Notion d'ouvrage en droit de la construction (mardi, 18 avril 2017)
La notion d'ouvrage est essentielle en droit de la construction, pour l'application des règles de garanties des constructeurs. Cet arrêt juge la construction, sur plusieurs kilomètres, d'une conduite métallique fermée d'adduction d'eau à une centrale électrique constitue un ouvrage.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 mai 2015), que, pour améliorer l'exploitation de sa centrale alimentée par le canal de Nyer, la Société hydro-électrique du canal de Nyer (la SHCN) a confié à la société Hydro-M, en qualité de maître d'oeuvre, l'installation d'une conduite métallique fermée de plus de six kilomètres ; que les tuyaux fournis par la société Aquavia, aux droits de laquelle est venue la société Genoyer, assurée auprès de la société Axa corporate solutions ont été mis en place par la société Rampa travaux publics (la société Rampa), assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa France), et assemblés par la société CTM Vissac, assurée auprès de la société Generali France assurances (la société Generali) ; que, se plaignant, après réception, de la corrosion des tuyaux, la SHCN a, après expertise, assigné en indemnisation la société Genoyer, la société Rampa, la société Hydro-M, et la société CTM Vissac ; que les assureurs sont intervenus à l'instance ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que la société Genoyer fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SHCN une part du montant des travaux et du préjudice financier ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société Genoyer, professionnel dans le domaine des tuyaux métalliques, qui connaissait la nature du projet et sa situation géographique, ne pouvait ignorer le risque de corrosion dû à la composition de l'eau naturelle, qu'elle avait omis de se renseigner sur l'existence ou non d'un dégazage de cette eau, qu'en l'absence d'une étude de l'eau du canal, elle aurait dû conseiller l'achat de tuyaux revêtus de protection interne à la SHCN, dépourvue de compétence en matière de corrosion de tuyaux métalliques, qui n'avait pas été mise en garde et n'avait pas, à la date de la commande des tuyaux, une connaissance suffisante des risques encourus, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que le manquement de la société Genoyer à son obligation de conseil et d'information avait participé à la survenance du dommage qui ne s'analysait pas en une perte de chance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu les articles 1792 et 1792-7 du code civil ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de la SHCN fondées sur la garantie décennale, l'arrêt retient que la conduite métallique fermée acheminant l'eau du canal de Nyer à la centrale hydro-électrique exploitée par la SHCN est un équipement qui a pour fonction exclusive de permettre la production d'électricité par cet ouvrage à titre professionnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la construction, sur plusieurs kilomètres, d'une conduite métallique fermée d'adduction d'eau à une centrale électrique constitue un ouvrage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la SHCN contre les sociétés Hydro-M, Rampa et CTM Vissac, l'arrêt rendu le 5 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne les sociétés Hydro-M, Rampa travaux publics, Axa France IARD, Axa corporate solutions, CTM Vissac et Generali IARD aux dépens du pourvoi principal, et la société Genoyer aux dépens du pourvoi incident ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Hydro-M, Rampa travaux publics, Axa France IARD, CTM Vissac, Generali IARD, Genoyer et Axa corporate solutions à payer à la Société hydro-électrique du canal de Nyer la somme globale de 4 200 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la Société hydro-électrique du canal de Nyer.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté l'exposante de ses demandes, fondées sur la garantie décennale et tendant à la condamnation de la SAS Hydro M, des sociétés Rampa et CTM Vissac à réparer les différents préjudices (reprise des désordres, préjudice financier) résultant pour elle de la corrosion prématurée des tubes constitutifs de la conduite métallique fermée qu'elle avait fait mettre en place,
AUX MOTIFS QUE
« Sur les actions en garantie décennale :
La SNC Société Hydro-électrique du canal de Nyer invoque sur son appel principal et à l'appui de ses demandes de réparation de son seul préjudice financier, au visa des articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, la garantie décennale des travaux réalisés, réceptionnés le 2 mars 2010, pour installer la conduite métallique fermée acheminant l'eau du canal de Nyer à la centrale hydro électrique qu'elle exploite, à l'égard des sociétés suivantes : - la SAS Rampa Travaux Publics, entrepreneur chargé d'installer les tubes, la SARL Hydro-M, maître d'oeuvre, - la SAS CTM-Vissac, entrepreneur chargé de souder les tubes, la SA Generali JARD, assureur de la SAS CTM Vissac.
Dans le dispositif de ses conclusions, sur les appels incidents, elle demande aussi la confirmation du jugement déféré concernant le montant des travaux de reprise de la canalisation d'amenée d'eau et la condamnation des sociétés responsables au visa des articles 1147 et suivants du code civil en ce qui concerne la société Genoyer, et des articles 1792 et suivants du code civil en ce qui concerne les autres sociétés ayant participé à la conception et à la réalisation de la canalisation. Cette demande confirmative ne concerne donc que les sociétés condamnées en première instance de ce chef : la SAS Hydro-M et son assureur la SA Axa France IARD ainsi que la SA Axa Corporate Solutions, sur le fondement de la garantie décennale, pour 80 % du coût des travaux de reprise des tuyaux, - la SAS Genoyer, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à hauteur de 20 % du coût des travaux de reprise des tuyaux.
Mais il résulte des dispositions invoquées par la SAS Rampa Travaux Publics, de l'article 1792-7 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, que ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4, les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.
Tel est bien le cas en l'espèce, la conduite métallique fermée acheminant l'eau du canal de Nyer à la centrale hydro-électrique exploitée commercialement par la SHCN, équipement qui a pour fonction exclusive de permettre la production d'électricité par cet ouvrage, à titre professionnel.
Il convient donc de débouter la SHCN de toutes ses demandes fondées sur la garantie décennale des travaux litigieux, qui n'est pas applicable en l'espèce »
ALORS QUE la construction d'une conduite métallique fermée constitue la construction d'un ouvrage en soi et non la construction d'un équipement de l'ouvrage de sorte qu'en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut du champ d'application de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, la cour a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 1792-7 et, par refus d'application, l'article 1792 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté l'exposante de ses demandes tendant à l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la corrosion prématurée des tubes constitutifs de la conduite métallique fermée qu'elle avait entendu mettre en place et fondées sur les manquements de la SAS Hydro M, de la SAS CTM Vissac et la SAS Rampa Travaux publics à leurs obligations contractuelles de conseil,
AUX MOTIFS QUE
« Sur l'action en responsabilité contractuelle en réparation de l'ouvrage :
L'action en paiement des travaux de réparation de l'ouvrage mise en oeuvre par la société SHCN envers la SARL Hydro-M, condamnée en première instance à payer la somme de 1.184.800,00€, correspondant à 80% des travaux de reprise, étant fondée exclusivement sur les dispositions inapplicables des articles 1792 et suivants du code civil, par confirmation du jugement déféré, ce dernier doit être infirmé de ce chef et la demande rejetée comme mal fondée.
(…)
Sur les demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par la SNC SHCN :
Dans le dispositif de ses conclusions, la SNC SHCN sollicite la condamnation solidaire de la SAS Genoyer, la SAS Rampa Travaux Publics, la SARL Hydro M, la SAS CTM Vissac et la Compagnie Generali IARD, prise en sa qualité d'assureur de la société Vissac, à réparer l'entier préjudice qu'elle a subi du fait des désordres de corrosion ayant affecté la conduite d'amenée métallique en acier soudable desservant la centrale hydro électrique, tenant la responsabilité solidaire de plein droit qui s'applique aux sociétés requises ".
Elle est donc exclusivement fondée sur les dispositions, visées en tête du dispositif des conclusions, des articles 1792 et suivants du code civil. En effet, les dispositions relatives à la responsabilité contractuelle de l'article 1147 du code civil, également visé, n'instaurent pas une responsabilité de plein droit du vendeur ou du prestataire de service envers l'acheteur, ni une solidarité de plein droit entre participants, vendeurs ou prestataires de services, à un acte de construire un ouvrage unique.
C'est d'ailleurs ainsi que l'a interprété la SAS Rampa Travaux Publics, qui déclare dans le dispositif de ses dernières conclusions (page 23) déposées le 6 décembre 2013 et non contestées depuis lors particulièrement de ce chef que : « l ‘action entreprise (par la SHCN) à l'encontre de l'exposante est mal fondée au visa de l'article 1792 du code civil. Constater que la responsabilité de la société Rampa n'est recherchée sur aucun autre fondement »
Ainsi qu'indiqué ci-dessus, cette responsabilité de plein droit des constructeurs résultant de la garantie décennale n'est pas applicable en l'espèce, conformément aux dispositions de l'article 1792-7 du code civil, et ces demandes doivent donc être rejetées »,
ALORS QUE la cour d'appel doit prendre en considération un moyen formulé sans équivoque dans les motifs des conclusions même s'il n'a pas été repris dans le dispositif des écritures de sorte qu'en examinant les demandes formulées par l'exposante à l'encontre de la société Hydro M, de la SAS Rampa Travaux Publics et de la SAS CTM au regard du seul dispositif de ses conclusions pour en conclure qu'elle n'avait entendu engager leur responsabilité que sur le fondement de la garantie décennale, cependant qu'il résultait des motifs de ses conclusions (p. 15 et 16 des conclusions récapitulatives) que l'exposante reprochait également à ces sociétés de ne pas lui avoir délivré un conseil pertinent pour commander les tubes nécessaires et ainsi méconnu leur obligation contractuelle de conseil, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 alinéa 1er du code de procédure civile,
ET ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge doit restituer leur exacte qualification aux faits et actes qui lui sont soumis ; que la cour d'appel ne pouvait limiter l'examen des conclusions de l'exposante à la responsabilité décennale des sociétés Hydro M, Rampa Travaux Publics et CTM visée par les conclusions mais sans rapport avec son argumentation relative à la violation par ces entreprises de leur obligation de conseil, qu'il lui appartenait de qualifier de responsabilité contractuelle fondée sur les dispositions de l'article 1147 du code civil de sorte qu'en refusant toutefois d'examiner la responsabilité contractuelle des sociétés, la cour d'appel a méconnu son office et partant, violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir limité à 27.794,54 € correspondant à 20% de son préjudice financier le montant de condamnation mis à la charge de la société Genoyer au titre de sa responsabilité contractuelle,
AUX MOTIFS QUE
« Il est réclamé, au titre de ce préjudice financier, les sommes suivantes :
- 110.186,00 € HT au titre de la perte de production de la centrale entre le 15 octobre 2010 et le 22juin 2011,
- 745891,00 € HT au titre du préjudice financier lié à l'arrêt de la centrale pour l'exécution des travaux réalisés entre le 15 octobre 2011 et le 3l janvier 2012,
- 896.000,00 € au titre de la dépréciation de l'ouvrage suite au phénomène d'oxydation,
- 102.573,52 € HT au titre des frais d'expertise, d'analyses, d'intervention personnelle de la SHCN,
- 63.862,02 € HT au titre des frais avancés au niveau du financement de ce contentieux.
