Limite de l'obligation de conseil du notaire (lundi, 21 octobre 2019)
Cet arrêt juge que le notaire, qui n'est pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, n'est pas tenu d'informer l'acquéreur du risque d'échec du programme immobilier qu'il ne pouvait suspecter au jour de la signature de la vente.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir constitué la société civile immobilière BRC Investissement (l'acquéreur), M. et Mme R., désireux de réaliser un investissement immobilier dans un but de défiscalisation, sont entrés en relation avec la société Cincinnatus assurance (la société Cincinnatus), conseiller en gestion de patrimoine, qui, au terme d'une étude personnalisée, lui a conseillé d'investir dans un programme immobilier Château d'Abondant, développé sous l'égide de la société Financière Barbatre (le promoteur-constructeur), et présenté comme éligible au dispositif de défiscalisation institué par la loi n 62-903 du 4 août 1962 sur les monuments historiques ; que, suivant acte du 22 décembre 2003, l'acquéreur a donné procuration à « tout clerc » de la société civile professionnelle Patrick P., Max O., Carol D., François-Régis P., Denis T., Corinne A., Franco B. et Xavier C., devenue la SCP Carol D., François-Régis P., Denis T., Corinne A., Franco B., Xavier C. et Vincent S. (la SCP notariale), aux fins d'acquérir et emprunter pour son compte une somme auprès d'une banque, en vue de financer l'achat d'un lot dans l'ensemble immobilier ainsi que les travaux de réhabilitation ; que, le 26 décembre 2003, la SCP notariale a reçu l'acte authentique d'acquisition ; que le promoteur-vendeur et ses filiales chargées de la réalisation des travaux et de l'exploitation de la future résidence hôtelière ont été placés en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire avant la réalisation des travaux de réhabilitation ; qu'alléguant avoir payé en pure perte une certaine somme à titre d'avances sur travaux, l'acquéreur a assigné la société Cincinnatus et la SCP notariale en responsabilité et indemnisation ;
Sur le moyen unique du pourvoi n E 18-23.168 :
Attendu que la société Cincinnatus fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la SCP notariale, à payer à l'acquéreur la somme de 143 110 euros, alors, selon le moyen :
1/ que l'obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s'étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours normal de l'investissement qu'il a proposé à son client, lorsque ces aléas ne présentent aucune spécificité et sont de la connaissance de tous ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Cincinnatus avait manqué à ses obligations de conseil en gestion de patrimoine en ne procédant, dans l'étude réalisée pour M. et Mme R., « à aucune analyse de l'investissement proposé, en n'informant M. et Mme R. que des avantages de l'opération, en ne les avisant ni des conditions auxquelles le succès de l'opération était subordonné ni des risques susceptibles de découler du défaut de réalisation de ces conditions et en faisant état d'une sécurité totale de l'investissement » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la société Cincinnatus n'était pas tenue de mettre en garde M. et Mme R. sur le fait que toute opération d'investissement immobilier aux fins de défiscalisation est susceptible d'échouer en cas de défaillance ultérieure de l'un des participants au projet de construction, risque inhérent à toute opération immobilière et de la connaissance de tous, et qui ne présentait aucune spécificité au regard du placement proposé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231 du même code ;
2/ que l'obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s'étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours de l'investissement qu'il a proposé à son client, dès lors qu'à la date à laquelle il a conseillé ce placement, il ne disposait d'aucun élément de nature à l'alerter sur le risque d'un échec prévisible de l'opération d'investissement ; qu'en l'espèce, la société Cincinnatus faisait valoir que, lorsque le placement litigieux avait été proposé à M. et Mme R. en 2003, elle avait préalablement procédé à des investigations sur la santé financière des sociétés du groupe Barbatre et sur l'état d'avancement du projet, sans disposer de la moindre information permettant de douter du succès de l'opération projetée, qui répondait notamment à l'ensemble des critères permettant de bénéficier des dispositions défiscalisantes de la loi Malraux ; que la cour d'appel a néanmoins retenu qu'il « appartenait au conseil en gestion de patrimoine, tenu à une obligation de conseil, d'informer [M. et Mme R.] des risques encourus du fait des aléas susceptibles d'être rencontrés dans l'exécution des travaux » et que « le pourcentage de commercialisation du programme ne suffisait pas en soi à garantir le succès de l'opération qui était tributaire de la bonne fin des travaux », « d'autant plus que, compte tenu de la nécessité pour les investisseurs de constituer une ASL chargée de solliciter le permis de construire et de l'importance des travaux nécessaires, le délai pour réaliser ceux-ci avant le 15 janvier 2005 était bref » ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs impropres à caractériser en quoi la société Cincinnatus, qui n'est pas un professionnel dela construction immobilière, avait pu identifier le moindre élément révélant un risque d'échec de l'opération à la date de la décision d'investir de M. et Mme R., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231 du même code ;
3/ que l'obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s'étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours de l'investissement qu'il a proposé à son client, dès lors qu'à la date à laquelle il a conseillé ce placement, il ne disposait d'aucun élément de nature à l'alerter sur le risque d'un échec prévisible de l'opération d'investissement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs réputés adoptés, qu'il pouvait être « admis que la société Cincinnatus, conseil en gestion de patrimoine, n'avait pas de raison de douter de la fiabilité des entreprises du groupe Barbatre en 2003 » et que ce n'était qu'à compter de janvier 2007 que les loyers n'avaient plus été réglés ; qu'en décidant néanmoins que la société Cincinnatus avait manqué à son devoir de conseil envers M. et Mme R. pour ne pas les avoir alertés sur les risques d'échec de l'investissement immobilier proposé, après avoir constaté que de tels risques n'étaient pas caractérisés à la date à laquelle ils avaient décidé d'investir, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231 du même code ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la présentation de l'opération conseillée se conclut ainsi : « vous allez disposer d'une sécurité totale sur votre investissement » et que la société Cincinnatus n'a émis aucune réserve sur l'existence d'un éventuel aléa, l'arrêt retient, d'abord, que la présentation de l'opération ne comprend aucune précision sur les conditions auxquelles le succès de l'opération était conditionné ou sur les risques susceptibles de découler du défaut de réalisation de ces conditions, alors que celle-ci supposait la réhabilitation complète de l'immeuble, ce qui constituait un aléa essentiel de cet investissement immobilier de défiscalisation ; qu'il relève, ensuite, que l'acquéreur n'a reçu aucune information sur ses obligations et les risques encourus en cas de retard dans le démarrage des travaux ou de l'inexécution de ceux-ci, que ces risques, liés à une opération complexe, n'étaient pas de la « connaissance de tous » et que cette information lui était due, même s'il pouvait être admis que la société Cincinnatus n'avait pas de raison de douter de la fiabilité des entreprises du promoteur-constructeur en 2002 ; que la cour d'appel a ainsi caractérisé les manquements de la société Cincinnatus à son obligation de conseil et d'information à l'égard de l'acquéreur sur l'aléa essentiel de l'opération de défiscalisation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n P 18-21.405 :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la SCP notariale, in solidum avec la société Cincinnatus, à payer à l'acquéreur la somme de 143 110 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices, l'arrêt retient que la SCP notariale aurait dû attirer l'attention de l'acquéreur sur l'aléa essentiel de cette opération que représentait l'absence de garantie de bonne fin des travaux, dont le succès était économiquement subordonné à la réhabilitation complète de l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le notaire, qui n'est pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher, n'était pas tenu d'informer l'acquéreur du risque d'échec du programme immobilier, qu'il ne pouvait suspecter au jour de la signature de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure de statuer au fond, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la SCP Carol D., François-Régis P., Denis T., Corinne A., Xavier C., Franco B. et Vincent S.in solidum avec la société Cincinnatus, à payer à la SCI BRC Investissement la somme de 143 110 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, l'arrêt n RG : 16/05913 rendu le 15 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette les demandes formées par la SCI BRC investissement contre la SCP Carol D., François-Régis P., Denis T., Corinne A., Xavier C., Franco B. et Vincent S. ;
Condamne la société Cincinnatus assurance aux dépens comprenant ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyen produit au pourvoi n P 18-21.405 par la SCP B., S. de B. et M., avocat aux Conseils, pour la société Carol D., François-Régis P., Denis T., Corinne A., Xavier C., Franco B. et Vincent S. et la société MMA IARD.
Il est fait grief à l’arrêt d’AVOIR condamné la SCP D., P., T.-A., B. C. et S., in solidum avec la société Cincinnatus, à payer à la SCI BRC Investissement la somme de 143 110 euros à titre de dommages et intérêt, en réparation de son préjudice ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les appelants justifient, en tant que de besoin, avoir déclaré leur créance au passif de la société Sogecif ; qu’il est constant que la procédure a été clôturée pour insuffisance d’actif ; qu’au titre du devoir de conseil dont il est débiteur, le notaire doit « éclairer les parties et s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui » ; qu’il ne peut s’exonérer de cette obligation au motif que son bénéficiaire aurait été assisté par un conseiller en gestion de patrimoine ; qu’il est donc tenu d’informer et d’éclairer les parties sur la portée et les effets ainsi que sur les risques de l’acte auquel il prête son concours et le cas échéant de le leur déconseiller ; que cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l’acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance ; que la promesse de vente stipule que « le bénéficiaire accepte la présente promesse de vente en tant que promesse, se réservant la faculté d’en demander la réalisation selon qu’il avisera » ; que la SCI BRC Investissement n’était donc nullement contrainte d’acquérir le bien étant précisé, en outre, qu’aucune indemnité d’immobilisation n’avait été fixée ; que la SCP notariale ne peut dès lors utilement prétendre qu’elle était tenue par cet acte d’acquérir ou que la convention était parfaite et qu’il « n’y avait plus de place pour l’exercice du devoir de conseil » ; que Maître P., membre de la SCP notariale intimée, a établi l’acte de vente par la Sarl Saint Victor de l'ensemble immobilier à la SARL Financière Barbatre le 26 décembre 2002, a établi, le même jour, le règlement de copropriété, et a reçu, le 26 décembre 2003, l’acte de vente du lot de la société ; que la société BRC Investissement a instauré pour mandataire tout clerc de l’étude ; que l’acte de prêt a été régularisé par la SCP ; qu’ainsi, la SCP notariale a procédé à tous les actes permettant la réalisation par la société Financière Barbatre de l’opération et à ceux permettant à la société BRC Investissement d’acquérir le lot y compris d’emprunter les fonds nécessaires à l’opération ; qu’elle a donc eu à connaître de tous les aspects de l’opération immobilière dite du Château d'Abondant et de l’acquisition par la société de son lot ; qu’il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir conseillé à la SCI d’acquérir les biens sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement ou de la vente d’immeubles à rénover qui ne lui aurait pas permis de bénéficier des avantages fiscaux ; que si le notaire n’est pas tenu de procéder à des recherches particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée et sur la solvabilité des parties, en l’absence d’éléments d’appréciation qu’il n’a pas à rechercher, il doit, à tout le moins, informer les parties des risques dont il a connaissance ; qu’ayant connaissance de tous les aspects de l’opération immobilière, la SCP savait qu’il s’agissait d'une opération particulière imposant, notamment, aux acquéreurs de réaliser les travaux de réhabilitation pour pouvoir profiter de la défiscalisation ; qu’elle savait également que l’opération formait un ensemble ; qu’elle ne peut donc utilement prétendre que l’acquéreur était dans la même situation que celle de n’importe quel propriétaire désireux d’entreprendre des travaux dans le bien qu’il acquérait ; que, concernant la SCI, elle savait que la somme empruntée était destinée à hauteur d’environ 80 % au financement des travaux ; qu’elle n’ignorait pas qu’il n’existait aucune garantie de la bonne exécution des travaux de réhabilitation ; qu’elle ne justifie pas avoir informé la société que l'acquisition conseillée ne lui garantissait pas la bonne fin de l'opération dont le succès était économiquement subordonné à la réhabilitation complète de l'immeuble, ce qui constituait un aléa essentiel de cet investissement ; qu’elle a, ainsi, manqué à son devoir de conseil
AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le notaire est tenu d'un devoir de conseil ; qu’à ce titre, il doit " éclairer les parties et s'assurer de la validité et de l’efficacité des actes rédigés par lui " ; que les demandeurs soutiennent qu'il appartenait au notaire, qui était en charge de la totalité de l'opération de vente des lots du Château d'Abondant, de prévoir, compte tenu de la spécificité de cette opération à but de défiscalisation, que les acomptes sur travaux ne pourraient être payés qu'après vérification du bon accomplissement de chaque étape du processus de réhabilitation de l'ensemble immobilier ou, à tout le moins, d'informer les investisseurs du risque qu'ils prenaient en l'absence de garantie de la bonne utilisation des fonds ; qu’en l'espèce, il est établi que la SCP Carol D.-François Régis P.-Denis T.-Corinne A.-Franco B.-Xavier C. & Vincent S., notaires associés, a eu à connaitre de tous les aspects de l'opération immobilière dite du Château d'Abondant puisque Maître P. a établi les actes de vente de l'ensemble immobilier (de la SARL Saint Victor à la SARL Financière Barbatre) du 26 décembre 2002 et du lot n 46 de la copropriété (de la SARL Barbatre a la SCI BRC investissements) du 26 décembre 2003, après avoir établi le règlement de copropriété, ainsi que l'acte de prêt consenti à la SCI BRC investissements par le Crédit mutuel de Beaune, toutes les parties auxdits actes ayant donné procuration à des clercs de l’étude notariale située à Nice ; qu’interrogé par la société Cincinnatus au sujet du programme du Château d'Abondant, Me P. avait d'ailleurs répondu le 12 décembre 2002 sur les régimes fiscaux différents applicables à la déduction des déficits fonciers par les propriétaires bailleurs selon le type d'opérations envisagées, démontrant ainsi qu'il avait également une parfaite connaissance de l’aspect fiscal de cette opération dans le cadre de la loi sur les Monuments Historiques ; que le notaire ne saurait utilement soutenir qu'il n'y avait plus place à son devoir de conseil des lors que la convention était déjà parfaite au moment où il est intervenu, la promesse de vente valant vente, alors qu'il ressort clairement de l'acte du 17 novembre 2003 que la promesse en cause était une promesse unilatérale de vente n'engageant de manière ferme et définitive que le promettant, la SCI BRC investissements n'ayant pas d'obligation d'acquérir, et que les parties ont expressément prévu que " le transfert de propriété de l'immeuble aura lieu le jour de la signature de l'acte authentique qui constatera la réalisation de la vente ", l'acte mentionnant ensuite le -prix de la vente éventuelle" et ont donc fait de la réitération par acte notarié un élément constitutif de leur consentement lequel a été reporté à la date de cet acte ; que si, compte tenu de l'intervention du notaire, ni dans l'acte de vente du lot de copropriété à la SCI BRC investissements ni dans l'acte de prêt, une clause relative à l'exécution des travaux ne pouvait trouver place, il lui appartenait, s'agissant d'une opération particulière imposant des obligations aux acquéreurs quant à la réalisation des travaux de réhabilitation pour pouvoir profiter de la défiscalisation recherchée, d’alerter ceux-ci, comme la SCI BRC investissements, de l'absence de garantie quanta la bonne exécution des travaux de réhabilitation en temps utile, la fin de chantier étant fixée au 1er janvier 2005, l'initiative des travaux appartenant aux copropriétaires réunis en Association syndicale libre ; qu’en revanche, les demandeurs ne peuvent, comme ils le font pour les autres parties à l'instance, faire grief au notaire, rédacteur des actes, de ne pas avoir vérifié la solidité des entreprises du Groupe Barbatre et de ne pas avoir assuré le suivi du chantier, étant précisé que le règlement des travaux a été réalisé en dehors de la comptabilité du notaire ; qu’en omettant d'informer la SCI BRC investissements que l'acquisition conseillée ne lui garantissait pas la bonne fin de l’opération dont le succès était économiquement subordonnée à la commercialisation et à la réhabilitation complète de l'immeuble, ce qui constituait un aléa essentiel de cet investissement de défiscalisation, le notaire a manqué à son devoir de conseil ;
1) ALORS QU’un notaire n’a pas à attirer l’attention de ses clients sur les risques inhérents à l’application d’un dispositif légal, dès lors que les conditions en sont réunies ; qu’en relevant pour imputer une faute à la SCP D.-P., que la « somme empruntée était destinée à hauteur d’environ 80% au financement des travaux » et que, devant « informer les parties des risques dont [elle] a[vait] connaissance », la SCP D.-P. aurait dû attirer l’attention des époux R. et de la SCI BRC Investissement sur « l’aléa essentiel de cet investissement » que représentait l’absence de garantie de bonne fin de l’opération (arrêt page 32, al. 6, al. 9 et 11) quand le dispositif de la loi Malraux prévoyait précisément une déduction fiscale, souhaitée par les époux R. à la mesure des travaux envisagés sans que le législateur ait prévu de garantie de bonne fin de sorte qu’en l’absence de risque avéré d’impécuniosité du constructeur, le notaire n’avait pas à délivrer de conseil particulier sur ce point, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2) ALORS QUE l’obligation de conseil et de mise en garde incombant au notaire ne porte pas sur la solvabilité des parties ou l’opportunité économique d’une opération en l’absence d’éléments, qu’il n’a pas à rechercher, lui faisant apparaître un déséquilibre ou un danger manifeste ; qu’en reprochant à la SCP D.-P. d’avoir omis d’informer les acquéreurs des risques dont il avait connaissance dès lors que le succès de l’opération était « économiquement subordonné à la réhabilitation complète de l’immeuble » (arrêt page 32, al. 11) sans relever d’éléments révélateurs d’un risque économique manifeste au jour de la vente quand l’officier ministériel n’avait pas à délivrer un conseil particulier sur l’opportunité économique de l’opération, en l’absence de tels éléments, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382, devenu 1240 du code civil ;
3) ALORS QU’en toute hypothèse, le devoir de conseil du notaire ne s’exerce que dans les limites du mandat qui lui est confié pour la réalisation de l’opération à laquelle il prête son concours ; qu’en imputant à faute à la SCP D.-P., qui savait que 80% des sommes empruntées par les acquéreurs devait servir à la réalisation des travaux, de ne pas les avoir alertés sur l’absence de « garantie de la bonne exécution des travaux de réhabilitation » (arrêt page 32, al. 9 et 10), quand, ayant instrumenté la seule vente du terrain, elle n’avait pas à conseiller les parties sur les stipulations du marché de travaux qu’elle n’était pas chargée d’établir, la cour d’appel a derechef violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil.
Moyen produit au pourvoi n E 18-23.168 par la SCP B., D. et R., avocat aux Conseils, pour la société Cincinnatus assurance.
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Cincinnatus, in solidum avec la SCP de notaires D. – P. – T. – A. – C. – B. – S. à payer à la SCI BRC Investissements la somme de 143.110 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le conseil en gestion de patrimoine n’est pas tenu de garantir à son client la rentabilité à long terme du placement choisi ou de le prémunir de tout aléa financier ; que, toutefois, tenu de son obligation de conseil et d’information à l’égard de son client, le conseil en gestion de patrimoine doit informer ce dernier des conditions auxquelles le succès de l’opération financière projetée est subordonné et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ses conditions ; que, dans le bilan remis à M. et Mme R., la société Cincinnatus leur a conseillé d’investir dans l’opération du Château d’Abondant ; que la présentation de l’opération conseillée se conclut ainsi : « Vous allez disposer d'une sécurité totale sur votre investissement ... votre montage sera totalement sécurisé ... » ; qu’ayant l’ambition de proposer à son client un montage « totalement sécurisé », la société Cincinnatus devait s’imposer une rigueur et une vigilance particulière sur les tenants et aboutissants de l’opération ; que, de même, en soulignant que M. et Mme R. allaient disposer d’une « sécurité totale », la société Cincinnatus n’a émis aucune réserve sur l’existence d’un éventuel aléa ; que, comme l’a relevé le tribunal, le bilan effectué par la société de conseil en gestion de patrimoine comporte un volet complet quant aux avantages fiscaux et à l'engagement financier de l'offre faite aux appelants, présentant avec clarté la ventilation entre le coût du bien acquis en l'état et le coût des travaux, dont il ressort avec évidence qu'ils constituent l'essentiel du prix, et détaillant le budget prévisionnel des travaux ; que toutefois, comme il l’a également relevé, qu’il présente de manière tout à fait générale l'investissement immobilier lui-même, sans renseignements particuliers sur les sociétés intervenantes ; que cette présentation ne comporte aucune explication sur l'opération de restauration immobilière elle-même, notamment les conditions nécessaires à l'exécution des travaux, comme la formation d'une ASL regroupant les copropriétaires, seule habilitée à solliciter l'obtention du permis de construire ; que la seule mention, au titre des obligations de l'investisseur selon laquelle "L'opération de restauration doit être à l'initiative des copropriétaires" n'est pas de nature à informer suffisamment l'investisseur, auquel est présenté un investissement "clé en main" sécurisé ; que la société Cincinnatus n’a procédé, dans ce bilan, à aucune étude de l’opération conseillée ; que cette présentation ne comprend aucune précision sur les conditions auxquelles le succès de l’opération était subordonné ou sur les risques susceptibles de découler du défaut de réalisation de ces conditions alors que celle-ci supposait la réhabilitation complète de l’immeuble ; que, notamment, M. et Mme R. et la Sci BRC Investissement n’ont reçu aucune information sur leurs obligations et les risques encourus en cas de retard dans le démarrage des travaux ou de l’inexécution de ceux-ci, alors que la date de fin de chantier est expressément indiquée dans la proposition faite par la société Cincinnatus et qu’il est en particulier précisé que le bail débutera « obligatoirement » le 15 janvier 2005 ; qu’alors que l’économie du projet supposait donc l’achèvement des travaux et la réhabilitation complète de l’immeuble au plus tard le 15 janvier 2005, il appartenait au conseil en gestion de patrimoine, tenu à une obligation de conseil, d’informer les appelants sur les risques encourus du fait des aléas susceptibles d’être rencontrés dans l’exécution de ces travaux ; que le pourcentage de commercialisation du programme ne suffisait pas en soi à garantir le succès de l’opération qui était tributaire de la bonne fin des travaux ; qu’il le devait d’autant plus que, compte tenu de la nécessité, pour les investisseurs, de constituer une ASL chargée de solliciter le permis de construire et de l’importance des travaux nécessaires, le délai pour réaliser ceux-ci avant le 15 janvier 2005 était bref ; qu’il devait alors exposer de quelle manière la société « Les Ducs de Chevreuse », future locataire, pourrait payer les loyers en cas de retard, l’indication que le bail était « contre garanti » par la société réalisant les travaux étant, compte tenu notamment des liens entre les diverses sociétés et de la destination des fonds dont disposait la société Sogecif - la réalisation des travaux -, insuffisante ; que ces risques, liés à une opération complexe, n’étaient pas de la « connaissance de tous » ce qui l’aurait dispensé de son obligation de conseil ; qu’en ne procédant, dans cette étude, à aucune analyse de l’investissement proposé, en n’informant M. et Mme R. que des avantages de l’opération, en ne les avisant ni des conditions auxquelles le succès de l’opération était subordonné ni des risques susceptibles de découler du défaut de réalisation de ces conditions et en faisant état d’une « sécurité totale » de l’investissement, la société Cincinnatus a manqué à ses obligations de conseil en gestion de patrimoine ; que la remise de la brochure de présentation du projet élaborée par l’auteur de celui-ci et des statuts de l’ASL ne peuvent pallier cette carence et l’analyse de celui-ci ; que l’analyse du projet aurait permis à la société Cincinnatus de s’interroger sur les conséquences d’un retard des travaux sur le paiement des loyers par un locataire ne pouvant lui-même procéder à leur exploitation et sur la garantie, par la société chargée de la réalisation des travaux, du paiement de ces loyers ; que l’étude réalisée à la demande de l’assureur de la société Cincinnatus par la société Europe Expertise Assurance, courant 2013, conclut que l’analyse des comptes des exercices clos les 31 août 2002 et 31 août 2003 ne permettait pas à un investisseur de déceler des indices annonçant des difficultés financières pouvant conduire au dépôt de bilan ; mais que, d’une part, que les conséquences d’un retard dans l’exécution des travaux ne pouvaient apparaître, compte tenu des délais de ceux-ci, dès le 31 août 2003 ; que, d’autre part, que la société Sogecif avait déjà, selon le rapport, dû abandonner une créance dont elle disposait sur la future société locataire qui devait, depuis 2002, payer 10 % du loyer prévu alors qu’elle ne pouvait exploiter les locaux ; qu’enfin la société Financière Barbatre n’a dégagé, en 2003, un bénéfice d’exploitation que grâce à la vente d’un navire, acquis dans le cadre de son activité antérieure ; que cette étude, postérieure, n’atteste donc nullement du caractère « totalement sécurisé » du montage conseillé ; que l’article de la revue Investissements Conseils publié en novembre 2002 qui conclut à l’existence d’un projet « ultra séduisant » ne peut dispenser la société Cincinnatus, professionnelle en gestion de patrimoine et dotée, selon le bilan patrimonial des appelants, « d’une équipe d’une quinzaine de conseillers en gestion de patrimoine assistée de spécialistes juridiques et fiscaux » de procéder à sa propre analyse ; que ces pièces et la brochure présentant l’opération ne permettent donc pas à la société Cincinnatus de justifier que, malgré les carences précitées du bilan patrimonial, elle a rempli son obligation de conseil ; qu’elle a donc commis une faute de ce chef ; qu’en ce qui concerne son attitude postérieure à la signature des actes, que la société Cincinnatus verse aux débats des comptes-rendus de chantier ainsi qu'un courrier établissant qu'elle ne s'est nullement désintéressée de l'avancement des travaux de réhabilitation du Château d'Abondant dans le courant de l'année 2003 ; qu’il résulte également du procès-verbal de l’assemblée générale de l’ASL du Château d’Abondant du 30 juillet 2004 - à laquelle la Sci était représentée - que les difficultés de l’avancement des travaux ont été évoquées ; que les appelants ne peuvent donc prétendre utilement que c’est en méconnaissance de la situation qui leur aurait été cachée qu’ils se sont acquittés des appels de fonds postérieurs ; que leurs griefs postérieurs à la signature des actes ne sont donc pas justifiés (arrêt, p. 28 à 31) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE tenu d'une obligation de conseil et d'information à l'égard de son client, le conseil en gestion de patrimoine doit informer ce dernier des conditions auxquelles le succès de l'opération financière projetée est subordonné et des risques qui découlent du défaut de réalisation de ces conditions ; que si l'étude réalisée le 12 novembre 2003 comporte un volet complet quant aux avantages fiscaux et à l'engagement financier de l'offre faite aux époux R. relative au programme Château d'Abondant, présentant avec clarté la ventilation