A qui est due l'indemnité d'assurance en cas de sinistre entre le compromis et l'acte authentique ? (lundi, 29 juillet 2019)

Cet arrêt juge que "sauf clause contraire, l'acquéreur du bien assuré se voit transmettre l'ensemble des droits nés du contrat d'assurance souscrit par le cédant et peut en conséquence réclamer le versement entre ses mains de l'indemnité due au titre du sinistre, alors même que celui-ci serait antérieur au transfert de propriété".

 

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"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 octobre 2017), que, par acte du 12 juin 2012, la société civile immobilière Activités courriers industriels et la société La Poste ont vendu un bâtiment industriel à M. Q..., à qui s'est substituée la société Axiatis, la réitération de la vente par acte authentique devant intervenir le 31 juillet 2013 ; qu'en juillet 2013, le bâtiment a subi des dégradations ; que, refusant de réitérer la vente, les vendeurs ont assigné l'acquéreur en caducité de la promesse de vente ; que celui-ci les a assignés en perfection de la vente et en paiement de la clause pénale et d'une somme destinée à la remise en état des lieux ; que l'assureur de l'immeuble, la société Allianz IARD, a été appelée à l'instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Axiatis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant au paiement de la remise en état des lieux ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la remise du bien en l'état où il se trouvait au jour de la promesse de vente était impossible dès lors qu'il devait donner lieu à une réhabilitation lourde pour pouvoir connaître une utilisation quelconque et souverainement retenu, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que la mesure du préjudice subi par l'acquéreur était le surcoût de la reconstruction, dont ni la réalité ni l'ampleur n'étaient démontrés, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'a pas tenu compte de la vétusté de l'immeuble pour refuser d'indemniser l'acquéreur, en a déduit à bon droit que la demande devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article L. 121-10 du code des assurances ;

Attendu que, pour écarter la subrogation de la société Axiatis dans les droits des venderesses à l'égard de leur assureur, l'arrêt retient que c'est au jour du sinistre que doit être appréciée la qualité de propriétaire des biens assurés donnant seule vocation au bénéfice de l'assurance ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le sinistre était survenu après la conclusion de la promesse de vente et que, sauf clause contraire, l'acquéreur du bien assuré se voit transmettre l'ensemble des droits nés du contrat d'assurance souscrit par le cédant et peut en conséquence réclamer le versement entre ses mains de l'indemnité due au titre du sinistre, alors même que celui-ci serait antérieur au transfert de propriété, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de subrogation de la société Axiatis dans les droits de la société civile immobilière Activités courriers industriels et la société La Poste, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Activités courriers industriels, la société La Poste et la société Allianz IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile immobilière Activités courriers industriels, de la société La Poste et de la société Allianz IARD et les condamne à payer à la société Axiatis la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la société Axiatis.

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Axiatis de sa demande de condamnation des sociétés ACI et La Poste au paiement d'une somme de 7.228.291 € au titre de la remise en état des lieux,

Aux motifs que « Sur la remise en état des lieux :

La société Axiatis affirme que l'immeuble se trouvait, au jour de la signature de la promesse, dans un bon état d'entretien, que cet état a été considérablement dégradé à la suite des actes de vandalismes perpétrés en juillet 2013, que La poste a donc manqué à son obligation de délivrance, prévue par l'article 1603 du code civil, d'une chose dans l'état où elle se trouvait au jour de la vente, suivant les termes de l'article 1614 du même code. Elle ajoute que le vendeur a manqué à son obligation de surveillance et d'entretien de la chose et expose que le rapport d'expertise du 1er juillet 2015 a chiffré les travaux de remise en état à 7.228.291 euros sans application d'un coefficient de vétusté et à 3.044.741 euros après prise en compte du coefficient de vétusté. Elle sollicite l'allocation de la première de ces deux sommes.

Les articles 1610 et 1614 du code civil disposent que si le vendeur manque à son obligation de délivrance l'acquéreur pourra à son choix demander la résolution de la vente ou sa mise en possession et, dans tous les cas, la réparation du préjudice qui lui est ainsi causé.

L'acquéreur ne sollicite pas la résolution de la vente, mais son exécution. La remise du bien dans l'état où il se trouvait au jour de la promesse est impossible dès lors qu'il s'agissait d'un immeuble nécessitant en toute hypothèse des travaux importants pour pouvoir connaître une utilisation quelconque, en particulier de désamiantage, qui ne pouvait et n'avait pas vocation à être utilisé tel quel mais devait donner lieu à une réhabilitation lourde. Dès lors l'appelant est mal fondé à solliciter une somme représentant la reconstruction à neuf du bâtiment. Il n'est pas davantage fondé à solliciter une somme qui représente le coût de reconstruction diminué d'un coefficient de vétusté dès lors qu'une telle condamnation ne remettrait pas les parties dans 1'état où elles se seraient trouvées sans le sinistre, la prise en charge par le vendeur de la reconstruction d'un bâtiment conforme à celui promis à l'acquéreur, c'est à dire dégradé et affecté par l'usage de l'amiante, ne répondant à aucune logique ni à aucune règle de droit.

Dès lors que la livraison d'un bien conforme à ce qui était convenu est impossible, l'acquéreur ne peut prétendre qu'à la seule réparation de son préjudice. La mesure de celui-ci est le surcoût de la reconstruction. Or la réalité, et à tout le moins l'ampleur d'un tel préjudice n'est nullement démontrée. Il convient en conséquence de débouter la société Axiatis de sa demande en paiement » (arrêt p. 6 & 7) ;

1/ Alors que lorsque le vendeur manque à son obligation de délivrance, l'acquéreur a le choix de demander la résolution de la vente ou son exécution forcée ; que quand l'exécution forcée en nature est impossible, elle doit se faire par équivalent et correspond alors à la valeur de la chose qui devait être délivrée ; qu'en l'espèce, la société Axiatis a sollicité l'exécution forcée de la vente, laquelle devait donc se faire par équivalent si l'exécution forcée en nature était impossible ; qu'en décidant que lorsque la livraison d'un bien conforme à ce qui était convenu est impossible, l'acquéreur ne peut prétendre qu'à la seule réparation de son préjudice et qu'en l'espèce, la réalité et, à tout le moins, l'ampleur du préjudice subi par la société Axiatis n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé les articles 1182 et 1184, dans leur rédaction applicable en la cause, 1609, 1610, 1611 et 1614 du code civil ;

2/ Alors que dans ses conclusions d'appel (p. 40 et suiv.), la société Axiatis a soutenu, constats d'huissier et rapports à l'appui, que lors de la signature de la promesse de vente, le bien immobilier objet de la promesse était en bon état et pourvu de nombreux équipements, notamment ascenseurs, radiateurs, systèmes de chauffage et de climatisation, tandis qu'à la date prévue pour la réitération, il avait subi de nombreux pillages et dégradations, qu'il était devenu inutilisable en l'état, seules la couverture et la structure extérieure ayant été épargnées ; qu'en affirmant péremptoirement que la réalité et, à tout le moins, l'ampleur du préjudice subi par la société Axiatis n'était pas démontrée, sans examiner les pièces versées au débat ni répondre aux conclusions d'appel de la société sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3/ Alors qu'en toute hypothèse et à titre subsidiaire, le juge ne peut tenir compte de la vétusté du bien objet de désordres pour évaluer les dommages-intérêts dus à la victime ni, a fortiori, pour refuser d'indemniser la victime ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de la société Axiatis, la cour s'est fondée sur l'état vétuste de l'immeuble puisqu'elle a relevé qu'il devait donner lieu en toute hypothèse à une réhabilitation lourde et n'avait pas vocation à être utilisé tel quel ; qu'en statuant par ces motifs pris de la vétusté de l'immeuble vendu, la cour d'appel a violé les articles 1182 et 1184, dans leur rédaction applicable en la cause, 1609, 1610, 1611 et 1614 du code civil.

Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Axiatis de sa demande tendant à être subrogée dans les droits des sociétés ACI et La Poste à l'égard de leur assureur, la compagnie Allianz, et à la condamnation de celle-ci à lui payer les indemnités d'assurance qu'elle serait amenée à payer aux sociétés ACI et La Poste en réparation du sinistre,

Aux motifs que « l'article L. 121-10 du code des assurances, dispose qu'en cas d'aliénation de la chose assurée, l'assurance continue de plein droit au profit de l'acquéreur. La société Axiatis invoque cette règle pour demander à être reconnue subrogée dans les droits de La poste envers son assureur.

Toutefois ce n'est qu'en cas d'aliénation de la chose assurée que cette règle a vocation à recevoir application, c'est à dire en cas d'aliénation effective et non d'une promesse, alors même que le transfert de propriété est stipulé reporté au jour de la signature de l'acte authentique. Dans cette dernière hypothèse qui est celle de l'espèce, ce n'est qu'au jour du transfert effectif de propriété que pourra opérer la subrogation, étant observé que c'est la situation au jour du sinistre qu'il convient d'examiner.

Or au jour du sinistre, le transfert de propriété n'était pas réalisé du fait de son retard expressément stipulé au jour de la signature de l'acte authentique, sans que l'acquéreur puisse opposer à La poste que ce fait résulterait du comportement de cette dernière puisque durant cette période, et jusqu'au 31 juillet, alors que le sinistre a eu lieu dans la première moitié du mois, c'est La poste qui pressait l'acquéreur de signer et celui-ci qui s'y refusait.

L'appelant invoque également une subrogation conventionnelle, puisque l'acte prévoit que le bénéficiaire sera, « lors de la constatation authentique de la réalisation des présentes, subrogé dans tous les droits du promettant relativement au bien »

Toutefois là encore, ce n'est qu'à la date de la réitération de l'acte que l'acquéreur sera subrogé dans les droits du vendeur de sorte que ce fondement est aussi inopérant que le premier » (arrêt p. 7) ;

1/ Alors que l'article L. 121-10 du code des assurances qui prévoit qu'en cas d'aliénation de la chose assurée, l'assurance continue de plein droit au profit de l'acquéreur, ne distingue pas selon le mode d'aliénation ; que la promesse synallagmatique de vente vaut vente et produit ses effets dès sa signature sans qu'importe la clause reportant le transfert de propriété à la passation de l'acte authentique ; qu'en l'espèce, la cour a constaté la perfection de la vente passée entre les sociétés ACI et La Poste, et la société Axiatis ; qu'en décidant cependant que la règle précitée du code des assurances ne pouvait s'appliquer dès lors qu'au jour du sinistre, le transfert de propriété, ayant été retardé par la volonté des parties, ne s'était pas encore réalisé au profit de la société Axiatis, la cour d'appel a violé l'article L. 121-10 du code des assurances ;

2/ Alors que dès l'instant de l'aliénation, le nouveau propriétaire du bien assuré se voit transmettre l'ensemble des droits nés du contrat d'assurance souscrit par le cédant et peut en conséquence réclamer le versement entre ses mains de l'indemnité due au titre du sinistre, alors même que ce dernier serait antérieur au transfert de propriété ; qu'en décidant en l'espèce, pour écarter la subrogation de la société Axiatis dans les droits des sociétés venderesses à l'égard de leur assureur, que c'est au jour du sinistre que devait être appréciée la qualité de propriétaire des biens assurés donnant seule vocation au bénéfice de l'assurance, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 121-10 du code des assurances."