Pour ce qui concerne la perte de production d'électricité de la centrale hydro-électrique entre le 15 octobre 2010 et le 22 juin 2011, alléguée par la société SHON, pour une période antérieure aux travaux de reprise des tuyaux, engagés en octobre 2011 selon l'expert Y..., elle repose sur une évaluation des conséquences de la perte de débit de la conduite d'amenée d'eau à la centrale, du fait des pustules provoquées par la corrosion interne des tuyaux.
Toutefois cette évaluation a été menée par la société SHCN elle-même et l'expert Y... a conclu à l'absence de fiabilité de cette étude, qui aboutit à un préjudice fixé à la somme de 110.186,00 € qu'il considère comme surestimé
M. Y... relève notamment que le calcul a été fait sur une hypothèse de rendement de 86 % avec une déperdition de 640 kWh par la société S.Ynergie, qui n'est pas vérifiable, alors que les relevés qu'il a consultés ne font état que d'une déperdition de 300 kWh. Il constate aussi que les données de production en kWh graphique ne sont pas corrélées avec la facturation d'EDF, seul acheteur de l'électricité produite.
Il fait état d'une étude menée par le bureau d'études techniques Saretec, concluant à un rendement de l'installation ramené de 0,86 à 0,79.
Il indique aussi que la perte de rendement du fait d'un débit ralenti, ne peut être examinée que dans la limite du fonctionnement en puissance maximum, alors que la corrosion entraîne une diminution du débit de l'installation, d'où un maintien de capacité d'alimentation maximum avec hauteur d'eau en-dessous du seuil maximum. (Page 43 du rapport).
Pour justifier de ses prétentions à hauteur de cette somme de 110.186,00 € HT pour ce poste de préjudice d'exploitation, la société SHCN produit l'étude technique et financière, réalisée à sa demande par la société S.Ynergie, arrêtée à la date du 2 février 2012 et communiquée à l'expert Y..., avec un tableau de synthèse des coûts actualisé au 26 juillet 2012.
Pour contester les réserves de l'expert judiciaire sur le caractère probant de cette étude technique et financière, la société SHCN produit une lettre adressée à son avocat, Me A..., le 21 août 2012, par M. François B..., ingénieur et expert judiciaire à Montpellier, ainsi rédigée notamment :
J'ai bien reçu une copie du rapport d'expertise de Monsieur Y... dont j'ai pris connaissance ainsi que de l'évaluation des préjudices financiers subis par SHCN datée du 2 avril 2012, document qui avait été transmis à l'expert qui n'a pas validé ce chiffrage sans justification ni motivation valables de cette prise de position.
J'ai à nouveau étudié l'évaluation des préjudices financiers subis par SHCN datée du 2 avril 2012 et j'y ai trouvé toutes les explications sur le calcul des pertes d'exploitation de la centrale de Nyer avec toutes justifications nécessaires dans les 5 annexes de ce rapport d'évaluation.
Pour ma part, j'estime que les hypothèses de travail qui ont été prises correspondent à la réalité, étant justifiées par de nombreux enregistrement de débit, d'hydrologie, etc. Ce qui me permet de vous indiquer que, contrairement à Monsieur Y..., je valide le chiffrage du préjudice ».
Cependant l'avis ainsi donné à titre privé et personnel par M. B..., n'a pas convaincu les autres parties à ce litige, et notamment pas la SA Genoyer, qui sollicite le rejet de l'ensemble des prétentions de ce chef En l'absence de toute explication technique ou financière par cet expert, répondant aux critiques formulées par M. Y... dans son rapport d'expertise judiciaire, ci-dessus rappelées, il ne permet nullement à la cour de retenir comme justifié en l'état le montant des sommes réclamées par la société SHCN en réparation de son préjudice d'exploitation lié aux conséquences de la corrosion des tuyaux.
Il en est de même pour les autres postes de préjudice financier, l'expert judiciaire formulant, contrairement à l'appréciation de M. B..., des critiques et des réserves sur cette étude technique qui méritent des réponses précises, indiquant notamment :
« Perte d'exploitation de la centrale de Nyer pour la période de travaux du 15/10/2011 au 30/01/2012.
Comme précisé précédemment, SHCN a décidé seul de l'arrêt de la centrale dès la fin de nécessité contractuelle de fourniture d'eau à l'ASA. Je n'ai pas été informé officiellement de la date d'arrêt ni de la date de redémarrage.
Il convient de rappeler que par rapport à la première estimation des préjudices et la 2ème estimation (2/04/2012), l'estimation des préjudices a été doublée.
Soit une réclamation fixée par SHCN à 745 891,00 €.
Le calcul est basé sur l'observation du débit de la Têt, rivière dans laquelle se jette le ruisseau du Mantet, la comparaison des bassins versants est difficile, en particulier compte-tenu des apports de neige fondue.
Le calcul fait par S.Ynergie est basé sur une production en l'absence de désordre de 5.100 Kw/h. Cette puissance de production est difficilement justifiable selon les capacités des machines installées.
La comparaison avec l'année précédente est faite, année durant laquelle le processus de corrosion était largement engagé.
Il n'y a pas de corrélation avec la facturation réalisée après remise en marche de la centrale en fin de travaux.
Selon analyse, le poste de réclamation est surestimé. »
Document 4
Les frais supplémentaires engagés sont peu ou pas justifiés.
Les factures d'intervention ne sont pas communiquées, en particulier la facture Polypaint n'a pas été communiquée, en conséquence nous ne connaissons pas les travaux réalisés et facturés par Polypaint, ceci permettant d'apprécier le volume de travaux ou aide réalisé par le personnel SHCN.
Document 5
Dépréciation de l'ouvrage suite au phénomène d'oxydation… En l'état du traitement de surface réalisé, il n'y a plus de perte de matière par oxydation… La solidité de la canalisation étant préservée suite à l'application de revêtement Epoxy sur le parement intérieur, il n'a pas lieu de déprécier la valeur de l'ouvrage ».
La société SHCN pour critiquer le rejet de ses demandes en première instance, considérées comme non justifiées par les pièces qu'elle avait versées aux débats, et pour contester les réserves de l'expert judiciaire Philipot, déclare seulement qu'elle a droit à une réparation intégrale de son dommage et que, selon elle, les conclusions de l'expert Y..., qui n'avait pas de mission d'évaluation du préjudice financier, ne peuvent en aucun cas constituer une analyse du préjudice subi.
Cependant, elle ne sollicite pas pour autant la désignation d'un expert judiciaire chargé d'évaluer son préjudice financier et s'abstient aussi de produire aux débats les pièces de sa comptabilité, pourtant de nature à mettre en exergue l'évolution des recettes tirées de sa production hydro-électrique au fil des ans et notamment les plus récents, depuis l'achèvement des travaux de reprise des tuyaux, permettant un fonctionnement normal de l'installation.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que :
- la demande présentée au titre d'une prétendue dépréciation de l'ouvrage suite au phénomène d'oxydation (896.000,00 € HT) est infondée en l'état des travaux de reprise réalisés par la société Polypaint à la demande et à la satisfaction de la société SHCN, qui protègent durablement les tuyaux,
- - les frais d'intervention du personnel de la société SHCN dans les travaux de reprise de l'ouvrage (8.000,00 € HT), ont déjà été évalués au sein de l'indemnisation allouée, sur la base du devis initial de la société Polypaint, ainsi qu'exposé ci-dessus, et n'ont donc pas lieu d'être indemnisés doublement,
- les frais d'intervention de M. B..., expert privé conseillant la société SHCN, pour la somme de 2.929,000 €, payés le 3 mars 2011, résultent d'un libre choix de cette société et ne constituent donc pas un préjudice indemnisable dans le cadre de ce litige,
- les études sollicitées du service Hydro-énergie (S-Ynergie) par la société SHCN pour calcer son préjudice d'exploitation n'étant pas retenues comme suffisamment probantes en l'absence d'expertise judiciaire les accréditant et résultant d'un libre choix opéré par le maître de l'ouvrage, leur coût (10.800,00 € HT) ne constitue pas un préjudice indemnisable,
- le coût de l'expertise judiciaire de M. Y... (35.505,27 €), avancé par la société SHCN, sera inclus dans les dépens de cette procédure et ne constitue donc pas un préjudice indemnisable de ce chef,
- le coût de 4 constats d'huissiers invoqués ne constitue pas un préjudice indemnisable dès lors qu'il n'est pas indiqué en quoi leur élaboration a été rendue nécessaire pour la résolution de ce litige,
- l'ensemble des frais juridiques engagés qui est réclamé pour la somme de 63,862,02 € relève soit des dépens de cette procédure, soit de l'appréciation de la cour quant au soit des frais irrépétibles, par application de l'article 700 du code de procédure civile et ne constitue pas, en conséquence, un préjudice particulier indemnisable de ce chef.
Par contre sont justifiées les sommes HT exposées de
- 3.764,25 E pour la facture de vidange de la conduite pour les travaux de reprise, payée à la société Mécanique du Haut Conflent le 2 juillet 2012,
- 11.000,00 € pour la facture de la société Hydro-M concernant le dossier technique et administratif requis pour la demande d'autorisation des travaux de reprise, payée le 21 février 2011, le 29 avril 2011 et le 25 août 2011,
- 3.850,00 € et 1.380,00 € pour les deux études techniques de l'institut de la corrosion, pendant les opérations d'expertise judiciaire, qui ont contribué à la solution du litige, facturées et payées les 21 septembre et 13 novembre 2011,
- 20.000,00 € au titre de la maîtrise d'oeuvre des travaux de reprise (suivi du sablage), facturée par la SARL Hydro-M les 22 septembre 2011, 3 novembre 2011, 5 décembre 2011 et 5 janvier 2012, nécessaires pour s'assurer de la bonne qualité des travaux de reprise de l'ouvrage,
- - 3. 120,00 € pour la vérification technique de la peinture intérieure des conduits, facturée par la société Qualiconsult Sécurité les 20 octobre 2011, 7 décembre 2011 et 3 0janvier 2012 ;
- Soit au total une somme justifiée de 43.114,25 € HT) sur laquelle la SA Genoyer doit donc être condamnée, après application du partage de responsabilité, la somme de 8.622.85 € HT au titre de dommages et intérêts.
En ce qui concerne les pertes de production du fait des pustules de corrosion dans le conduit ayant amené une réduction incontestée du débit alimentant la centrale hydro-électrique, pour la période du 15 octobre 2010 au 22 juin 2011, si le calcul proposé par la société SHCN n'est pas justifié par les pièces versées aux débats, il n'est cependant que surestimé, le préjudice subi étant réel bien que moindre, selon les constatations techniques de l'expert Y....
La SA Axa Corporate Solutions conteste l'existence de ce préjudice au motif invoqué que la perte de débit de l'eau dans la conduite pourrait avoir d'autres causes que les effets des pustules provoquées par la corrosion, mais n'indique ni ne justifie aucune de ces causes, que l'expert judiciaire Philipot n'a pas non plus constatées en l'espèce.
Selon son document de calcul, la société SHN déclare n'avoir subi des pertes d'exploitation que pendant les périodes où la prise d'eau est saturée, soit 16 jours en octobre 2010, 3 jours en mars 2011, 27 jours en avril 2011, 20 jours en mai 2011 et 16 jours en juin 2011, entraînant une réduction de la production d'électricité qu'elle a calculée à hauteur de 2.187.864 kWh (dont seulement 76.824 kW/h en hiver, de novembre à mars) mais dont elle ne justifie nullement, malgré les observations pertinentes de M. Y..., en produisant les factures adressées à EDF, sa seule cliente, pendant cette période et les périodes antérieures ou postérieures.
Au vu des éléments susvisés, la cour dispose néanmoins d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi à la somme de 42.000,00 € HT, sur laquelle la SA Genoyer doit donc être condamnée, après application du partage de responsabilité, la somme de 9.606,91 € HT, à titre de dommages et intérêts.
De même, s'agissant de la perte d'exploitation pendant la fermeture de la centrale hydro-électrique consécutive aux travaux de reprise, entre le 15 octobre 2011 et le 30janvier 2012, au vu des pièces produites et des observations de M. Y..., et compte tenu des éléments retenus ci-dessus quant à la production normale de l'usine en période hivernale (sauf pour 15 au 31 octobre 2011), compte tenu du prix du kwh fixé à 0,101 € dans cette période, et non en fonction du calcul de la production théorique que propose la société SHCN eu égard aussi aux deux factures destinées à EDF qui sont produites (2.248,80 E HT pour 46.348 kWh en novembre 2011 malgré 15 jours de fermeture et 49.071, 86 € HT pour 470 623 kWh en mars 2012, correspondant au mois de février 2012 et non 2011 comme indiqué par erreur matérielle)à, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi de ce chef à la somme de 95.375, 00 € HT, sur laquelle la SA Genoyer doit donc être condamnée, après partage de responsabilité, la somme de 19.075,00 € HT à titre de dommages et intérêts.
Il convient donc en conséquence de condamner la SA Genoyer à payer à la SAS SHCN, en réparation de son préjudice financier justifié la somme totale de (8.622,85 € T + 9.606,91 € HT +19.075, 00 € HT) = 27.794, 54 € HT, à titre de dommages et intérêts »
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE
« Sur les pertes de production
Attendu qu'en page 44 de son rapport, l'expert précise ne pas avoir eu d'indication suffisante pour évaluer les pertes de productions, qui de surcroît sont surévaluées par la demanderesse ;
Attendu en conséquence qu'il conviendra de débouter la demanderesse de sa demande à ce titre, faute d'éléments probants ;
Sur les pertes d'exploitation
Attendu qu'ainsi qu'il résulte de la page 44 du rapport d'expertise, la SA HYDRO ELECTRIQUE DU CANAL DE NYER, a décidé seule de l'arrêt de la centrale ;
Attendu que les éléments de calcul ne permettent pas de chiffrer de manière précise lesdites pertes ;
Attendu que l'expert qualifie de surestimée, la réclamation de la SA HYDRO ELECTRIQUE à hauteur de 745.891 euros, et annonce que ce chiffre aurait été doublé ;
Attendu, en conséquence, qu'en l'absence d'éléments fiables et objectifs d'appréciation, il conviendra de débouter SA HYDRO ELECTRIQUE DU CANAL DE NYER de sa demande à ce titre »,
ALORS QUE la victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice ; que le juge doit, à cette fin, procéder à une évaluation du préjudice réel subi par elle si bien qu'en retenant une somme de 48.000 € au titre des pertes de production du fait des pustules de corrosion dans le conduit ayant amené une réduction incontestée du débit alimentant la centrale hydroélectrique et une somme de 95.375 € au titre de la perte d'exploitation pendant la fermeture de la centrale hydro-électrique consécutive aux travaux de reprise, entre le 15 octobre 2011 et le 30 janvier 2012, sans relever précisément les éléments de calcul permettant de parvenir à une telle somme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1147 du code civil ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice,
ET ALORS QUE le juge qui constate l'existence d'un préjudice ne peut refuser de l'évaluer à défaut de disposer des éléments permettant de procéder à son évaluation de sorte qu'en se fondant sur la circonstance que les éléments produits par l'exposante ne permettaient pas d'évaluer les pertes de production et les pertes d'exploitation dont elle constatait pourtant l'existence en relevant que leur montant était surévalué, la cour d'appel a, par motifs adoptés, violé les dispositions des articles 4 et 1147 du code civil.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Genoyer.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Genoyer à payer à la société Hydro Electrique du Canal de Nyer la somme de 296.200 euros, représentant 20 % du montant des travaux, ainsi que celle de 27.794,54 euros, correspondant à 20 % de son préjudice financier résultant de la faute contractuelle qui lui est imputable ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des conclusions de l'expert judiciaire Philipot, à cet égard, qu'il a constaté notamment que (pages 29 et 30) : « la corrosion généralisée par développement de pustules affecte l'ensemble de la nouvelle installation. - la corrosion est apparue très rapidement après la mise en service (mise en service en mars 2010, premiers constats en septembre 2010) ; - La corrosion est évolutive, les constats faits attestent d'une augmentation de la profondeur des cratères sous pustules, évolution selon constat de 250 microns à 1mm en avril 2011 à une profondeur maxi de 2 mm en novembre 2011. Lors des réunions, nous avons procédé à des mesures d'oxygénation qui confirment l'admission dans le canal d'amenée d'eau sursaturée en oxygène avec absence de dégazage sur l'ensemble du cheminement. ». Selon l'expert judiciaire les causes techniques de cette corrosion affectant la conduite d'amenée d'eau sont les suivantes (page 33 et 34) : « la corrosion des parties métalliques du canal est consécutive à la mise en oeuvre de tuyaux métalliques et pièces métalliques non revêtus pour constitution d'un canal véhiculant une eau sursaturée en oxygène. A la conception de l'ouvrage, aucune analyse de l'eau provenant du ruisseau du Mantet n'a été faite malgré la précision donné(e) dans les CST (cahier des spécifications et clauses techniques élaboré en juin 2009 par M. C...) et CCTP (cahier des clauses techniques particulières). Le canal tel que modifié exclue toute possibilité de dégazage de l'eau admise dans la canalisation. Avant tubage, l'eau circulait à l'air libre dans un canal revêtu. d'une bâche en matériau souple, le cheminement à faible vitesse permettant le dégazage en extrémité aval et avant injection dans la conduite forcée, un bassin de stockage de 40 m x 8 m x 2 m soit 640 m3 permettait un dégazage important. L'action de l'oxygène dissous sur les parois intérieures des conduites du canal est aggravée du fait de l'horizontalité favorisant une répartition annulaire de l'oxygène. La position subverticale de la conduite forcée limite les effets de l'action de l'oxygène sur les parois. A partir du contact Fer/Eau avec oxygène dissous important, tous les facteurs aggravant la corrosion sont enclenchés.
En conclusion, la corrosion affectant actuellement le canal est liée à l'absence de prise en compte du principe de cheminement à l'horizontal d'une eau agressive non dégazée dans une canalisation en acier non revêtu ; la chambre au droit de la prise d'eau et de dimensions ne permettant pas le dégazage d'une eau sursaturée en oxygène et peu minéralisée avec apport de souffre et de C02. ». Puis, M. Y... précise (page 37) : « La modification de l'installation par constitution d'un réseau étanche horizontal éliminant toute possibilité de dégazage de l'eau n'a pas été perçue par l'ensemble des intervenants comme facteur à prendre en compte. La notion de corrosion lié(e) à la présence d'eau sursaturée en oxygène n'a jamais été évoquée par les différents intervenants. ». Il en résulte que le fournisseur des tuyaux destinés à l'élaboration de la conduite fermée d'amenée d'eau, professionnel dans le domaine des tuyaux métalliques, qui connaissait la nature du projet et sa situation géographique, ne pouvait donc ignorer le risque connu de corrosion de ses tuyaux, en fonction de la composition, inconnue au stade de la commande des tuyaux, de l'eau naturelle provenant d'un ruisseau de montagne, dépendant aussi de l'existence ou non d'un dégazage de cette eau, sur laquelle il a également omis de se renseigner avant de proposer ses tuyaux non revêtus à la société SHCN et a ainsi participé à la survenance du dommage. La société Genoyer, venant aux droits de la société Acquavia, a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle, en qualité de vendeur, ayant manqué à son obligation de conseil et d'information vis à vis de sa cliente, non professionnelle en matière de tuyaux métalliques, la société SHCN. Il est en effet de principe, ainsi que l'a rappelé la première chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 28 octobre 2010, au visa de l'article 1147 du code civil, qu'il incombe au vendeur professionnel de prouver qu'il s'est acquitté personnellement de l'obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l'acheteur, dépourvu de compétence en matière de corrosion de tuyaux métalliques, afin d'être en mesure de l'informer quant à l'adéquation de ·la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue, ce qu'a manqué de faire en l'espèce la société Acquavia. Il importe peu au regard de la responsabilité contractuelle ainsi engagée de la société Genoyer que l'acheteur ait eu recours à d'autres professionnels pour le conseiller, par ailleurs et n'ait pas suivi les recommandations de M. C..., notamment, en passant la commande proposée par la société Acquavia de tuyaux non revêtus de protection anticorrosion. D'autre part, le fait d'être exploitante d'une centrale hydroélectrique ne suffit pas à retenir que la société SHCN était un acquéreur professionnel ayant des compétences suffisantes en matière métallurgique pour dispenser le vendeur professionnel des tuyaux de lui devoir son obligation de conseil. Ceci alors même que la société Genoyer soutient par ailleurs que le phénomène de corrosion de ses tuyaux était dû à un enchaînement de circonstances particulières très complexes, qu'elle dit ne pas avoir été à même de prévoir elle-même. Le fait que la société Acquavia ait aussi proposé par devis complémentaire en date du 19 juin 2009 à sa cliente, la SHCN, selon une option plus onéreuse (220.000,00 € de surcoût), d'acheter des tuyaux revêtus de protection interne anticorrosion, sans cependant lui donner expressément un tel conseil ni indiquer les risques pour elle de recourir à la commande de tuyaux non revêtus, ne satisfait pas à l'exécution par le vendeur professionnel de son obligation de conseil à l'égard de la société SHCN. La société Genoyer, pour contester son manquement à cette obligation de conseil, invoque la difficulté technique pour parvenir à ce diagnostic, illustrée par la durée de l'expertise judiciaire de M. Y..., lui-même ingénieur qualifié, ce que n'était pas le vendeur. Mais cette situation ne s'est produite que par l'absence de conseil donné par le vendeur à la société SHCN de faire réaliser, au préalable et avant toute commande des tuyaux, une analyse de l'eau du canal, afin de rechercher si elle ne présentait pas une sursaturation en oxygène, de nature à entraîner une corrosion accélérée. En l'absence de cette étude et dans le doute sur l'évolution possible de la corrosion, le vendeur professionnel se devait de conseiller uniquement l'achat de ses tuyaux revêtus de protection interne et non de ceux qui en étaient dépourvus, moins chers et donc plus accessibles pour sa cliente. L'existence d'un bureau d'études techniques Hydro M, chargé de la conception de l'ouvrage, n'était pas en elle-même une cause d'exonération pour le vendeur professionnel des tuyaux de son obligation de conseil à l'égard de l'acquéreur, était relevé qu'aucune relation contractuelle directe n'existait entre la société Acquavia et ce bureau d'études techniques assistant la société SHCN. Contrairement à ce que soutient la SA Genoyer, il ne résulte pas des éléments de l'espèce que la société SHCN aurait accepté le risque de corrosion de ses tuyaux d'amenée d'eau à sa centrale hydro-électrique de façon délibérée. En effet même si une première étude technique menée par M. C..., mais non achevée, préconisait d'utiliser des tuyaux revêtus de protection interne et une analyse de l'eau, cet élément était alors seulement proposé à titre de précaution et ne résultait pas d'une étude particulière de l'eau et du site de ce canal indiquant les risques potentiels de choisir des tuyaux non revêtus. Par ailleurs le bureau d'étude technique Hydro M, qui a pris la suite de M. C... et a achevé l'étude technique, a préconisé des tuyaux non revêtus de protection interne et a conclu à l'inutilité d'une analyse préalable de l'eau. Dans le même temps la société Acquavia a proposé à la vente les deux types de tuyaux sans donner de conseil en faveur d'une solution plutôt que de l'autre. Il n'en ressort donc nullement que la société SHCN pouvait, à la date de la commande des tuyaux, avoir eu une connaissance suffisante des risques courus et les avoir ainsi implicitement acceptés en faisant un choix éclairé, après une mise en garde, qui n'a pas eu lieu en l'espèce. Il n'est nullement non plus établi de déloyauté de la part de l'acheteur lorsqu'elle lui a indiqué que la qualité de l'eau était "bonne", sans plus de détail, sans qu'il ait été effectué une analyse de cette eau, que la société Acquavia, vendeur professionnel de tuyaux, se devait de conseiller de réaliser au préalable, en ce cas. Il convient donc de confirmer de ce chef le jugement déféré, comme sollicité par la société SHCN, et de condamner la société Genoyer à lui payer la somme de 296.200,00 € HT correspondant à 20 % du montant des travaux de réparation de l'ouvrage, en fonction de sa part de responsabilité retenue pour cette société dans le dommage, par le tribunal de commerce de Perpignan, que retient aussi la cour, dans la limite des prétentions de la société SHCN. C'est en effet à juste titre que la SA Genoyer soutient que sa faute contractuelle n'est qu'une cause partielle de la survenance du dommage subi par la SHCN du fait du choix de tuyaux inadaptés aux conditions de l'espèce, eu égard à l'intervention de divers autres entrepreneurs dont la responsabilité contractuelle éventuelle n'est pas recherchée devant cette juridiction. Contrairement à ce que soutient la SA Axa Corporate Solutions, notamment, assureur de responsabilité civile de la SA Genoyer, le dommage subi par la SHCN du fait du défaut de conseil donné par le vendeur sur le choix des matériaux ne s'analyse pas en une perte de chance, nulle selon lui, de choisir un matériau mieux adapté. Il est constitué par les dégradations subies sur l'ouvrage inadapté aux conditions de l'espèce, nécessitant des travaux de reprise et modification pour assurer le fonctionnement normal attendu de cet ouvrage industriel. Il s'agit là en effet d'un préjudice actuel et certain au jour du présent arrêt, causé directement par la fourniture par la SARL Genoyer de tuyaux inadaptés aux besoins de la SHCN, qu'aurait évité la fourniture du conseil pertinent que devait le vendeur professionnel, en ne proposant, avec son conseil avisé, que l'option des tuyaux revêtus de protection interne et non les deux. (…). Compte-tenu du partage de responsabilité opéré par le tribunal de commerce de Perpignan dans son jugement déféré, dont la confirmation a été sollicitée par la société SHeN quant à la réparation de son préjudice matériel causé par la faute contractuelle de la SAS Genoyer, à hauteur de 20 % du dommage, il convient donc de faire droit à ses prétentions, lorsqu'elles sont justifiées, en matière de préjudice financier, dans la même proportion de 20 % à l'égard de son vendeur, partiellement responsable de ce dommage. (…). Par contre sont justifiées les sommes H. T. exposées de : - 3.764,25 € pour la facture de vidange de la conduite pour les travaux de reprise, payée à la société Mécanique du Haut Conflent le 2 juillet 2012, -11.000,00 € pour la facture de la société Hydro-M concernant le dossier technique et administratif requis pour la demande d'autorisation des travaux de reprise, payée le 21 février 20 Il, lé 29 avril 2011 et le 25 août 2011, - 3.850,00 € et 1.380,00 € pour les deux études techniques de l'institut de la corrosion, pendant les opérations d'expertise judiciaire, qui ont contribué à la solution du litige, facturées et payées les 21 septembre et 13 novembre 2011, - 20.000,00 € au titre de la maîtrise d'oeuvre des travaux de reprise (suivi du sablage), facturée par la SARL Hydro-M les 22 septembre 2011,3 novembre 2011,5 décembre 2011 et 5 janvier 2012, nécessaires pour s'assurer de la bonne qualité des travaux de reprise de l'ouvrage, Soit au total une somme justifiée de 43.114,25 € HT, sur laquelle la SA Genoyer doit donc être condamnée, après application du partage de responsabilité, la somme de 8.622,85 € HT, à titre de dommages et intérêts. En ce qui concerne les pertes de production du fait des pustules de corrosion dans le conduit ayant amené une réduction incontestée du débit alimentant la centrale hydro-électrique, pour la période du 15 octobre 2010 au 22 juin 2011, si le calcul proposé par la société SHCN n'est pas justifié par les pièces versées aux débats, il n'est cependant que surestimé, le préjudice subi étant réel bien que moindre, selon les constatations techniques de l'expert Y.... (…). Au vu des éléments susvisés, la cour dispose néanmoins d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi à la somme de 48.000,00 € HT, sur laquelle la SA Genoyer doit donc être condamnée, après application du partage de responsabilité, la somme de 9.606,91 € HT, à titre de dommages et intérêts. De même, s'agissant de la perte d'exploitation pendant la fermeture de la centrale hydro-électrique consécutive aux travaux de reprise, entre le 15 octobre 2011 et le 30 janvier 2012, au vu des pièces produites et des observations de M. Y..., et compte-tenu des éléments retenus ci-dessus quant à la production normale de l'usine en période hivernale (sauf pour 15 au 31 octobre 20Il), compte-tenu du prix du kWh fixé à 0,101 € dans cette période, et non en fonction du calcul de la production théorique que propose la société SHCN, eu égard aussi aux deux factures destinées à EDF qui sont produites (2.248,80 € HT pour 46.348 kWh en novembre 2011 malgré 15 jours de fermeture, et 49.071,86 € HT pour 470.623 kWh en mars 2012, correspondant au mois de février 2012 et non 2011 comme indiqué par erreur matérielle) la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice subi de ce chef à la somme de 95.375,00 € HT, sur laquelle la SA Genoyer doit donc être condamnée, après application du partage de responsabilité, la somme de 19.075,00 € HT, à titre de dommages et intérêts. Il convient donc en conséquence de condamner la SA Genoyer à payer à la SA SHCN, en réparation de son préjudice financier justifié la somme totale de (8.622,85. € MT + 9.606,91 € DT + 19.075,00 € HT) = 27.794,54 € HT, à titre de dommages et intérêts ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte du rapport d'expertise, que SAS AQUAVIA, (nouvellement dénommée GENOYER), fournisseur des tuyaux, connaissait parfaitement le projet et le risque de corrosion des tuyaux, en présence d'eau naturelle non dégazée, provenant d'un ruisseau de montagne ; que la SA GENOYER, consciente des difficultés, a fait une proposition de tuyaux garnis intérieurement, proposition non retenue par la demanderesse ; qu'en n'insistant pas suffisamment pour obtenir une analyse de l'eau, laquelle aurait permis de prendre en compte les réalités agressives de l'eau sursaturée en oxygène, la SA GENOYER a manque à son devoir de conseil ; qu'il conviendra en conséquence, de retenir la responsabilité de la SA GENOYER, selon les dispositions de l'article 1147 du Code civil ; (…) ; que le montant des travaux a été évalué à la somme de 1.481.000 euros ; qu'il conviendra en conséquence, de retenir la responsabilité de la SARL HYDRO-M à hauteur de 80 %, et de la condamner à payer à la SA HYDRO ELECTRIQUE DU CANAL DE NYER, 80 % du montant des travaux ; qu'il conviendra de retenir la responsabilité de la SA GENOYER à hauteur de 20 % et de la condamner, en conséquence à payer à la SA HYDRO ELECTRIQUE DU CANAL DE NYER, 20 % du montant des travaux ;
1°/ ALORS QUE si le vendeur professionnel est tenu d'une obligation d'information et de conseil envers son client, il n'est pas tenu de lui délivrer une information qu'il connaît déjà ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que la corrosion des parties métalliques du canal était, selon l'expert judiciaire, « consécutive à la mise en oeuvre de tuyaux métalliques et pièces métalliques non revêtus pour constitution d'un canal véhiculant une eau sursaturée en oxygène » (arrêt attaqué, p. 15 in fine), qu'à « la conception de l'ouvrage, aucune analyse de l'eau provenant du ruisseau du Mantet n'a été faite malgré la précision donné(e) dans les CST (cahier des spécifications et clauses techniques élaboré en juin 2009 par M. C...) et CCTP (cahier des clauses techniques particulières) », qu'une « première étude technique menée par M. C..., mais non achevée, préconisait d'utiliser des tuyaux revêtus de protection interne et une analyse de l'eau » et que l'acheteur n'a « pas suivi les recommandations de M. C..., notamment en passant la commande proposée par la société Aquavia de tuyaux non revêtus de protection anticorrosion », ce dont il résultait que la société HCN avait connaissance de la nécessité de commander une conduite revêtue d'une protection anticorrosion interne et de procéder à une analyse de l'eau, de sorte que la société Genoyer n'avait pas à lui délivrer cette information, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance, laquelle doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en condamnant la société Genoyer à verser la somme de 296.200 euros HT, correspondant à 20 % du montant des travaux de réparation de l'ouvrage, et à la somme de 27.794,54 euros, correspondant à 20 % du préjudice financier de la société HCN, réparant ainsi le dommage distinct résultant de la réalisation de l'événement affecté d'un aléa, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir relevé que la société HCN avait été informée avant la commande des tuyaux, par une étude technique qu'elle avait commandé à M. C..., de la nécessité d'utiliser des tuyaux revêtus d'une protection interne et de réaliser une étude de l'eau, et sans constater si, mieux informée par la société exposante, elle aurait sollicité la réalisation d'une étude de l'eau et modifié sa commande pour acquérir des tuyaux revêtus d'une protection interne anticorrosion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil."