Demander une autorisation inutile à la copropriété et passer outre le refus ? (lundi, 17 juillet 2017)
Voici une décision curieuse par les faits de l’espèce : un copropriétaire demande à l'assemblée générale des copropriétaires l'autorisation de changer l'affectation de ses lots et essuie un refus puis subit une action du syndicat des copropriétaires en cessation de ce changement qu'il a tout de même opéré.
La Cour de Cassation approuve la Cour d'Appel d'avoir considéré que même si cette demande d'autorisation était inutile, la décision s'impose et qu'elle doit être respectée, car elle est devenue définitive à défaut de contestation dans le délai légal.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 2016), que l'établissement public de santé Les hôpitaux de Saint-Maurice (l'établissement public) a sollicité de l'assemblée générale des copropriétaires l'autorisation de changer l'affectation de ses lots de commerces en hôpital de jour ; que le syndicat des copropriétaires du 11-13 rue des Taillandiers, se prévalant du refus de cette assemblée, l'a assigné en cessation de cette nouvelle activité ;
Attendu que l'établissement public fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le refus des copropriétaires d'autoriser l'exercice d'une activité dans la partie privative d'un lot de copropriété ne peut avoir pour effet d'interdire l'exercice d'une activité qui n'est pas incompatible avec la destination de l'immeuble ou avec les droits des autres copropriétaires, dès lors qu'une telle activité n'est pas interdite par le règlement de copropriété ;
qu'en considérant que le refus opposé par les copropriétaires à l'exercice d'une activité d'hôpital de jour dans les lots n° 33 et 34 faisait effectivement obstacle, par lui-même, à l'exercice de cette activité, et en s'abstenant en conséquence de rechercher, comme elle y était invitée si une telle activité était compatible avec la destination de l'immeuble, la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°/ que le fait, pour un copropriétaire, de demander l'autorisation des autres copropriétaires pour exercer une nouvelle activité dans les parties privatives de son lot ne vaut pas engagement unilatéral de ne pas exercer cette activité sans leur accord, sauf volonté non équivoque de renoncer à un tel exercice en cas de refus ; qu'en considérant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'établissement public Les Hôpitaux de Saint-Maurice n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale pour exercer une activité d'hôpital de jour, que cet établissement s'était, de sa propre initiative, assujetti à l'accord des copropriétaires pour exercer une telle activité, cependant que la demande d'autorisation n'interdisait pas à l'établissement d'exercer cette activité en l'absence de volonté non équivoque d'y renoncer, non constatée en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
3°/ que les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause, sans que puisse être opposée au défendeur la règle de l'estoppel selon laquelle nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en relevant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'établissement public Les Hôpitaux de Saint-Maurice n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale pour exercer une activité d'hôpital de jour, que cet établissement s'était, de sa propre initiative, assujetti à l'accord des copropriétaires pour exercer une telle activité, la cour d'appel, si elle est considérée comme ayant ainsi opposé à ce moyen de défense au fond la règle de l'estoppel, a violé les articles 72 et 563 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'établissement public s'était, de sa propre initiative, assujetti à l'accord des copropriétaires pour exercer son activité d'hôpital de jour et que la décision de l'assemblée générale refusant ce changement d'affectation n'avait pas été contestée et retenu, à bon droit, que, devenue définitive, elle s'imposait à l'établissement public comme à tous les autres copropriétaires alors même qu'elle porterait atteinte aux modalités de jouissance de leurs parties privatives, la cour d'appel en a justement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'il n'y avait pas lieu d'examiner si le changement d'affectation contrevenait aux prévisions du règlement de copropriété, si l'activité d'hôpital de jour présentait une utilité sociale ou si elle engendrait des troubles dans l'immeuble ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'établissement public de santé Les hôpitaux de Saint-Maurice aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande l'établissement public de santé Les hôpitaux de Saint-Maurice et le condamne à payer au syndicat des copropriétaires du 11-13 rue des Taillandiers la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour l'établissement public de santé Les hôpitaux de Saint-Maurice.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que le changement d'affectation des locaux du rez-de-chaussée, à usage commercial, pour l'activité d'hôpital de jour, a été refusée par l'assemblée générale des copropriétaires du 10 octobre 2013, définitive, et d'avoir ordonné, en conséquence, la cessation de l'activité d'hôpital de jour exercée par l'établissement public de santé Les Hôpitaux de Saint-Maurice dans les lots n° 33 et 34 de l'immeuble du 11-13 rue des Taillandiers à Paris 11ème sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé six mois à compter de la signification du présent arrêt ;
AUX MOTIFS QUE, suivant l'article 42, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, « les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions » ; que, passé ce délai, les assemblées générales de copropriétaires deviennent définitives et les résolutions votées s'imposent à tous les copropriétaires ; qu'au cas d'espèce, lors de l'assemblée générale du 10 octobre 2013, le changement d'affectation des lots n° 33 et 34 de commerce en hôpital de jour a été refusé par la résolution n° 20, ainsi libellé : « Autorisation à donner aux Hôpitaux de Saint-Maurice, propriétaire des lots n° 33 et 34, de procéder au changement de destination desdits lots : l'assemblée générale, après en avoir délibéré, donner son autorisation aux Hôpitaux de Saint-Maurice, propriétaire des lots n° 33 et 34, de procéder au changement de destination desdits lots, actuellement décrits comme étant des locaux commerciaux, afin de les rendre à usage d'établissement de santé en vue de l'exercice d'un hôpital de jour. Votent pour : 7 copropriétaires présents ou représentés totalisant 3.877 tantièmes, Votent contre : 16 copropriétaires présents ou représentés totalisant 3.825 tantièmes, S'abstiennent : 4 copropriétaires présents ou représentés totalisant 614 tantièmes, Absents : 18 copropriétaires totalisant 1.684 tantièmes. En foi de quoi cette résolution est rejetée faute de recueillir les conditions de majorité de l'article 26 de la loi. Les copropriétaires ne sont pas favorables à voir s'installer une activité d'hospitalisation de jour compte tenu des contraintes afférentes à une telle activité avec le déplacement de patients et la modification du standing de l'immeuble en résultant, lequel n'avait pas une telle vocation, le lot du rez-de-chaussée étant destiné à un local d'activité ou commercial favorisant les commerces de proximité ou artisans et nullement une vocation d'antenne de psychiatrie. Une telle transformation du lot viendrait affecter le standing et la destination de l'immeuble mais aussi la valeur de ce dernier. L'affectation que souhaite donner les Hôpitaux de Saint-Maurice à leur lot est contraire à la destination de l'immeuble » ; que cette résolution n'a pas été contestée ainsi que l'établit le certificat de non-recours produit aux débats et, devenue définitive, elle s'impose donc à l'établissement public Les Hôpitaux de Saint-Maurice comme à tous les autres copropriétaires, même alors qu'elle porterait atteinte aux modalités de jouissance de ses parties privatives, dès lors que l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 précité ne distingue pas entre les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales de copropriétaires, dans la mesure où l'assemblée générale des copropriétaires n'excède pas son domaine de compétence, ce qui n'est pas le cas ici puisque l'assemblée générale des copropriétaires est compétente pour autoriser le changement d'affectation d'un lot de copropriété ou autoriser des travaux portant atteinte aux parties commune ; qu'il est donc sans intérêt de rechercher si le changement d'affectation des lots n° 33 et 34 contrevient ou non aux prévisions du règlement de copropriété ou si l'activité d'hôpital de jour actuellement exercée dans les locaux litigieux présente ou non une utilité sociale, ou encore si elle engendre des troubles dans l'immeuble, aucune de ces considérations n'étant de nature à obvier une décision adoptée lors d'une assemblée générale de copropriétaires devenue définitive par suite d'une absence de contestation dans le délai requis, étant observé que l'établissement public Les Hôpitaux de Saint-Maurice ne peut à présent soutenir qu'il n'avait pas à solliciter une telle autorisation de l'assemblée générale puisqu'il s'est, de sa propre initiative, assujetti à l'accord des copropriétaires pour exercer son activité d'hôpital de jour ; qu'en conséquence, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en ce sens du syndicat des copropriétaires du 11-13 rue des Taillandiers à Paris 11ème, la cour, statuant à nouveau, ordonnera la cessation de l'activité d'hôpital de jour exercée dans les lots n° 33 et 34 sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé six mois de la signification du présent arrêt, aucune urgence n'étant démontrée en l'absence de troubles quelconques découlant de cette activité ;
1°) ALORS QUE le refus des copropriétaires d'autoriser l'exercice d'une activité dans la partie privative d'un lot de copropriété ne peut avoir pour effet d'interdire l'exercice d'une activité qui n'est pas incompatible avec la destination de l'immeuble ou avec les droits des autres copropriétaires, dès lors qu'une telle activité n'est pas interdite par le règlement de copropriété ;
qu'en considérant que le refus opposé par les copropriétaires à l'exercice d'une activité d'hôpital de jour dans les lots n° 33 et 34 faisait effectivement obstacle, par lui-même, à l'exercice de cette activité, et en s'abstenant en conséquence de rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 21-
24) si une telle activité était compatible avec la destination de l'immeuble, la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°) ALORS QUE le fait, pour un copropriétaire, de demander l'autorisation des autres copropriétaires pour exercer une nouvelle activité dans les parties privatives de son lot ne vaut pas engagement unilatéral de ne pas exercer cette activité sans leur accord, sauf volonté non équivoque de renoncer à un tel exercice en cas de refus ; qu'en considérant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'établissement public Les Hôpitaux de Saint-Maurice n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale pour exercer une activité d'hôpital de jour, que cet établissement s'était, de sa propre initiative, assujetti à l'accord des copropriétaires pour exercer une telle activité, cependant que la demande d'autorisation n'interdisait pas à l'établissement d'exercer cette activité en l'absence de volonté non équivoque d'y renoncer, non constatée en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;
3°) ALORS QUE, en toute hypothèse, les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause, sans que puisse être opposée au défendeur la règle de l'estoppel selon laquelle nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en relevant, pour écarter le moyen tiré de ce que l'établissement public Les Hôpitaux de Saint-Maurice n'avait pas à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale pour exercer une activité d'hôpital de jour, que cet établissement s'était, de sa propre initiative, assujetti à l'accord des copropriétaires pour exercer une telle activité, la cour d'appel, si elle est considérée comme ayant ainsi opposé à ce moyen de défense au fond la règle de l'estoppel, a violé les articles 72 et 563 du code de procédure civile."