Droit de préemption du locataire (article 10 - I de la loi du 31 décembre 1975) (mardi, 06 décembre 2016)
Cet arrêt annule la vente faite au mépris du droit de préemption du locataire car l'offre de vente était postérieure à la promesse synallagmatique de vente conclue avec un tiers, alors qu'elle devait légalement la précéder, selon l'article 10 - I de la loi du 31 décembre 1975.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 mars 2015), que, le 6 octobre 2011, la société Groupama, bailleur, a notifié à Mme X... une offre de vente de l'appartement dont elle était locataire, pour la somme de 125 540 euros, et que celle-ci n'a pas acceptée ; que, le 4 juin 2012, la bailleresse a communiqué à la locataire le "dernier prix" proposé, soit 103 467 euros ; que, le 20 août 2012, la société Groupama a notifié à Mme X... une offre de vente à hauteur de 120 000 euros, qui n'a pas été acceptée ; que, par acte notarié du 8 octobre 2012, la société Groupama a vendu l'appartement à M. Y... au prix de 120 000 euros ; que Mme X..., invoquant la violation de son droit de préemption, a assigné la société Groupama et M. Y... en nullité de l'acte de vente du 8 octobre 2012 ;
Attendu que la société Groupama fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la notification de l'offre de vente du 4 juin 2012, du compromis de vente signé le 1er août 2012 entre la société Groupama et M. Y... et de la notification de l'offre de vente du 20 août 2012 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu à bon droit que les dispositions de l'article 10 - I de la loi du 31 décembre 1975 s'appliquent dès lors que le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux que ceux de l'offre de vente, notifiée antérieurement et non acceptée dans le délai légal par le locataire, et ayant constaté que l'offre de vente du 4 juin 2012, à un prix plus avantageux pour l'acquéreur que celle du 6 octobre 2011, ne reproduisait pas les cinq premiers alinéas de ce texte, la cour d'appel en a exactement déduit la nullité de la notification de cette offre ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'offre de vente du 20 août 2012 était postérieure à la promesse synallagmatique de vente conclue avec un tiers le 1er août 2012, la cour d'appel en a exactement déduit, peu important la date de réitération de la vente, que l'offre du 20 août 2012 et la promesse de vente étaient nulles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupama Centre-Manche aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Groupama Centre-Manche et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Groupama Centre-Manche
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif d'AVOIR prononcé la nullité de la notification de l'offre de vente faite à Madame X... le 4 juin 2012 et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la nullité du compromis de vente signé le 1er août 2012 entre la société Groupama et Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société Groupama ayant par la suite modifié à la baisse le prix de la vente projetée du local occupé par Mme X... pour le fixer à 103 467 euros, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que cette offre "définitive et non négociable" en date du 4 juin 2012 était nulle au sens de ce texte comme étant dépourvue de la reproduction des cinq alinéa de l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975. C'est à tort que la société Groupama prétend que cette offre de vente du 4 juin 2012 n'était pas soumise aux prescriptions de ce texte d'ordre public alors qu'il doit s'appliquer chaque fois que le propriétaire décide de vendre à un prix inférieur à celui contenu dans l'offre de vente non acceptée dans le délai légal par le locataire après notification d'un projet de vente antérieur » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société Groupama ne peut valablement soutenir que le fait que la notification du 6 octobre 2011 comportait la reproduction des alinéas susmentionnés la dispensait de les reproduire aux termes de la notification du 4 juin 2012 ; qu'en effet cette dernière notification faisait état d'une offre à un prix différent de celle du 6 octobre 2011, de telle sorte qu'elle constituait une nouvelle offre et qu'il appartenait par conséquent au bailleur de reproduire les mentions légalement prescrites » ;
ALORS QUE le droit de préemption du locataire est définitivement éteint lorsqu'il n'accepte pas, dans les deux mois, l'offre qui lui est faite dans les conditions de l'article 10 I de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 ; qu'en l'espèce la société Groupama a fait une offre à Madame X... le 6 octobre 2011 en respectant scrupuleusement les conditions de l'article précité ; qu'il est acquis que Madame X... n'a pas accepté ladite offre dans le délai de deux mois ; qu'il appartenait donc aux juges du fond de constater l'extinction du droit de préemption de Madame X... au 6 décembre 2011 ; que les offres postérieures n'étaient donc plus faites à un locataire disposant d'un droit de préemption, mais à un potentiel acquéreur dépourvu de droit de préférence ; qu'en constatant l'extinction du droit de préemption de Madame X..., tout en exigeant que toutes les offres émanant de la société Groupama respectent les conditions de l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975 précitée, la cour d'appel a ajouté une condition au texte et violé l'article 10 I de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif d'AVOIR prononcé la nullité de la notification de l'offre de vente faite à Madame X... le 20 août 2012 et d'AVOIR, en conséquence, prononcé la nullité du compromis de vente signé le 1er août 2012 entre la société Groupama et Monsieur Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « par courrier recommandé du 20 août 2012, la société Groupama a, dans le respect des règles de forme prévues par la loi du 31 décembre 1975, fait parvenir à Mme X... une nouvelle offre de vente intitulée : « 2ème purge du droit de préemption (loi de 1975) dans le cadre de la vente par lots de l'immeuble sis 4-6 rue de Foisy et 4 rue Lusson 72 000 Le Mans ». Outre le fait que cette offre de vente prouve, contrairement à ce que soutient la société appelante, qu'elle savait que les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 demeuraient applicables après le 6 décembre 2011, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'elle constitue une offre de vente régulière.
Cependant, la société Groupama s'est engagée à vendre l'immeuble à M. Y... au prix de 120 000 euros par « compromis de vente » du 1er août 2012 valant promesse synallagmatique de vente, avant même d'avoir notifié à sa locataire le prix et les conditions de la vente. Elle a ainsi violé l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975 et c'est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité du compromis de vente et de la vente réitérée par acte authentique le 8 août 2012 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Groupama a signé un compromis de vente avant même de notifier l'offre de vente à Madame Josiane X... ; qu'ainsi, le bailleur a violé les termes de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 l'obligeant à faire connaître au locataire l'indication du prix et des conditions de la vente projetée, préalablement à la conclusions de la vente » ;
1/ ALORS, d'une part, QUE le droit de préemption du locataire est définitivement éteint lorsqu'il n'accepte pas, dans les deux mois, l'offre qui lui est faite dans les conditions de l'article 10 I, de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 ; qu'en l'espèce la société Groupama a fait une offre à Madame X... le 6 octobre 2011, en respectant scrupuleusement les conditions de l'article précité ; qu'il est acquis que Madame X... n'a pas accepté ladite offre dans le délai de deux mois ; qu'il appartenait donc aux juges du fond de constater l'extinction du droit de préemption de Madame X... au 6 décembre 2011 ; que les offres postérieures n'étaient donc plus faites à un locataire disposant d'un droit de préemption, mais à un potentiel acquéreur dépourvu de droit de préférence ; qu'en constatant l'extinction du droit de préemption de Madame X..., tout en exigeant que toutes les offres postérieures émanant de la société Groupama respectent les conditions de l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975 précitée, la cour d'appel a ajouté une condition au texte et violé l'article 10 I de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 ;
2/ ALORS, d'autre part et subsidiairement, QU' à supposer même que le droit de préemption de Madame X... ne se soit pas éteint après son refus d'accepter l'offre initiale du 6 octobre 2011, la cour d'appel ne pouvait prononcer la nullité de l'offre du 20 août 2012 au seul motif qu'elle était postérieure au compromis de vente conclu entre la société Groupama et Monsieur Y... le 1er août 2012, dès lors que la vente définitive entre ces deux parties a eu lieu le 8 octobre 2012, soit après l'offre litigieuse du 20 août 2012 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a ajouté une condition à l'article 10 I de la loi du 31 décembre 1975, violant ainsi ce texte."