L'Etablissement Public Foncier qui préempte doit payer la commission de l'agent immobilier (mardi, 05 janvier 2021)
Cette décision rappelle que le titulaire du droit de préemption est tenu exclusivement mais intégralement aux conditions financières figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner, et c'est donc exactement que la cour d’appel a déduit de ces constatations que l’EPF était tenu au paiement de la commission d’agence.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 12 mai 2016), par acte du 8 janvier 2009, M. M. a confié à la société A., agent immobilier, un mandat de vente portant sur un terrain situé à Avignon, pour le prix de 490 000 euros correspondant à un prix net vendeur de 450 000 euros et une rémunération de l’agent immobilier de 40 000 euros, à la charge du vendeur sauf accord de prise en charge par l’acquéreur. Le 28 janvier 2009, M. M. a signé une promesse de vente avec la société Pro Home, stipulant que la commission d’agence de 40 000 euros serait à la charge de l’acquéreur et répartie par parts égales entre la société A. et la société Euro mistral immobilier qui avait présenté la société Pro Home à la société A.. L’Etablissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (l’EPF PACA), délégué par la commune d’Avignon, a exercé son droit de préemption.
2. Agissant en paiement de leurs commissions respectives, la société A., représentée par son mandataire liquidateur, M. R., et la société Euro mistral immobilier ont assigné l’EPF PACA. La société Euro mistral immobilier a également été placée en liquidation judiciaire, et M. de C. désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. L’EPF PACA fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux sociétés A. et Euro mistral immobilier la somme de 20 000 euros chacune au titre de leurs commissions d'intermédiation, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles 6 de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970, et 72 et 73 du décret n 72-678 du 20 juillet 1972 que l'agent immobilier ne peut réclamer une commission ou une rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'article 1 de cette loi d'une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l'engagement des parties ; que si, par une convention ultérieure, les parties peuvent s'engager à rémunérer les services de l'agent immobilier, cette convention n'est valable que si elle est postérieure à la réitération authentique de la vente régulièrement conclue ; qu'en mettant à la charge de l'EPF PACA les honoraires d'agence immobilière alors que le mandat prévoyait qu'elles étaient à la charge du vendeur et que l'engagement contraire de l'acquéreur résultait seulement du compromis de vente, et non d'un acte postérieur à la réitération de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
4. L’arrêt retient que, si le mandat confié par M. M. à la société A. prévoyait que la commission fixée à 40 000 euros serait à la charge du vendeur ou de l’acquéreur si celui-ci l’acceptait, la promesse de vente signée avec la société Pro Home stipulait que la commission serait à la charge de l’acquéreur et la déclaration d’intention d’aliéner mentionnait que les modalités de cession étaient fixées à hauteur de 450 000 euros plus une commission de 40 000 euros. Il ajoute, par motifs adoptés, que l’EPF PACA a exercé sans réserve le droit de préemption.
5. Dès lors que le titulaire du droit de préemption est tenu exclusivement mais intégralement aux conditions financières figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner, la cour d’appel a exactement déduit de ces constatations que l’EPF PACA était tenu au paiement de la commission d’agence.
6. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. L’EPF PACA fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la société Euro mistral immobilier la somme de 20 000 euros au titre de sa commission d’intermédiation, alors « qu’un agent immobilier ne peut réclamer de rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'art. 1er de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970 que si, préalablement à toute négociation ou engagement, il détient un mandat écrit fixant la rémunération de l'agent et déterminant la partie qui en aura la charge ; que, pour condamner l’EPF PACA à verser à la société Euro mistral la somme de 20 000 euros, la cour d'appel se contente d’affirmer que l’acquéreur a été présenté à l’agence titulaire du mandat, par la société Euro mistral ; qu’en s’abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si la société Euro mistral était titulaire d’un mandat de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972. »
Réponse de la Cour
8. Ayant retenu que la commission d’agence avait été fixée à la somme de 40 000 euros et était à la charge de l’EPF PACA et qu’une convention d’honoraires avait été conclue entre la société A. et la société Euro mistral immobilier prévoyant un partage par moitié des honoraires dus par l’EPF PACA, la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’Etablissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l’Etablissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur à payer à M. M. la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP G., avocat aux Conseils, pour Etablissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement condamnant l’EPF PACA à payer à la Sarl Euro Mistral Immobilier et à la Sarl A. la somme de 20.000 euros chacune au titre de leurs commissions d’intermédiation dans la vente conclue entre M. Daniel M. et l’EPF PACA après exercice de son droit de préemption,
AUX MOTIFS QUE par acte sous seing privé en date du 8 janvier 2009, M. M. a donné mandat à la SARL A. de vendre un terrain moyennant le prix de 490.000 euros étant précisé que la somme nette revenant au vendeur est fixée à 450.000 euros et que les honoraires de l’agent immobilier Orpi sont à la charge du vendeur « excepté dans le cas où l’acquéreur accepterait de les prendre à sa charge » ; que la déclaration d’aliéner du 5 février 2009 par laquelle la SCP C. - S. - D., notaire en charge, informe l’administration de la vente et de ses modalités précise à la rubrique « modalités de la cession » qu’il s’agit d’une vente amiable pour le prix de vente de 450.000 euros HT + commission d’agence 40.000 euros TTC ; qu’à la rubrique G, il est mentionné que le propriétaire a recherché et trouvé un acquéreur disposé à acheter les biens aux prix et conditions indiqués ; que ce n’est pas sans malice que l’EPF PACA s’arc-boute sur les mentions du mandat et soutient que cette déclaration d’intention d’aliéner dont elle affirme que seules les informations qu’elle contient lui sont opposables ne contient pas l’indication de la partie supportant la charge de la commission ; que les termes de la déclaration d’intention d’aliéner sont sans équivoque dans leur teneur : les modalités de cession sont fixées à hauteur de 450.000 euros, dont l’EPF PACA ne va pas à soutenir que ce prix serait à la charge du vendeur, plus une commission d’agence de 40.000 euros qui est nécessairement à la charge de l’acquéreur ; qu’aucune ambigüité n’existe à la lecture de ce seul document ; qu’en outre, des éléments extrinsèques dont l’EPF PACA ne peut utilement soutenir ne pas avoir eu connaissance ne font que confirmer cette analyse : -la décision du maire d’Avignon en date du 16 mars 2009, visant la déclaration d’intention d’aliéner au prix de 450.000 euros HT auquel s’ajoute une commission de 40.000 euros TTC, par laquelle il délègue à l’EPF le droit de préemption urbain ; - le courrier de Me S.-D. daté du 19 mai 2009 au notaire de l’EPF, Me O., qui lui demande de rajouter les paragraphes du compromis concernant la négociation et l’acte de vente passé le lendemain 20 mai 2009 qui page 6 au paragraphe « renonciation expresse au droit de préemption urbain » mentionne « l’EPF PACA, acquéreur aux présentes, titulaire du droit de préemption par délégation de la commune a notifié par courrier ci-annexé sa décision d’acquérir aux prix et conditions fixés par le vendeur », donc nécessairement de payer le prix principal de 450.000 euros et celui annexe de 40.000 euros au titre des honoraires d’agence ; que l’arrêt du 31 janvier sera en conséquence rétracté et le jugement déféré du 13 septembre 2011 confirmé dans toutes ses dispositions
ALORS QU’il résulte de la combinaison des articles 6 de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970, et 72 et 73 du décret n 72-678 du 20 juillet 1972 que l'agent immobilier ne peut réclamer une commission ou une rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'article 1 de cette loi d'une personne autre que celle mentionnée comme en ayant la charge dans le mandat et dans l'engagement des parties ; que si, par une convention ultérieure, les parties peuvent s'engager à rémunérer les services de l'agent immobilier, cette convention n'est valable que si elle est postérieure à la réitération authentique de la vente régulièrement conclue ; qu’en mettant à la charge de l’EPF PACA les honoraires d’agence immobilière alors que le mandat prévoyait qu’elles étaient à la charge du vendeur et que l’engagement contraire de l’acquéreur résultait seulement du compromis de vente, et non d’un acte postérieur à la réitération de celle-ci, la cour d’appel a violé les textes susvisés,
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) :
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné l’EPF PACA à payer à la Sarl Euro Mistral Immobilier la somme de 20.000 euros au titre de sa commission d’intermédiation dans la vente conclue entre M. Daniel M. et l’EPF PACA,
AUX MOTIFS QUE par acte sous seing privé en date du 8 janvier 2009, M. M. a donné mandat à la SARL A. de vendre un terrain moyennant le prix de 490.000 euros étant précisé que la somme nette revenant au vendeur est fixée à 450.000 euros et que les honoraires de l’agent immobilier Orpi sont à la charge du vendeur « excepté dans le cas où l’acquéreur accepterait de les prendre à sa charge » ; que la déclaration d’aliéner du 5 février 2009 par laquelle la SCP C. - S. - D., notaire en charge, informe l’administration de la vente et de ses modalités précise à la rubrique « modalités de la cession » qu’il s’agit d’une vente amiable pour le prix de vente de 450.000 euros HT + commission d’agence 40.000 euros TTC ; qu’à la rubrique G, il est mentionné que le propriétaire a recherché et trouvé un acquéreur disposé à acheter les biens aux prix et conditions indiqués ; que ce n’est pas sans malice que l’EPF PACA s’arc-boute sur les mentions du mandat et soutient que cette déclaration d’intention d’aliéner dont elle affirme que seules les informations qu’elle contient lui sont opposables ne contient pas l’indication de la partie supportant la charge de la commission ; que les termes de la déclaration d’intention d’aliéner sont sans équivoque dans leur teneur : les modalités de cession sont fixées à hauteur de 450.000 euros, dont l’EPF PACA ne va pas à soutenir que ce prix serait à la charge du vendeur, plus une commission d’agence de 40.000 euros qui est nécessairement à la charge de l’acquéreur ; qu’aucune ambigüité n’existe à la lecture de ce seul document ; qu’en outre, des éléments extrinsèques dont l’EPF PACA ne peut utilement soutenir ne pas avoir eu connaissance ne font que confirmer cette analyse : -la décision du maire d’Avignon en date du 16 mars 2009, visant la déclaration d’intention d’aliéner au prix de 450.000 euros HT auquel s’ajoute une commission de 40.000 euros TTC, par laquelle il délègue à l’EPF le droit de préemption urbain ; - le courrier de Me S.-D. daté du 19 mai 2009 au notaire de l’EPF, Me O., qui lui demande de rajouter les paragraphes du compromis concernant la négociation et l’acte de vente passé le lendemain 20 mai 2009 qui page 6 au paragraphe « renonciation expresse au droit de préemption urbain » mentionne « l’EPF PACA, acquéreur aux présentes, titulaire du droit de préemption par délégation de la commune a notifié par courrier ci-annexé sa décision d’acquérir aux prix et conditions fixés par le vendeur », donc nécessairement de payer le prix principal de 450.000 euros et celui annexe de 40.000 euros au titre des honoraires d’agence ; que l’arrêt du 31 janvier sera en conséquence rétracté et le jugement déféré du 13 septembre 2011 confirmé dans toutes ses dispositions étant observé que : - l’EPF PACA est tiers à la convention de répartition de honoraires entre les deux agences et ne dispose d’aucune qualité pour remettre en cause cette convention qui ne lui nuit en rien ; - le compromis passé le 28 janvier 2009 entre M. M. et la société Pro Home à laquelle l’EPF PACA s’est substitué mentionne la reconnaissance expresse par les parties que les termes, prix et conditions de ventes de la vente ont été négociés conjointement par les deux agences qui se répartissent à parts égales la rémunération de 40.000 euros stipulée à la charge de l’acquéreur ; que la rencontre des volontés résulte ainsi clairement des diligences de l’agence ORPI Bourgeon Immobilier qui a proposé le bien à la vente avec les moyens traditionnels dont dispose l’agence titulaire du mandat et qui a trouvé un acquéreur qui lui a été présenté par l’agence ERA Euromistral ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE par acte sous seing privé du 8 janvier 2009, M. M. a donné mandat à la SARL A., exerçant sous l’enseigne Orpi Bourgeon immobilier, de vendre un terrain sis à Avignon, moyennant le prix de 490.000 euros, étant précisé que la somme nette revenant au vendeur est fixée à 450.000 euros et que les honoraires de l’agent immobilier Orpi sont à la charge du vendeur, « excepté dans le cas où l’acquéreur accepterait de les prendre à sa charge » ; que la déclaration d'intention d'aliéner du 5 février, par laquelle le notaire rédacteur de l’acte a informé l’administration de la vente et de ses conditions, précise notamment sous la rubrique « modalités de la cession » et « vente amiable », que le prix de vente s’élève à 450.000 euros HT + commission d’agence 40.000 euros TTC ; que sous la rubrique « G les soussignés déclarent », le propriétaires déclarent avoir recherché et trouvé un acquéreur disposé à acheter les biens désignés à la rubrique C, « aux prix et conditions indiqués » ; qu’il en ressort que la rémunération de l’intermédiaire immobilier, soit 40.000 euros TTC, s’ajoute au prix de vente de 450.000 euros et qu’elle incombe ainsi à l’acheteur, conformément à la seconde proposition prévue par le mandat de vente ; que la clarté de cette information est suffisante ; qu’elle a d’ailleurs été parfaitement comprise par le député-maire d’Avignon, qui, par décision en matière de politique urbaine du 16 mars 2009, a consacré le droit de préemption de la commune et l’a délégué à l’EPF PACA, au visa de la déclaration d'intention d'aliéner susvisée et du « prix de 450.000 euros HT, auquel s’ajoute une commission d’agence de 40.000 € TTC » ; qu’en exerçant sans réserve le droit de préemption, l’EPF PACA, qui s’est substituée à l’acquéreur dans les mêmes conditions que celles énoncées dans la déclaration d'intention d'aliéner, ne peut valablement invoquer l’inopposabilité du compromis pour non communication antérieure, alors que celle-ci n’est pas spécialement requise dans le cadre de la procédure de préemption ; que le partage de la commission entre les deux agences immobilières, en application de l’accord intervenu entre elles, justifié par les termes du compromis de vente du 28 janvier 2009, ne fait pas grief à l’administration et ne l’exonère pas de son obligation de payer le prix total sur la base duquel elle a exercé son droit de préemption, soit 450.000 euros, outre commission d’agence de 40.000 euros TTC ; qu’il convient dès lors de condamner l’EPF PACA à payer la rémunération due aux deux agences soit : - à la SARL Euromistral Immobilier, la somme de 20.000 euros ; - à la SARL A., représentée par Maître R., la somme de 20.000 euros TTC ;
ALORS QU’un agent immobilier ne peut réclamer de rémunération à l'occasion d'une opération visée à l'art. 1er de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970 que si, préalablement à toute négociation ou engagement, il détient un mandat écrit fixant la rémunération de l'agent et déterminant la partie qui en aura la charge ; que pour condamner l’EPF PACA à verser à la société Euro Mistral la somme de 20.000 euros, la cour d'appel se contente d’affirmer que l’acquéreur a été présenté à l’agence titulaire du mandat, par la société Euro Mistral ; qu’en s’abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si la société Euro Mistral était titulaire d’un mandat de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 72 du décret du 20 juillet 1972."