Fallait-il agir contre le locataire et le propriétaire ? (mercredi, 20 février 2019)
Cette décision juge que la recevabilité de l'action en responsabilité délictuelle formée par le propriétaire d'un logement contre un occupant auquel il n'est pas contractuellement lié n'est pas subordonnée à la mise en cause du locataire.
"Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mai 2017), que M. Y... a donné à bail une maison d'habitation à la société Financière Louise, aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés Sicofor, Philtech et Sicofor Packaging, qui l'ont mise à la disposition de M. X... en sa qualité de salarié ; qu'après la résiliation du bail, il a assigné la société Philtech en réparation de son préjudice consécutif aux dégradations affectant la maison et a en outre dirigé ses demandes contre M. X... ; que la société Philtech a été mise hors de cause ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes formées par M. Y... contre M. X..., l'arrêt retient que l'action du bailleur ne pouvait, dans la même instance, être fondée à la fois sur la responsabilité contractuelle à l'égard du locataire et sur la responsabilité délictuelle à l'encontre des occupants qui ne l'étaient qu'en application du contrat de bail et de leur lien contractuel avec la société Sicofor Packaging, que le respect des obligations d'entretien ou de réparation dans un contrat de location ne peut s'apprécier qu'à l'égard du locataire qui doit être appelé en la cause et au regard de ses obligations contractuelles, qu'il ne peut, dans la même instance, être apprécié indépendamment à l'égard des seuls occupants au regard des règles de la responsabilité délictuelle et qu'il appartenait à M. Y... de diriger son action contre son cocontractant à l'époque des dégradations alléguées sur la base de la responsabilité contractuelle de celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la recevabilité de l'action en responsabilité délictuelle formée par le propriétaire d'un logement contre un occupant auquel il n'est pas contractuellement lié n'est pas subordonnée à la mise en cause du locataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer et condamne M. X... à payer à M. Y... une somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement, déclaré M. Y... irrecevable en ses demandes indemnitaires formées à l'encontre de M. X... ;
AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité de l'action, il apparaît que l'action a été engagée par M. Y... sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l'encontre de la société Philtech ; que le tribunal a rejeté cette demande au seul motif que le cocontractant de M. Y... dans le contrat de bail n'était pas la société Philtech mais la société Sicofor Packaging ; qu'en effet l'action de M. Y..., en tant que bailleur, concernait des dégradations commises pendant la période de location ; que le tribunal, après avoir mis hors de cause la société Philtech, a statué sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l'encontre de MM. X... et Z... qui avaient été appelés en garantie par la société Philtech et qui n'ont jamais été assignés par M. Y... ; que M. X... demande à la cour de déclarer irrecevable la demande faite à son encontre ; que M. Z... demande également le rejet de la demande dirigée à son encontre au motif qu'il n'a jamais été titulaire du bail ; qu'il apparait en l'espèce que M. Y... a engagé son action à titre principal contre la société Philtech par application de sa responsabilité contractuelle, qu'il s'est abstenu de mettre en cause la société Sicofor Packaging qui avait pourtant repris le bail et qu'il a présenté des demandes indemnitaires contre les occupants du chef de la sociétés Sicofor Packaging sur le fondement d'une responsabilité délictuelle ; que l'action du bailleur, dans la même procédure, ne pouvait être fondée à la fois sur la responsabilité contractuelle à l'égard du locataire en titre et sur la responsabilité délictuelle à l'encontre des occupants qui ne l'étaient qu'en application du contrat de bail et de leur lien contractuel avec la société Sicofor Packaging ; que le respect des obligations d'entretien ou de réparation dans un contrat de location ne peut s'apprécier qu'à l'égard du locataire qui doit être appelé à la cause et au regard de ses obligations contractuelles ; qu'il ne peut, dans le cadre de la même procédure, être apprécié indépendamment à l'égard des seuls occupants au regard des règles de la responsabilité délictuelle ; qu'il appartenait à M. Y... de diriger son action contre son cocontractant à l'époque des dégradations alléguées sur la base de sa responsabilité contractuelle ; qu'il y a donc lieu de déclarer M. Y... irrecevable en son action et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QUE la recevabilité de l'action en responsabilité délictuelle formée par le propriétaire d'un logement contre un occupant avec lequel il n'est pas contractuellement lié n'est pas subordonnée à la mise en cause du locataire ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par M. Y..., au motif qu'il n'avait pas mis en cause la société Sicofor Packaging, locataire, quand il était recevable à agir contre M. X..., occupant, sur le fondement des règles de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code, ensemble l'article 122 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse le juge ne peut créer une cause d'irrecevabilité de l'action non prévue par la loi ou la convention des parties ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par M. Y..., au motif qu'il lui aurait appartenu d'agir contre le locataire, la société Sicofor Packaging, sans constater que l'existence d'un texte légal ou d'une convention prévoyant cette cause d'irrecevabilité de la demande formée par M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse le juge est tenu de préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en déclarant irrecevable l'action formée par le propriétaire contre le locataire, sans préciser en vertu de quelle règle, le propriétaire d'un logement serait irrecevable à agir sur le fondement délictuel contre l'occupant qui l'a dégradé et avec lequel il n'est pas contractuellement lié, la cour d'appel a laissé incertain le fondement de sa décision et a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse tout occupant est tenu d'utiliser le logement occupé suivant un usage normal et de procéder à son entretien normal ; qu'en rejetant l'action formée par le propriétaire contre le locataire au motif que les obligations de l'occupant ne pouvaient être appréciées indépendamment des obligations du locataire, sans rechercher, comme il le lui était demandé par M. Y... (conclusions, p. 4, al. 3, p. 8, al. 5 et 6), si M. X... n'avait pas commis une faute délictuelle en s'abstenant de procéder à un quelconque entretien de la maison, de la piscine, des terrasses et du jardin et en réalisant de nombreuses dégradations consistant notamment en des taches maculant la maison (sol, murs, plafonds), et en n'ayant pas restitué de nombreux équipements, constatés par état des lieux contradictoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code."