Désordres réservés à la réception = pas de garantie décennale (jeudi, 17 mai 2018)
Dans cette affaire les juges considèrent que le maître d'ouvrage ne pouvait pas soutenir qu'au jour de la réception il n'avait aucune idée de l'ampleur possible du désordre réservé et de sa nature, et par conséquent que les dommages, réservés à la réception, n'étaient pas couverts par l'assurance de responsabilité obligatoire.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 janvier 2017), que la société anonyme d'économie mixte de construction immobilière de Bègles (la SAEMCIB), aux droits de laquelle se trouve la société Vilogia, a confié à la société Cap ingelec, assurée auprès de la société Zurich insurance PLC, la maîtrise d'œuvre des travaux de restructuration de l'installation de chauffage d'un immeuble et à la société Saita entreprise (la société Saita), assurée auprès de la société Axa France IARD, la réalisation des travaux de connexion de deux chaufferies et la création de deux sous-stations ; que la société Saita a sous-traité à la société Découpe béton les travaux d'installation et de branchement au réseau ; que, des carottages ayant été effectués dans le radier de l'immeuble, la SAEMCIB, craignant les conséquences que ces percements pourraient avoir sur la solidité de l'ouvrage, a obtenu la désignation d'un expert en référé, puis a réceptionné l'ouvrage avec une réserve demandant que le radier soit rebouché après avis de l'expert ; que la SAEMCIB a assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices ; que la société Saita a appelé en garantie son sous-traitant ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Saita fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à la SAEMCIB ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que le maître de l'ouvrage, qui, avant de signer le procès-verbal de réception dans lequel il avait formulé une réserve sur les percements apparents, avait pris l'initiative de faire désigner un expert dont la mission était de dire si les travaux étaient de nature à fragiliser l'ouvrage existant et avait ainsi fait part de ses craintes quant à la solidité du radier, ne pouvait pas soutenir qu'au jour de la réception il n'avait aucune idée de l'ampleur possible du désordre et de sa nature, la cour d'appel en a exactement déduit que la société Saita, débitrice de la garantie de parfait achèvement, avait également engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître de l'ouvrage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Saita fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de garantie formée contre la société Axa France IARD ;
Mais attendu, d'une part, que, la cassation n'étant pas prononcée sur le premier moyen, le grief tiré d'une annulation par voie de conséquence est devenu sans portée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu que le maître de l'ouvrage, qui, avant de signer le procès-verbal de réception dans lequel il avait formulé une réserve sur les percements apparents, avait pris l'initiative de faire désigner un expert dont la mission était de dire si les travaux étaient de nature à fragiliser l'ouvrage existant et avait ainsi fait part de ses craintes quant à la solidité du radier, ne pouvait pas soutenir qu'au jour de la réception il n'avait aucune idée de l'ampleur possible du désordre et de sa nature, la cour d'appel en a exactement déduit que les dommages, réservés à la réception, n'étaient pas couverts par l'assurance de responsabilité obligatoire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que, pour rejeter la demande en garantie formée par la société Saita contre la société Découpe béton, l'arrêt retient que l'entrepreneur principal n'a pas fait appeler son sous-traitant aux opérations d'expertises qui lui sont inopposables et qu'aucun constat technique n'a été effectué prouvant une faute à l'occasion de la prestation d'exécution qui lui était demandée par le professionnel titulaire du marché ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le sous-traitant est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Met hors de cause les sociétés Cap ingelec et Zurich insurance PLC ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le recours en garantie formé par la société Saita contre la société Découpe béton, l'arrêt rendu le 11 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne la société Découpe béton aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes."