Pas de responsabilité de l'agent immobilier ni du notaire ! (mardi, 09 mai 2017)
Cet arrêt juge que ni l'agent immobilier ni le notaire ne sont responsables du fait que l'acquéreur d'un bien immobilier ne pourra exercer son activité professionnelle dans un bien immobilier qu'il a acheté, en raison des dispositions d’urbanisme applicables, car il avait déclaré à ceux-ci que c'est pour y habiter qu'il faisait cette acquisition.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2015), que, suivant acte sous seing privé du 10 août 2010, deux associations, prestataires de conseil et de formation en fiscalité et en gestion des entreprises, ont, par l'entremise de la société Sisteron immobilier (l'agent immobilier), acquis, sous diverses conditions suspensives, une propriété classée en zone NC du plan d'occupation des sols de la commune de Sisteron, comprenant une maison d'habitation de 308 m ² ; que, les 27 novembre et 2 décembre 2010, cette vente a été réitérée en la forme authentique par acte passé devant M. X...(le notaire), au profit d'une troisième association issue de la fusion des deux premières, dénommée Centre de gestion agréé des Alpes du Sud (l'acquéreur) ; qu'informé par les services de l'urbanisme que le classement administratif du bien ne permettait pas de l'affecter à un usage professionnel et que ce zonage ne serait pas modifié avant l'adoption du nouveau plan local d'urbanisme, l'acquéreur, soutenant que l'agent immobilier et le notaire avaient failli à leurs devoirs d'information et de conseil en ne l'alertant pas sur l'incompatibilité du classement de l'immeuble avec l'activité professionnelle qu'il projetait d'y mener, les a assignés, ainsi que la société Mutuelles du Mans assurances IARD, assureur de la responsabilité civile du notaire (l'assureur), en responsabilité et en indemnisation du retard apporté à la création d'une structure d'accueil et de formation unique, véritable objectif, selon lui, de son acquisition ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires dirigées contre l'agent immobilier, alors, selon le moyen :
1°/ que l'agent immobilier doit, de lui-même, se renseigner sur les attentes et besoins de son mandant afin de lui délivrer utilement l'information et le conseil qu'il lui doit ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute de l'agent immobilier à raison de ce que le bien acquis par son mandant se trouvait dans une zone du plan d'occupation des sols qui le privait de modifier sa destination, que l'acquéreur savait avoir visité une maison d'habitation et avait déclaré destiner le bien à cet usage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'agent immobilier, qui ne pouvait ignorer l'objet social de son mandant, sans rapport avec l'acquisition ou l'usage d'une habitation, ne devait pas, de lui-même, se renseigner auprès de lui pour l'informer et le conseiller utilement quant à l'adéquation avec son projet du bien dont l'acquisition était envisagé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que la présence d'un conseil auprès du mandant de l'agent immobilier ne l'exonère pas de sa propre obligation d'information et de conseil à son égard ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que c'est à l'architecte de l'acquéreur que l'agent immobilier avait envoyé les informations relatives au plan d'occupation des sols, ce dont il résultait que l'agent immobilier n'avait pas délivré à son mandant l'information et le conseil qui lui étaient dus, a néanmoins retenu que ce dernier était pleinement informé de la situation du bien en zone NC et des contraintes en résultant, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acquéreur, qui avait donné pour mission à l'agent immobilier de rechercher « pour son compte, une propriété », s'était engagé, en signant la promesse synallagmatique de vente négociée et rédigée par celui-ci, à acquérir « une maison d'habitation » qu'il reconnaissait avoir visitée et déclarait vouloir affecter à l'usage d'habitation, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait reprocher à son mandataire d'avoir acquis un immeuble qui ne pouvait être affecté qu'à cet usage ; que, de ces motifs, dont il ressort que l'agent immobilier avait été maintenu dans l'ignorance de la destination particulière que le mandant projetait de donner à l'immeuble, en l'affectant, au contraire de ce qu'il avait déclaré, à une exploitation professionnelle immédiate, elle a pu déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'il n'avait failli ni à ses obligations d'investigation ni à son devoir d'information et de conseil sur l'inadaptation du bien à la réalisation d'un tel projet ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires formées contre le notaire et son assureur, alors, selon le moyen, que le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en se fondant, pour écarter la faute du notaire, sur la circonstance inopérante que le rôle de ce dernier n'avait été que d'authentifier la vente, sans qu'il ait préalablement prêté son assistance à la rédaction de la promesse, ni qu'il soit intervenu lors de la conclusion de l'accord entre les parties, ce qui n'était pas de nature à exonérer le notaire de sa responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le notaire chargé de dresser un acte de vente immobilière n'est pas tenu de vérifier la possibilité de procéder à un changement de destination de l'immeuble vendu qui n'est pas mentionné à l'acte et dont il n'a pas été avisé, à moins qu'il n'ait pu raisonnablement l'ignorer ;
Et attendu qu'ayant retenu que le notaire ne pouvait que constater la décision de l'acquéreur d'acheter l'immeuble pour l'affecter à l'usage d'habitation et n'avait pas à interférer dans ses motivations, la cour d'appel a pu, dès lors qu'une telle acquisition n'était pas illicite, en déduire qu'il n'avait commis aucune faute à l'origine du retard apporté à la réalisation d'un changement de destination qui ne lui avait pas été révélé ;
Que le moyen, qui s'attaque à un motif erroné mais surabondant, pris de ce que le notaire n'aurait fait qu'authentifier l'acte conclu entre les parties, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Centre de gestion agréé des Alpes du Sud aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer, d'une part, à M. X... et la société Mutuelle du Mans assurances IARD la somme globale de 1 500 euros, et, d'autre part, à la société Sisteron immobilier la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour l'association Centre de gestion agréé des Alpes du Sud
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le CGA fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société Sisteron immobilier ;
AUX MOTIFS QU'il convient de déterminer quel était le contenu du mandat et quelles informations ont été données par la mandataire ; que le Centre de Gestion Agréé des Alpes du Sud estime que l'agence immobilière ne pouvait ignorer que le bien immobilier recherché était destiné à être utilisé pour son activité de formation à l'intention des industriels, commerçants, artisans ou agriculteurs des Alpes du Sud dans les domaines économiques, comptables et financiers, de sorte que ce bien immobilier était destiné à recevoir du public et non destiné à l'habitation ; que l'agence immobilière produit un mandat de recherche du 16 avril 2010 dénommé " bon de recherche et de visite " : « Je soussigné M. Olivier Y...CGA... déclare avoir contacté l'agence Orpi... et lui avoir demandé de rechercher pour mon compte une propriété … je reconnais que ladite agence, dans le cadre de cette recherche m'a présenté les affaires ci-dessous … La Maubuissonne 04200 Sisteron... » ; que ce bien immobilier de " La Maubuissonne " est celui qui a fait l'objet de la promesse synallagmatique de vente du 10 août 2010 ; que ce bien immobilier est désigné ainsi dans la promesse synallagmatique de vente : « une maison d'habitation de 308 m2, élevée de un étage sur un rez-de-chaussée et deux pièces en hauteur formant une tour, avec grande pièce voûtée en rez-de-jardin. La maison comporte un petit bassin d'arrosage sur le côté sud. Le jardin est arboré et non clos. Il est précisé ici que la propriété est en zone Nouvelle-Calédonie » ; que l'architecte qui travaillait avec le Centre de Gestion Agréé a reçu le 5 mai 2010 de l'agence immobilière les éléments concernant la réglementation de la zone dans laquelle se trouve implanté ce bâtiment ; qu'il est indiqué « la zone NC, réservée aux activités agricoles et à l'exploitation des richesses naturelles... » ; que la promesse synallagmatique de vente contient une mention page quatre : conditions suspensives de droit commun « que des titres de propriété antérieurs et les pièces d'urbanisme ou autres obtenus ne révèlent pas de servitudes, autres que celles éventuellement indiquées aux présentes, ni de vices non révélés aux présentes, pouvant grever l'immeuble et en diminuer sensiblement la valeur ou le rendre impropre à la destination que les acquéreurs déclarent être à usage d'habitation » ; qu'il résulte de ces documents que l'association Centre de Gestion Agréé des Alpes du Sud savait avoir visité une maison d'habitation située en zone Nouvelle-Calédonie ; qu'elle a signé une promesse synallagmatique de vente précisant qu'elle déclarait que le bien immobilier concerné devait être à usage d'habitation ; qu'il est établi que l'architecte de l'association Centre de Gestion Agréé des Alpes du Sud, chargé d'étudier le projet d'acquisition, avait reçu un courrier de l'agence immobilière lui indiquant les contraintes d'urbanisme affectant la zone dans laquelle est implanté le bien immobilier ;
que l'association Centre de Gestion Agréé des Alpes du Sud a signé la promesse synallagmatique de vente mentionnant qu'elle destinait le bien immobilier acquis à l'usage d'habitation ; qu'elle ne peut reprocher à l'agence immobilière d'avoir acquis un bien immobilier à usage d'habitation ; que l'association Centre de Gestion Agréé des Alpes du Sud était pleinement informée de ce que le bien immobilier était en zone NC, avec les contraintes d'urbanisme en résultant, alors que son architecte, homme de l'art forcément au fait du droit immobilier, avait reçu une copie de la partie du plan d'occupation des sols afférente au bien ; que la faute de l'agence immobilière n'est pas établie ;
1°) ALORS QUE l'agent immobilier doit, de lui-même, se renseigner sur les attentes et besoins de son mandant afin de lui délivrer utilement l'information et le conseil qu'il lui doit ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute de l'agent immobilier à raison de ce que le bien acquis par son mandant se trouvait dans une zone du plan d'occupation des sols qui le privait de modifier sa destination, que l'acquéreur savait avoir visité une maison d'habitation et avait déclaré destiner le bien à cet usage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'agent immobilier, qui ne pouvait ignorer l'objet social de son mandant, sans rapport avec l'acquisition ou l'usage d'une habitation, ne devait pas, de lui-même, se renseigner auprès de lui pour l'informer et le conseiller utilement quant à l'adéquation avec son projet du bien dont l'acquisition était envisagé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QUE la présence d'un conseil auprès du mandant de l'agent immobilier ne l'exonère pas de sa propre obligation d'information et de conseil à son égard ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que c'est à l'architecte de l'acquéreur que l'agent immobilier avait envoyé les informations relatives au plan d'occupation des sols, ce dont il résultait que l'agent immobilier n'avait pas délivré à son mandant l'information et le conseil qui lui étaient dus, a néanmoins retenu que ce dernier était pleinement informé de la situation du bien en zone NC et des contraintes en résultant, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le CGA fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires à l'encontre de Me X... et de la société MMA ;
AUX MOTIFS QUE Me X... n'a pas prêté son assistance lors de la rédaction de la promesse synallagmatique de vente ; qu'il n'est aucunement intervenu lors de la conclusion de l'accord entre les parties à la vente ; que son rôle n'a été que de d'authentifier cette vente, vérifier l'état hypothécaire, recevoir le paiement du prix, veiller au paiement des droits fiscaux, remettre le solde du prix au vendeur, assurer la publicité foncière de la vente ; qu'au vu de la promesse synallagmatique de vente, dont les conditions suspensives étaient levées, et valant vente, Me X... ne pouvait que constater que l'association Centre de Gestion Agréé avait décidé d'acquérir un bien immobilier que l'acquéreur destinait à l'habitation et il n'avait pas à interférer dans la motivation de l'acquéreur ; que Me X... n'a commis aucun manquement à son devoir d'information et de conseil ;
ALORS QUE le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en se fondant, pour écarter la faute du notaire, sur la circonstance inopérante que le rôle de ce dernier n'avait été que d'authentifier la vente, sans qu'il ait préalablement prêté son assistance à la rédaction de la promesse, ni qu'il soit intervenu lors de la conclusion de l'accord entre les parties, ce qui n'était pas de nature à exonérer le notaire de sa responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil."