Les clauses d'un règlement de copropriété relatives à la répartition des charges doivent recevoir application tant qu'elles n'ont pas été réputées non écrites par le juge (mardi, 22 septembre 2020)
Cet arrêt juge que "les clauses d'un règlement de copropriété relatives à la répartition des charges doivent recevoir application tant qu'elles n'ont pas été réputées non écrites par le juge".
"Le syndicat des copropriétaires du 52 cours Gay Lussac, 87000 Limoges, représenté par son syndic, M. T... R..., en qualité d'administrateur provisoire, domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-12.599 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2018 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société [...], société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat du syndicat des copropriétaires du [...] , après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 13 septembre 2018), le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] (le syndicat), soumis au statut de la copropriété, a assigné la SCI [...] (la SCI), propriétaire des lots n° [...], [...] et [...] dans cet immeuble, en paiement de charges, notamment de chauffage collectif.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
2. Le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que les clauses du règlement de copropriété doivent être appliquées par le juge tant qu'elles n'ont pas été jugées non écrites ; que pour débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande en paiement de charges, la cour a retenu qu'il ne pouvait se prévaloir du règlement de copropriété pour faire supporter à la SCI [...], qui n'est pas raccordée au chauffage collectif, une charge que celle-ci n'a pas à prendre en charge en application des dispositions d'ordre public de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'en statuant ainsi, sans qu'ait été déclarée non écrite la clause du règlement imputant de telles charges au lot de la SCI, la cour d'appel a violé les articles 10 et 43 de la loi du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 10 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 :
3. Il résulte de ces textes que les clauses d'un règlement de copropriété relatives à la répartition des charges doivent recevoir application tant qu'elles n'ont pas été réputées non écrites par le juge.
4. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient qu'en l'état du défaut de raccordement qui prive la SCI de toute possibilité de bénéficier du réseau collectif de chauffage, le syndicat ne peut se prévaloir du règlement de copropriété pour lui faire supporter une charge de chauffage qu'elle n'a pas à supporter en application des dispositions d'ordre public de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965.
5. En statuant ainsi, sans constater que la clause du règlement de copropriété, dont se prévalait le syndicat et qui faisait supporter les charges de chauffage collectif au propriétaire des lots [...] et [...], avait été réputée non écrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la SCI [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI [...] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires du 52 cours Gay Lussac à Limoges.
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le syndicat des copropriétaires du 52, cours Gay Lussac, à Limoges, de son action en paiement de charges dirigée contre la Sci [...] ;
Aux motifs que « le litige concerne les charges de copropriété liées au chauffage collectif de l'immeuble.
Attendu que le tribunal d'instance a rappelé les dispositions d'ordre public de l'article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 qui fait obligation aux copropriétaires de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun « en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot » ; qu'il résulte de ce texte que l'obligation faite aux copropriétaires de participer aux charges suppose que ceux-ci bénéficient d'un accès effectif aux services collectifs et équipements communs en cause ; que si le copropriétaire, qui fait le choix de ne pas utiliser le réseau collectif de chauffage mis à la disposition de son lot, reste tenu du paiement des charges afférentes, il n'en va pas de même dans le cas d'un propriétaire dont le lot ne bénéficie pas de ce service collectif par suite d'un défaut de raccordement.
Attendu que le procès-verbal dressé le 23 février 2017 par Me D..., huissier de justice, décrit les trois lots appartenant à la SCI concernés par le litige :
-le lot [...] correspond à un magasin exploité par l'enseigne de produits surgelés « Picard ».
-le lot [...] est un emplacement de parking en sous-sol,
-le lot [...] est une allée ou rampe d'accès au parking en sous-sol.
Attendu que les lots [...] et [...] ne sont pas raccordés au réseau de chauffage collectif de l'immeuble, ce qui apparaît logique compte tenu de la nature de ces lieux.
Attendu que l'huissier de justice a constaté que des canalisations du réseau collectif de chauffage de l'immeuble avaient été coupées et bouchées et il a relevé que le lot n° [...] correspondant au magasin « Picard », qui n'est équipé d'aucun radiateur, n'était pas raccordé au chauffage central de l'immeuble (procès-verbal p.14) ; que l'huissier de justice a constaté que le magasin était, y compris pour ses parties privées, équipé de manière autonome d'une climatisation électrique réversible ainsi que d'un ballon électrique de production d'eau chaude dont les coûts de fonctionnement sont pris en charge par la SCI au titre de sa consommation autonome d'électricité.
Attendu qu'en l'état de ce défaut de raccordement qui prive la SCI de toute possibilité de bénéficier du réseau collectif de chauffage, la demande en paiement formée par le syndicat des copropriétaires au titre de ces charges de chauffage ne peut prospérer et cet organisme ne peut se prévaloir du règlement de copropriété pour faire supporter à la SCI une charge de chauffage que celle-ci n'a pas à prendre en charge en application des dispositions d'ordre public de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 précité.
Qu'il s'ensuit que le jugement sera infirmé et que le syndicat des copropriétaires sera débouté de son action en paiement » ;
1/ Alors que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments d'équipement présentent à l'égard de chaque lot, si bien que le copropriétaire d'un lot ne peut être dispensé du paiement des charges relatives au chauffage collectif que si ce service ne présente aucune utilité objective pour son lot ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour juger que la Sci [...] n'était pas tenue du paiement des charges de chauffage, qu'elle ne bénéficiait pas de ce service collectif en raison d'un défaut de raccordement ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'installation collective de chauffage ne présentait aucune utilité objective pour le lot n° [...] constituant un magasin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2/ Alors que le copropriétaire d'un lot ne peut être dispensé du paiement des charges relatives au chauffage collectif que si ce service ne présente aucune utilité objective pour son lot qui ne peut être raccordé au réseau de chauffage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour juger que la Sci [...] n'était pas tenue du paiement des charges de chauffage, qu'elle ne bénéficiait pas de ce service collectif en raison d'un défaut de raccordement ; qu'en statuant ainsi, sans constater que le lot n° [...] ne pouvait être raccordé au chauffage collectif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ;
3/ Alors que les clauses du règlement de copropriété doivent être appliquées par le juge tant qu'elles n'ont pas été jugées non écrites ; que pour débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande en paiement de charges, la cour a retenu qu'il ne pouvait se prévaloir du règlement de copropriété pour faire supporter à la Sci [...], qui n'est pas raccordée au chauffage collectif, une charge que celle-ci n'a pas à prendre en charge en application des dispositions d'ordre public de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'en statuant ainsi, sans qu'ait été déclarée non écrite la clause du règlement imputant de telles charges au lot de la Sci, la cour d'appel a violé les articles 10 et 43 de la loi du 10 juillet"