L'agence immobilière n'avait pas fait son travail : résiliation du mandat et dommages intérêts ! (jeudi, 24 mai 2018)
Voici une décision qui énumère les multiples violations du mandat de gestion par l'agent immobilière, prononce la résiliation de son mandat et la condamne à payer les sommes de 35 000 €, 7 000 € et 8 000 € ...
"Suivant mandat du 12 janvier 2010, la SCI Le Sud a confié à la SARL Bastille Immobilier Gestion la gestion locative d'un bien lui appartenant situé [...] , soit un appartement et un emplacement de stationnement, dont les loyers devaient rembourser les mensualités de l'emprunt ayant servi à financer cette acquisition en l'état futur d'achèvement.
Ce bien a été donné à bail par la SARL Bastille Immobilier Gestion, le 15 janvier 2010, à une dame D..., moyennant un loyer mensuel de 718,55 € charges incluses.
Reprochant à la SARL Bastille Immobilier Gestion d'avoir gravement manqué à ses obligations de gestionnaire, la SCI Le Sud a, par acte extra-judiciaire du 9 juin 2015, assigné celle-ci à l'effet de voir prononcer la résiliation du mandat pour faute et d'entendre condamner la défenderesse au paiement de la somme de 26.919,92 € de dommages-intérêts en sus d'une somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 4 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la SCI Le Sud de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
La SCI Le Sud a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 28 février 2018, de :
au visa des articles 1184, 1147, 1991, 1992 et 1993,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de mandat de gestion du 12 janvier 2010 pour inexécution fautive aux torts exclusifs de la SARL Bastille Immobilier Gestion,
- condamner la SARL Bastille Immobilier Gestion au paiement de la somme de 44.000 € (sauf à parfaire) de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par son inaction et son inexécution du mandat du 12 janvier 2010,
- condamner la SARL Bastille Immobilier Gestion au paiement de la somme de 10.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel distinct lié à la dégradation de son bien immobilier,
- condamner la même au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
La SARL Bastille Immobilier Gestion, régulièrement assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
SUR CE
LA COUR
Il ressort des comptes rendus de gérance de la SARL Bastille Immobilier Gestion que celle-ci a manqué de réclamer à la locataire cinq mois de loyers en 2010-2011, qu'elle a cessé de recouvrer les loyers à partir de l'année 2012, tout en continuant à facturer à sa mandante des honoraires de gestion ; qu'elle a également perçu des loyers, parfois en espèces, qu'elle n'a pas reversés à la SCI Le Sud, notamment en 2015 et 2016, qu'ainsi, au regard des comptes de la SARL Bastille Immobilier Gestion, le manque à gagner locatif de la SCI Le Sud s'élevait au mois de juin 2017, lorsque la SCI Le Sud a pu faire expulser les occupants de son bien, à 44.000 €, ainsi que l'établissent les relevés de compte bancaire de l'appelante ;
Il apparaît encore des pièces produites aux débats que la SARL Bastille Immobilier Gestion a laissé s'installer dans les lieux, en violation des clauses du bail du 15 janvier 2010 consenti à Mme D..., des sous-locataires, notamment M. et Mme E... qui ont causé des troubles et nuisances dans la copropriété, provoquant des plaintes du syndicat des copropriétaires au mois d'octobre 2014 ;
Avertie de ces difficultés par lettres du syndic de l'immeuble et de l'avocat de la SCI Le Sud, la SARL Bastille Immobilier Gestion n'a ni répondu ni réagi et n'a entrepris aucune démarche à l'effet de poursuivre la résiliation du bail de Mme D... et l'expulsion des occupants, ce qui a contraint la SCI Le Sud à demander à la SARL Bastille Immobilier Gestion une copie du bail de Mme D..., lequel ne lui a été transmis qu'au mois d'avril 2016, pour être en mesure de saisir le juge des référés d'une demande d'acquisition de la clause résolutoire et d'expulsion, ce qui lui a permis de faire expulser les occupants sans droit ni titre le 24 octobre 2017 et de recouvrer à cette date la pleine possession de son bien, dans un état très dégradé néanmoins ;
L'opacité des comptes de gestion et l'inertie de la mandataire qui n'adressait à sa mandante qu'un compte de gestion annuel au lieu des relevés trimestriels convenus, et les nombreuses irrégularités de gestion qui sont établies contre elle à l'examen desdits comptes de gestion justifient la résiliation pour faute du mandat qui lui avait été confié et sa condamnation à payer à la SCI le Sud la somme de 35.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à sa mandante par ses fautes qui ont privé celle-ci d'une chance de percevoir les loyers auxquels elle avait droit ;
La SARL Bastille Immobilier Gestion sera encore condamnée à payer à la SCI Le Sud la somme de 7.000 € de dommages-intérêts en raison des graves tracas, contrariétés, frais et débours qu'elle a subis pour recouvrer la propriété de son bien et le remettre en état locatif par d'onéreux travaux afin de pouvoir rembourser les mensualités de l'emprunt souscrit pour l'acquisition du bien litigieux à l'aide des loyers perçus ;
En équité, la SARL Bastille Immobilier Gestion sera condamnée à régler à la SCI Le Sud la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Résilie aux torts de la SARL Bastille Immobilier Gestion le contrat de mandat du 12 janvier 2010,
Condamne la SARL Bastille Immobilier Gestion à payer à la SCI Le Sud les sommes de 44.000 € et de 7.000 € à titre de dommages-intérêts,
Condamne la SARL Bastille Immobilier Gestion à payer à la SCI Le Sud la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SARL Bastille Immobilier Gestion aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile."