L'agence immobilière doit contrôler la solvabilité du locataire ! (mardi, 05 novembre 2019)
L'agent immobilier doit-il vérifier si le locataire est solvable, c'est à dire s'il pourra payer les loyers ?
Curieusement, dans cette affaire la cour d'appel avait jugé qu'en l'absence de mandat de gestion, l'agent immobilier n'avait pas à s'assurer par des vérifications sérieuses de la solvabilité réelle des locataires.
La Cour de Cassation juge plutôt que "l'agent immobilier, négociateur d'une opération locative, est tenu, quelle que soit l'étendue de sa mission, de s'assurer de la solvabilité des candidats à la location à l'aide de vérifications sérieuses".
"Vu les articles 1991 et 1992 du code civil ;
Attendu que l'agent immobilier, négociateur d'une opération locative, est tenu, quelle que soit l'étendue de sa mission, de s'assurer de la solvabilité des candidats à la location à l'aide de vérifications sérieuses, réalisées dans les limites prévues par l'article 22-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, issu de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après que le bail d'habitation, conclu le 1er janvier 2006, par l'entremise de la société La Grosse Horloge, à laquelle elle avait confié un mandat de recherche de locataires, eut été résilié, pour non-paiement des loyers, avec effet au 1er janvier 2009, et que les occupants, devenus sans droit ni titre, se furent maintenus dans les lieux jusqu'au 13 mai 2011 sans verser d'indemnité d'occupation, la société X... a assigné la société Square habitat Nord 17, venant aux droits de la société La Grosse Horloge (l'agent immobilier), en responsabilité et indemnisation, en raison des manquements commis dans la vérification de la solvabilité des locataires au jour de la conclusion du bail ;
Attendu que, pour écarter la responsabilité de l'agent immobilier, l'arrêt retient qu'en l'absence de mandat de gestion, il n'avait pas à s'assurer par des vérifications sérieuses de la solvabilité réelle des locataires ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Square habitat Nord 17 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Bourgeois
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI X... de ses demandes tendant à voir juger que la responsabilité contractuelle de la société Square Habitat Nord 17 est pleinement engagée à l'égard de la SCI X... au titre des manquements qui lui sont imputables dans l'exécution du contrat de mandat conclu le 27 septembre 2005 et condamné la société Square Habitat Nord 17 à verser à la SCI X... la somme de 114 979,15 € outre les intérêts au taux légal sur la somme de 12 937,90 € à compter du 28 janvier 2009 à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « La SCI X... reproche au Cabinet Baxas d'avoir commis une faute dans l'exercice de son devoir de conseil et d'assistance en acceptant de lui présenter sans réserve Monsieur Y... et Madame Z..., sans avoir préalablement vérifié leur solvabilité ainsi qu'avec tout le sérieux qui s'impose en pareille circonstance, les renseignements relatifs à leur situation financière.
L'agent immobilier, mandataire du bailleur, est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil à l'égard de son mandant, dont l'étendue dépend de celle du mandat qui lui a été confié.
En l'espèce, le mandat conclu le 27 septembre 2005 entre la SCI X... et la SARL La Grosse Horloge, devenue la SARL Square Habitat Nord 17, est intitulé "mandat de location sans exclusivité" ; il confie à l'agence immobilière exerçant sous l'enseigne Cabinet Baxas le mandat de rechercher un locataire, mais non celle de gérer le logement loué, l'établissement du bail constituant le terme de sa mission.
En exécution de ce mandat de location, la SARL La Grosse Horloge, devenue la SARL Square Habitat Nord 17, était tenue de vérifier la pertinence des documents produits par les candidats à la location, mais en l'absence de mandat de gestion, elle n'avait pas à s'assurer par des vérifications sérieuses de la solvabilité réelle des locataires, ni de l'exécution par ces derniers de leurs obligations contractuelles.
L'acceptation par Madame Christiane X... des deux candidats à la location proposés par l'agence immobilière a été faite « sous réserve de réception du dépôt de garantie et de la caution ».
S'agissant du "dépôt de garantie", la SARL La Grosse Horloge, devenue la SARL Square Habitat Nord 17, était tenue, en exécution du mandat de location le prévoyant expressément, d'en exiger le paiement par les locataires.
Il est démontré par la production de courriers échangés entre la SCI X... et Madame A..., ancienne bailleresse de Monsieur Y... et Madame Z... que le dépôt de garantie, d'un montant de 1340 € a été avancé par celle-ci dans l'attente du versement des fonds par le Fonds de Solidarité Logement, mais qu'à défaut d'achèvement du dossier, la prise en charge attendue n'a pas été réalisée. La somme de 1340 € a cependant été encaissée le 5 janvier 2006 par la SCI X... et n'a pas été remboursée par elle à Madame A....
S'agissant de "la caution", il convient d'observer que le mandat de location confié à l'agence immobilière ne faisait pas obligation à cette dernière de rechercher un tiers susceptible de s'engager à garantir le paiement des loyers et charges dus par les locataires et que la SCI X... a signé l'exemplaire du bail proposé par son mandataire alors que ce document ne contenait aucune indication sur l'identité d'une éventuelle caution.
La preuve d'un manquement de la SARL La Grosse Horloge, devenue la SARL Square Habitat Nord 17, à ses obligations contractuelles n'étant pas rapportée, le jugement entrepris sera infirmé et la SCI X... déboutée de ses demandes » ;
1°) ALORS QUE l'agent immobilier est tenu envers son mandant d'une obligation de renseignement et de conseil lui imposant de vérifier la solvabilité des candidats locataires qu'il lui propose ; que la SCI X... exposait que l'agent immobilier n'avait pris aucune précaution lorsqu'il a choisi M. Y... et Mme Z... en qualité de locataires et qu'il échouait à démontrer qu'il aurait vérifié la solvabilité des locataires avant de leur proposer le bien de la SCI X... (conclusions, p. 8) ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute de l'agent immobilier, qu'en l'absence de mandat de gestion, il n'avait pas à s'assurer par des vérifications sérieuses de la solvabilité réelle des locataires, la cour d'appel a violé les articles 1991 et 1992 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'agent immobilier est tenu envers son mandant d'une obligation de renseignement et de conseil lui imposant de vérifier la solvabilité des candidats locataires qu'il lui propose ; que la SCI X... exposait que l'agent immobilier n'avait pris aucune précaution lorsqu'il a choisi M. Y... et Mme Z... en qualité de locataires et qu'il échouait à démontrer qu'il aurait vérifié la solvabilité des locataires avant de leur proposer le bien de la SCI X... (conclusions, p. 8) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'agent immobilier avait effectivement vérifié la pertinence des documents produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1991 et 1992 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'agent immobilier, tenu de s'assurer de la solvabilité des candidats à une location qu'il propose à son mandant, doit rapporter la preuve des diligences accomplies à ce titre ; que la SCI X... exposait que l'agent immobilier n'avait pris aucune précaution lorsqu'il a choisi M. Y... et Mme Z... en qualité de locataires et qu'il échouait à démontrer qu'il aurait vérifié la solvabilité des locataires avant de leur proposer le bien de la SCI X... (conclusions, p. 8) ; qu'en retenant, pour écarter toute faute de l'agent immobilier que la preuve d'un manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles n'est pas rapportée, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
4°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la SCI X... faisait valoir « L'engagement de location qu'a fait signer le Cabinet Baxas au droit duquel vient aujourd'hui la société Square Habitat Nord 17 à la SCI X..., le 29 décembre 2005 portait la mention expresse de ce que la location pourrait intervenir uniquement sous réserve de réception du dépôt de garantie et de la caution » (conclusions, p. 8, in fine) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire des écritures de la SCI X..., la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code civil ;
5°) ALORS QUE seule la faute de la victime qui constitue la cause exclusive du dommage exonère de sa responsabilité le débiteur de son obligation contractuelle ; que la SCI X... faisait valoir « L'engagement de location qu'a fait signer le Cabinet Baxas au droit duquel vient aujourd'hui la société Square Habitat Nord 17 à la SCI X..., le 29 décembre 2005 portait la mention expresse de ce que la location pourrait intervenir uniquement sous réserve de réception du dépôt de garantie et de la caution » (conclusions, p. 8, in fine) ; qu'en écartant toute faute de l'agent immobilier pour ne pas avoir sollicité de caution au motif que le bailleur avait accepté de conclure le bail litigieux qui ne contenait aucune indication sur l'identité d'une éventuelle caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1992 du code civil."