Une précision sur le droit de préemption du locataire disposant d'un bail commercial (jeudi, 21 octobre 2021)
Cette décision juge que le bailleur peut très bien ne formuler l'offre de vente prévue au titre du droit de préférence du locataire selon bail commercial qu'après avoir signé une promesse unilatérale de vente avec un acquéreur, sous la condition suspensive tenant à ce droit de préférence du locataire.
Autrement dit rien n'oblige à envoyer l'offre de vente avant cette signature de la promesse unilatérale de vente.
"Exposé du litige
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 mai 2020), le 16 mai 2006, [W] [T], décédé le [Date décès 1] 2016, a donné en location à la société Clerc, devenue la société Hôtel de Latour Maubourg, un immeuble à usage d'hôtel qu'il a légué à l'association Cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint Pie X (l'association).
2. Le 24 octobre 2018, la propriétaire a fait signifier à la locataire la lettre recommandée qu'elle lui avait adressée le 19 octobre précédent, valant offre de vente de l'immeuble loué au prix de 5 050 000 euros, outre une commission d'agence immobilière, aux frais de l'acquéreur, de 300 000 euros.
3. Par lettre recommandée du 29 octobre 2018, la société Hôtel de Latour Maubourg a contesté la régularité de l'offre.
4. Ayant le 9 novembre 2018 consenti à la société Chatel Transaction une promesse unilatérale de vente de l'immeuble au prix de 5 050 000 euros la propriétaire a assigné la locataire aux fins de constatation de la purge du droit de préférence de celui-ci.
Moyens
Examen des moyens
Sur le premier et le deuxième moyens, ci-après annexés
Motivation
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Moyens
Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
6. La société Hôtel de Latour Maubourg fait grief à l'arrêt de juger que l'association a régulièrement signifié à la locataire une offre de vente de l'immeuble et que cette offre n'a pas été acceptée par le preneur, alors :
« 1°/ qu'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d'ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente ; qu'il s'ensuit que l'offre de vente est nulle pour avoir été délivrée au preneur après que le bailleur a trouvé un acquéreur, à la suite du mandat donné à l'agent immobilier lui ayant donné deux avis de valeur, concomitamment à la conclusion d'une promesse unilatérale de vente réservant l'exercice du droit de préférence par le preneur ; qu'en décidant cependant qu'il était au pouvoir de l'association de confier un mandat de vente à l'agent immobilier après lui avoir demandé un avis de valeur, de faire procéder à des visites du bien, sans attendre la notification au preneur d'une offre de préemption, et de conclure une promesse unilatérale de vente sous réserve du droit de préférence du preneur, la cour d'appel a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce ;
2°/ que l'existence d'un droit prioritaire d'acquisition au profit du preneur s'oppose à ce qu'il soit purgé au stade de la signature de la promesse unilatérale de vente, peu important qu'elle ne vaille pas vente ; qu'en relevant incidemment que la notification a été faite préalablement à la vente, la promesse de vente ne valant pas vente, la cour d'appel a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce. »
Motivation
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a exactement retenu que, la notification de l'offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, l'association avait pu confier à la société Immopolis un mandat de vente le 3 mars 2018, puis faire procéder à des visites du bien et que le fait qu'elle ait conclu, le 8 novembre 2018, une promesse unilatérale de vente, sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur, n'invalidait pas l'offre de vente.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. La société Hôtel de Latour Maubourg fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « qu'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d'ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation ; qu'il s'ensuit que l'offre de préemption est nulle dès lors qu'elle indique les frais d'agence, serait-ce séparément du prix de l'immeuble ; qu'en décidant que la mention des frais d'agence n'a introduit aucune confusion dans l'esprit du preneur qui était à même de les distinguer du prix de vente en principal, la cour d'appel a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce. »
Motivation
Réponse de la Cour
10.La cour d'appel a, par motifs adoptés, retenu, à bon droit, que, si l'offre de vente notifiée au preneur à bail commercial ne peut inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d'un agent immobilier, dès lors qu'aucun intermédiaire n'est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l'effet de la loi, la seule mention dans la notification de vente, en sus du prix principal, du montant des honoraires de l'agent immobilier, laquelle n'avait introduit aucune confusion dans l'esprit du preneur, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge, n'est pas une cause de nullité de l'offre de vente.
11. Elle a constaté que, sur l'offre de vente notifiée à la société Hôtel de Latour Maubourg, qui mentionnait le montant des honoraires de l'agence, le prix de vente en principal était clairement identifié.
12. Elle a retenu exactement que, le preneur pouvant accepter le prix proposé, hors frais d'agences, l'offre de vente n'était pas nulle.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hôtel de Latour Maubourg aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hôtel de Latour Maubourg et la condamne à payer à l'association Cultuelle Fraternité Sacerdotale Saint Pie X la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt et un.
Moyens annexés
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Hôtel de Latour Maubourg
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action formée par le bailleur, l'ASSOCIATION CULTUELLE FRATERNITE SACERDOTALE SAINT PIE X, afin de voir juger qu'elle avait purgé le droit de préemption de la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG et qu'elle était en droit de poursuivre la vente de l'immeuble, et D'AVOIR confirmé le jugement entrepris ayant déclaré recevable l'action formée par le bailleur, l'ASSOCIATION CULTUELLE FRATERNITE SACERDOTALE SAINT PIE X, et ayant jugé qu'elle avait régulièrement signifié à la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG, le 24 octobre 2018, une offre de vente de l'immeuble à elle loué selon bail renouvelé du 16 mai 2006 et que cette offre n'avait pas été acceptée par le preneur ;
1. ALORS QUE la recevabilité d'une action en justice est subordonnée à l'existence d'un intérêt à agir actuel et certain ; qu'il s'ensuit que la prohibition des actions déclaratoires s'oppose à ce que le bailleur se garantisse à l'avance de la régularité d'une offre de préemption tant que le preneur n'en a pas contesté la validité par l'exercice d'une action en justice ; qu'en déclarant recevable l'action tendant à prévenir l'exercice d'une demande en nullité d'une vente qui n'avait pas encore été conclue, après avoir posé, en principe, que l'action tendant à voir déclarer purgé le droit de préférence de la société locataire ne constituerait pas une action déclaratoire, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
2. ALORS QU'en posant, en principe, que l'action tendant à voir déclarer purgé le droit de préférence de la société locataire ne constituerait pas une action déclaratoire, la cour d'appel qui s'est déterminée sur cette seule affirmation, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS QUE la recevabilité d'une action en justice est subordonnée à l'existence d'un intérêt à agir actuel et certain, qui est apprécié au jour de l'introduction de la demande ; qu'il s'ensuit que la seule contestation par la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG de l'offre de préemption, par un courrier du 29 octobre 2018, ne conférait pas non plus au bailleur un intérêt à agir, tant que la vente de l'immeuble louée n'avait pas été conclue, à défaut de levée de l'option par la société CHATEL TRANSACTION, tiers bénéficiaire de la promesse de vente ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
4. ALORS subsidiairement QU'il résulte des nouveaux articles 1123, alinéa 4, 1158 et 1183 du code civil issues de la réforme du droit des obligations que la recevabilité des actions préventives est désormais enfermée dans les conditions posées par ces dispositions dérogatoires qui sont d'application immédiate aux contrats en cours, de sorte le bailleur ne tient plus des seules dispositions générales de l'article 31 du code de procédure civile, le droit d'exercer une action préventive afin de voir valider l'offre de vente délivrée au preneur et de poursuivre le processus de vente de l'immeuble qu'il a déjà entamée par la conclusion d'une promesse unilatérale de vente ; qu'en décidant que la seule contestation élevée par la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG, par un courrier du 29 octobre 2018, conférait au bailleur un intérêt à agir, en application de l'article 31 du code de procédure civile, pour déclarer recevable l'action formée par le preneur afin de purger le droit de préférence du preneur, et d'écarter les contestations déjà émises par la voie d'un simple courrier ainsi que de poursuivre la vente de l'immeuble louée, la cour d'appel a violé les dispositions précitées par refus d'application.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
La société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action formée par le bailleur, l'ASSOCIATION CULTUELLE FRATERNITE SACERDOTALE SAINT PIE X, afin de voir juger qu'elle avait purgé le droit de préemption de la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG et qu'elle était en droit de poursuivre la vente de l'immeuble, et D'AVOIR confirmé le jugement entrepris ayant jugé qu'elle avait régulièrement signifié à la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG, le 24 octobre 2018, une offre de vente de l'immeuble à elle loué selon bail renouvelé du 16 mai 2006 et que cette offre n'avait pas été acceptée par le preneur ;
1. ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en affirmant que le litige ne porterait pas sur la régularité de la promesse unilatérale de vente qu'elle lui avait consentie, quand la régularité de la purge du droit de préemption conditionnait la validité de la promesse de vente qui constituait l'objet du litige, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2. ALORS QUE la recevabilité d'une action est subordonnée à la mise en cause des parties obligées par l'acte faisant l'objet de la contestation ; qu'il s'ensuit que l'action de l'ASSOCIATION était irrecevable, à défaut d'avoir appelé à la cause la société CHATEL TRANSACTION qui tenait ses droits et obligations de la promesse de vente dont la validité dépendait de l'appréciation de la régularité de l'offre de préemption contestée par la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG ; qu'en affirmant, pour décider le contraire, que le bailleur n'était pas tenu de mettre en cause la société CHATEL TRANSACTION, au prétexte que le litige ne porterait pas sur la régularité de la promesse unilatérale de vente qu'elle lui avait consentie, quand la validité de la promesse de vente était indissociable de l'appréciation de la régularité de l'offre de préemption, la cour d'appel a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
La société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR jugé que l'ASSOCIATION CULTUELLE FRATERNITE SACERDOTALE SAINT PIE X avait régulièrement signifié à la société HOTEL DE LATOUR MAUBOURG, le 24 octobre 2018, une offre de vente de l'immeuble à elle loué selon bail renouvelé du 16 mai 2006 et que cette offre n'avait pas été acceptée par le preneur ;
1. ALORS QU'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d'ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente ; qu'il s'ensuit que l'offre de vente est nulle pour avoir été délivrée au preneur après que le bailleur a trouvé un acquéreur, à la suite du mandat donné à l'agent immobilier lui ayant donné deux avis de valeur, concomitamment à la conclusion d'une promesse unilatérale de vente réservant l'exercice du droit de préférence par le preneur ; qu'en décidant cependant qu'il était au pouvoir de l'ASSOCIATION de confier un mandat de vente à l'agent immobilier après lui avoir demandé un avis de valeur, de faire procéder à des visites du bien, sans attendre la notification au preneur d'une offre de préemption, et de conclure une promesse unilatérale de vente sous réserve du droit de préférence du preneur, la cour d'appel a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce ;
2. ALORS QUE l'existence d'un droit prioritaire d'acquisition au profit du preneur s'oppose à ce qu'il soit purgé au stade de la signature de la promesse unilatérale de vente, peu important qu'elle ne vaille pas vente ; qu'en relevant incidemment que la notification a été faite préalablement à la vente, la promesse de vente ne valant pas vente, la cour d'appel a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce ;
3. ALORS QU'en application de l'alinéa 1er de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d'ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation ; qu'il s'ensuit que l'offre de préemption est nulle dès lors qu'elle indique les frais d'agence, serait-ce séparément du prix de l'immeuble ; qu'en décidant que la mention des frais d'agence n'a introduit aucune confusion dans l'esprit du preneur qui était à même de les distinguer du prix de vente en principal, la cour d'appel a violé l'article L. 145-46-1 du code de commerce."