entre le coût du bien acquis en l'état et le coût des travaux, dont il ressort avec évidence qu'ils constituent l'essentiel du prix, et comportant une simulation des déblocages de fonds notamment quant aux travaux, elle ne comporte aucune information sur les sociétés qui y sont citées, à savoir la « SA Résidence Les Ducs de Chevreuse » avec lesquels il est prévu de signer le bail commercial « contre garanti par la SNC SOGECIF », sans plus de renseignements sur les sociétés intervenantes, sans même faire mention du nom de la société Financière Barbatre, pourtant propriétaire des biens à acquérir et promoteur, et se conclut en page 9 par les mentions : "Vous allez disposer d'une sécurité totale sur votre investissement...Enfin vous ne supporterez aucun délai puisque le bail débutera obligatoirement au 15 janvier 2005. Votre montage sera totalement sécurisé...". En annexe, au titre des avantages, est encore pointée la sécurité du produit ; qu’il convient en outre de relever que la présentation de l'investissement proposé aux époux R. dans l'étude du 12 novembre 2003 établie par la société Cincinnatus, ne comporte aucune explication sur l'opération de restauration immobilière elle-même, notamment les conditions nécessaires à l'exécution des travaux, comme la formation d'une ASL regroupant les copropriétaires, habilitée à solliciter l'obtention du permis de construire. Les mentions, au titre des obligations de l'investisseur, ne font état ni d'informations relatives à la réalisation des travaux, condition pourtant indispensable à la défiscalisation recherchée par l'investisseur auquel est ainsi présenté un investissement "clé en main" sécurisé, ni sur les risques encourus en cas de retard dans le démarrage des travaux ou de l'inexécution de ceux-ci, alors qu'une date de fin de chantier est expressément indiquée dans la proposition faite par la société Cincinnatus et que la perception des loyers apparaît comme garantie tant pendant les travaux à hauteur de 10 % qu'à compter de la livraison début 2005 ; qu’en ce qui concerne les griefs faits à la société Cincinnatus quant à son attitude postérieurement à la signature des actes, celle-ci verse aux débats des comptes-rendus de chantier ainsi qu'un courrier établissant qu'elle ne s'est nullement désintéressée de l'avancement des travaux de réhabilitation du Château d'Abondant dans le courant de l'année 2003 mais aucun élément concernant la période postérieure à la signature de l'acquisition par la SCI BRC investissements, concernant les années 2004 et 2005 notamment ; que la société Cincinnatus prétend avoir conseillé à ses propres clients dont les époux R. à compter de l'automne 2004 de ne plus honorer les appels de fonds tant que les garanties ne seraient pas apportées par Sogecif sur la bonne exécution des travaux ; que même si le témoignage de Mme Fabienne Q. est insuffisant car elle ne peut attester que pour elle-même avoir été informée par la société Cincinnatus, en revanche, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de l’ASL du Château d'Abondant du 30 juillet 2004 à laquelle la SCI BRC investissements était représentée par M. G. et que les demandeurs produisent eux-mêmes aux débats, dont la SCI BRC investissements a donc eu connaissance, que les difficultés de l'avancement des travaux ont été largement évoquées, qu'il a été indiqué que le permis de construire n'était pas obtenu, que la corrélation entre le paiement des appels de fonds et le paiement des loyers dans leur intégralité a été débattu, M. C. s'étant engagé au paiement des loyers conformément aux baux signés, de sorte que les demandeurs ne peuvent prétendre que c'est en méconnaissance de la situation qui leur aurait été cachée, que les deux appels de fonds qu'ils ont accepté de régler ont été débloqués en décembre 2004 puis en décembre 2005 ; qu’il convient de rappeler également que ce n'est qu'à compter de janvier 2007 que les loyers n'ont plus été réglés et qu'en octobre 2007 que les sociétés du groupe Barbatre ont été placées en redressement judiciaire ; qu’il résulte de l'ensemble de ces éléments que, s'il peut être admis que la société Cincinnatus, conseil en gestion de patrimoine, n'avait pas de raison de douter de la fiabilité des entreprises du groupe Barbatre en 2003, elle a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil préalablement à l'investissement effectué, à l'égard des demandeurs (jugement, p. 9 et 10) ;
