l'appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif du 15 octobre 2014 :

6. En premier lieu, pour rejeter la demande de M. B... tendant à l'annulation du refus opposé à sa demande de permis de construire, le tribunal administratif a relevé qu'en mentionnant une reconstruction de la toiture à l'identique, l'imprimé de la demande présentait une incohérence avec les plans fournis, qui visaient quant à eux une réhabilitation et une reconstruction à l'identique de la bergerie, pour en déduire que l'autorité administrative, faute d'avoir été mise à même d'apprécier la consistance exacte du projet, était tenue de rejeter la demande qui lui était soumise.

7. Toutefois, si le formulaire de demande de permis de construire mentionne, à la rubrique " nature du projet envisagé ", que la propriété comprend une maison principale et une bergerie et qu'il s'agit de reconstruire à l'identique la toiture, récemment effondrée, de la bergerie, il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice descriptive du projet et des plans produits au soutien de la demande, que celui-ci vise la reconstruction à l'identique de la bergerie, notamment par la mise en place d'une nouvelle toiture, mais également par le confortement de la structure existante par des tirants formant chaînage et la mise en place d'huisseries en bois et de volets. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le maire avait pu légalement se fonder sur une incohérence dans le dossier de demande pour refuser le permis de construire sollicité.

8. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. B... ainsi que ceux invoqués en défense par la commune.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le pétitionnaire peut, à l'appui de sa contestation devant le juge de l'excès de pouvoir du refus opposé à sa demande de permis de construire, faire valoir que son projet répond aux conditions fixées par le second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, y compris s'il n'en a pas invoqué le bénéfice dans sa demande présentée à l'autorité administrative.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les travaux objets de la demande de permis de construire ont pour objet la réhabilitation et la reconstruction à l'identique d'une bergerie du XIXème siècle, en pierres apparentes, caractéristique du paysage et du patrimoine architectural provençaux traditionnels. Si les pièces du dossier indiquent que la toiture du bâtiment s'est récemment effondrée et qu'il n'a plus de fenêtres ni de plancher, il en ressort néanmoins qu'il a conservé l'essentiel de ses murs porteurs, que l'emplacement d'un conduit de cheminée reste visible, que " les rives de tuiles sont pour l'essentiel encore présentes " et que ses " murs porteurs en pierre sont dans l'ensemble en bon état ", comme le relève une expertise ordonnée en 2014 à l'occasion d'une action contentieuse devant le tribunal de grande instance de Toulon, et qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la commune, ce bâtiment n'est pas à l'état de ruine mais constitue une construction existante.

11. D'autre part, il ressort de la notice explicative du projet que les travaux ont pour but de conforter la structure existante par des tirants formant chaînage, que les façades ne seront pas modifiées, que les pierres seront laissées apparentes, que les ouvertures resteront inchangées, qu'il n'est pas prévu de création de surface hors œuvre nette et que la nouvelle toiture sera couverte de tuiles anciennes pour retrouver son aspect d'origine. Ainsi, il en ressort que le projet respecte les principales caractéristiques du bâtiment.

12. Enfin, il ressort du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune, remis en vigueur par l'effet de l'annulation contentieuse définitive du plan local d'urbanisme de la commune par un jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 décembre 2012, que le terrain d'assiette du projet est situé en zone 1NA correspondant " aux parties du territoire insuffisamment desservies ou non desservies par les équipements publics et constituant une réserve d'unités foncières sur lesquelles peut être envisagé un développement ultérieur. Les opérations se feront sous forme de ZAC destinées principalement à l'habitat ". L'article 1NA1 de ce règlement prévoit notamment que " sont admis sous conditions spéciales en dehors d'une procédure de ZAC excepté pour les terrains situés au Nord de la Capte, au lieu-dit les Pesquiers : / Pour les constructions à usage d'habitation existantes : / - Les travaux visant à améliorer le confort et la solidité des bâtiments, / - Les reconstructions en cas de sinistre, sans que les travaux n'entraînent un accroissement supérieur à 30 % de l'emprise au sol et de la SHON existantes à la date du 26.09.1984 et à condition qu'elles ne constituent pas une gêne pour l'aménagement futur de la zone. / - La création de pièces supplémentaires à des habitations existantes, destinées à une amélioration justifiée des conditions sanitaires pour les occupants, à condition qu'elle n'ait pas pour effet d'augmenter le nombre de logements et qu'elles ne constituent pas une gêne pour l'aménagement futur de la zone. (...) / Pour les constructions existantes à caractère agricole : / - Les constructions nouvelles à caractère précaire et démontable (notamment les serres " tunnel ") (...) ". Aux termes de l'article 1NA2, les types d'occupation ou d'utilisation du sol interdits sont : " Les constructions et installations de toute nature, à l'exception de celles visées à l'article 1NA1. / Les installations classées ou non. / Le défrichement et abattage d'arbres dans les espaces boisés classés ". Il en résulte que ni ces dispositions, ni aucune autre disposition du règlement du POS de la commune ne font obstacle à ce que le projet soit autorisé sur le fondement du second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de ce qui précède que les travaux envisagés par M. B... entrent dans le cadre des conditions posées par le second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. Si la commune soutient que le projet méconnaît le I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors applicable, et repris depuis à l'article L. 121-8 de ce code, aux termes duquel " l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ", la restauration d'une construction existante répondant aux conditions fixées au second alinéa de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ne saurait être regardée comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions C'est donc à tort que, par l'arrêté attaqué, le maire d'Hyères, qui n'a pas fait valoir dans son arrêté et devant le juge d'autres motifs que ceux tirés d'une incohérence entre les pièces de la demande, de la contrariété du projet aux règles locales d'urbanisme et d'une méconnaissance de I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors applicable, a refusé de faire droit à la demande de permis de construire qui lui était présentée.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2011 par lequel le maire d'Hyères a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la reconstruction à l'identique d'une bergerie.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la mesure supplémentaire d'instruction diligentée par la chambre chargée de l'instruction, qu'un motif, autre que ceux mentionnés dans l'arrêté annulé et soutenus devant le juge, ferait obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande de permis de construire formulée par M. B.... Par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, statuant comme juge d'appel, d'ordonner la délivrance de cette autorisation au requérant dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Hyères une somme de 6 000 euros au titre de ces mêmes dispositions pour l'ensemble de la procédure.

 


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 18MA05566 de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 juin 2019 et le jugement n° 1200960 du tribunal administratif de Toulon du 15 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : L'arrêté du maire d'Hyères du 7 octobre 2011 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au maire d'Hyères de délivrer à M. B... le permis de construire demandé par ce dernier dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : La commune d'Hyères versera à M. B... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Hyères sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la commune d'Hyères.
Copie en sera adressée à la section du rapport et des études."