1) ALORS QUE l’obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s’étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours normal de l’investissement qu’il a proposé à son client, lorsque ces aléas ne présentent aucune spécificité et sont de la connaissance de tous ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que la société Cincinnatus avait manqué à ses obligations de conseil en gestion de patrimoine en ne procédant, dans l’étude réalisée pour les époux R., « à aucune analyse de l’investissement proposé, en n’informant M. et Mme R. que des avantages de l’opération, en ne les avisant ni des conditions auxquelles le succès de l’opération était subordonné ni des risques susceptibles de découler du défaut de réalisation de ces conditions et en faisant état d’une sécurité totale de l’investissement » (arrêt, p. 30 § 4) ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que la société Cincinnatus n’était pas tenue de mettre en garde M. et Mme R. sur le fait que toute opération d’investissement immobilier aux fins de défiscalisation est susceptible d’échouer en cas de défaillance ultérieure de l’un des participants au projet de construction, risque inhérent à toute opération immobilière et de la connaissance de tous, et qui ne présentait aucune spécificité au regard du placement proposé, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1231 du même code ;
2) ALORS QUE l’obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s’étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours de l’investissement qu’il a proposé à son client, dès lors qu’à la date à laquelle il a conseillé ce placement, il ne disposait d’aucun élément de nature à l’alerter sur le risque d’un échec prévisible de l’opération d’investissement ; qu’en l’espèce, la société Cincinnatus faisait valoir que, lorsque le placement litigieux avait été proposé aux époux R. en 2003, elle avait préalablement procédé à des investigations sur la santé financière des sociétés du groupe Barbatre et sur l’état d’avancement du projet, sans disposer de la moindre information permettant de douter du succès de l’opération projetée, qui répondait notamment à l’ensemble des critères permettant de bénéficier des dispositions défiscalisantes de la loi Malraux (concl., p. 14 et 15) ; que la cour d’appel a néanmoins retenu qu’il « appartenait au conseil en gestion de patrimoine, tenu à une obligation de conseil, d’informer [M. et Mme R.] des risques encourus du fait des aléas susceptibles d’être rencontrés dans l’exécution des travaux » et que « le pourcentage de commercialisation du programme ne suffisait pas en soi à garantir le succès de l’opération qui était tributaire de la bonne fin des travaux », « d’autant plus que, compte tenu de la nécessité pour les investisseurs de constituer une ASL chargée de solliciter le permis de construire et de l’importance des travaux nécessaires, le délai pour réaliser ceux-ci avant le 15 janvier 2005 était bref » (arrêt, p. 29 dernier § et p. 30 § 1) ; qu’en se prononçant ainsi par des motifs impropres à caractériser en quoi la société Cincinnatus, qui n’est pas un professionnel de la construction immobilière, avait pu identifier le moindre élément révélant un risque d’échec de l’opération à la date de la décision d’investir de M. et Mme R., la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1231 du même code ;
3) ALORS QUE l’obligation de renseignement, de conseil et de mise en garde incombant au conseil en gestion de patrimoine ne s’étend pas aux aléas juridiques ou financiers susceptibles de survenir pendant le cours de l’investissement qu’il a proposé à son client, dès lors qu’à la date à laquelle il a conseillé ce placement, il ne disposait d’aucun élément de nature à l’alerter sur le risque d’un échec prévisible de l’opération d’investissement ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté, par motifs réputés adoptés, qu’il pouvait être « admis que la société Cincinnatus, conseil en gestion de patrimoine, n’avait pas de raison de douter de la fiabilité des entreprises du groupe Barbatre en 2003 » et que ce n’était qu’à compter de janvier 2007 que les loyers n’avaient plus été réglés (jugement, p. 10 § 2 et 3) ; qu’en décidant néanmoins que la société Cincinnatus avait manqué à son devoir de conseil envers M. et Mme R. pour ne pas les avoir alertés sur les risques d’échec de l’investissement immobilier proposé, après avoir constaté que de tels risques n’étaient pas caractérisés à la date à laquelle ils avaient décidé d’investir, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu l’article 1231 du même code."