Pas de faute de l'acquéreur dans sa demande d'un prêt (mardi, 04 octobre 2016)
Un arrêt sur la preuve de la faute de l'emprunteur acquéreur dans le cadre de sa demande de prêt.
Sur cette question voir cet article : La charge de la preuve dans le contentieux de la condition suspensive d'obtention d'un prêt immobilier.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 14 avril 2014), que, par acte sous seing privé du 15 juin 2011, Mme X... a vendu à Mme Y... une maison, sous condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreur ; que la vente n'a pas été réitérée ; qu'estimant que la non-réalisation de la condition suspensive relative au prêt était imputable à Mme Y..., Mme X... l'a assignée en paiement de la clause pénale contractuellement prévue ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les demandes de prêt présentées par Mme Y..., hors délai contractuel, à deux établissements bancaires, dont l'une pour un montant inférieur à celui contractuellement fixé, avaient été refusées, malgré la garantie supplémentaire apportée par son concubin qui se portait co-emprunteur, et souverainement retenu que, même si Mme Y... avait formulé, dans les délais impartis des demandes de financement pour le montant prévu au contrat, celles-ci auraient également été refusées, la cour d'appel a pu en déduire que c'était sans faute de sa part que la condition suspensive avait défailli ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille seize et signé par lui et Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Gisèle X... épouse Z... de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que Mme Y... n'a pas respecté ses engagements contractuels en ne déposant pas plusieurs demandes de prêt pour la somme de 119.000 euros dans le délai imparti et à ce que Mme Y... soit condamnée en conséquence à lui payer la somme de 10.400 euros au titre de la clause pénale ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article 1176 du code civil, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; que l'article 1178 précise que la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; que par acte sous seing privé du 15 juin 2011, Mme Gisèle X... a vendu à Mme Sylvie Y... un immeuble à usage d'habitation situé ..., moyennant un prix de 104.000 euros ; qu'une condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt de 119.000 euros au bénéfice de l'acquéreur a été insérée à cet acte ; que cette condition prévoit que l'acquéreur s'oblige à constituer son dossier et à le déposer notamment auprès de « divers organismes prêteurs, au plus tard dans le délai de 31 jours à compter de ce jour » et que la vente sera caduque du fait de la non obtention d'offre de prêt dans le délai de 45 jours ; que l'acte authentique de vente devait être réitéré au plus tard le 31 août 2011 ; qu'après mise en demeure de l'acquéreur d'avoir à signer l'acte authentique de vente, le notaire chargé de la rédaction de cet acte, Me A..., a dressé un procès-verbal de carence le 25 novembre 2011 ; qu'il appartient à Mme Sylvie Y... qui se prévaut du jeu de la condition suspensive de rapporter la preuve qu'elle a déposé des demandes de financement conformes aux stipulations contractuelles ; qu'il doit être relevé que la preuve que Mme X... ait accepté une prolongation de la durée de validité de la condition suspensive n'est pas rapportée puisque la promesse de vente prévoit qu'une telle prorogation devait impérativement être formulée par écrit et acceptée selon les mêmes modalités ; qu'aucun écrit n'a été rédigé en ce sens ; que par ailleurs, Me A... explique, dans un courrier du 4 octobre 2013, que si Mme X... a donné son accord pour attendre quelques jours suite à l'affirmation du concubin de Mme Y... qu'un prêt était obtenu, cette attente avait uniquement pour but d'obtenir une attestation bancaire confirmant l'acceptation du prêt et ne constituait pas une prorogation du délai accordé à l'acquéreur pour l'obtention de ce financement ; que Mme Y... justifie qu'elle a, dans le délai imparti, déposé un dossier en vue d'obtention du financement auprès d'un courtier, le 21 juin 2011, lequel devait solliciter un prêt auprès d'une « banque partenaire » ; que la banque partenaire, à savoir la Société Générale, a été contactée le 24 juin 2011 et a refusé le financement sollicité le 6 septembre 2011 ; qu'il apparaît cependant que le prêt demandé était d'un montant principal de 104.000 euros outre 40.741,53 euros pour des travaux, soit un montant total de 144.741,53 euros, montant supérieur à celui contractuellement prévu qui était limité à 119.000 euros ; que cette demande de financement ne peut donc justifier l'application de la condition suspensive ; que Mme Y... justifie également avoir contacté un autre établissement bancaire (probablement le Crédit Agricole bien que l'attestation produite aux débats ne mentionne pas le nom de la banque mais uniquement que le refus émane du « secrétariat des caisses locales »), à une date non précisée, lequel a, le 19 octobre 2011, refusé de donner suite à la demande de financement ; que le montant du financement sollicité dans ce cadre n'est pas indiqué ; que ce document ne peut pas plus rapporter la preuve de ce que Mme Y... a exécuté les obligations contractuellement mise à sa charge ; qu'elle rapporte la preuve qu'elle a contacté, à une date qui n'est pas non plus indiquée, la Caisse d'Epargne pour un prêt de 104.000 euros et que cette demande a été refusée selon une attestation du 15 novembre 2011 ; que ces éléments sont donc insuffisants pour justifier que Mme Y... a, dans les délais contractuellement prévus et en tout état de cause avant la date à laquelle l'acte authentique devait être réitéré, contacté divers établissements bancaires pour solliciter un prêt dans les conditions fixées par la promesse de vente ; que cependant, Mme Y... a sollicité, certes hors délai, deux autres établissements bancaires (à savoir la Caisse d'Epargne et le Crédit Agricole), dont l'un pour solliciter un prêt d'un montant inférieur à celui contractuellement fixé dans la promesse (puisque le prêt demandé à la Caisse d'Epargne était de 104.000 euros au lieu de 119.000 euros prévus dans le compromis), en apportant une garantie supplémentaire puisque son concubin, M. B..., se portait co-emprunteur dans le cadre de ces deux dernières demandes de financement ; qu'il en résulte que même si Mme Y... avait formulé, dans les délais impartis c'est-à-dire trois mois plus tôt, des demandes de financement pour 119.000 euros, ces demandes auraient également été refusées ; qu'alors qu'aucun élément ne permet d'affirmer que Mme Y... a délibérément menti en affirmant que rien ne s'opposait à ce qu'elle souscrive un concours bancaire, il apparaît que la condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt n'a pas été réalisée sans qu'aucune faute de l'acquéreur ne soit à l'origine de cette défaillance ; que l'article 1178 du code civil ne peut donc recevoir application et la promesse de vente doit être considérée comme anéantie par le jeu de la condition suspensive relative à l'obtention d'un concours bancaire par Mme Y... ; qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande d'application de la clause pénale ; qu'en effet, cette clause n'est applicable que dans le cas où l'une des parties refuserait de signer l'acte authentique de vente alors que toutes les conditions suspensives sont réalisées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE deux autres attestations de refus sont également versées aux débats par la défenderesse ; que s'agissant de l'attestation de refus émise par le Crédit Agricole en date du 10 octobre 2011, il y a lieu de relever que celle-ci ne porte aucune mention du montant du prêt ou du taux d'intérêt sollicité de sorte qu'elle ne permet pas de justifier que la défenderesse a sollicité un prêt conforme aux stipulations du compromis de vente ; que la dernière attestation du 15 novembre 2011 a été adressée par la Caisse d'Epargne à M. B... ou Mlle Y... ; qu'elle précise que, compte tenu des éléments constitutifs du dossier elle ne donne pas une suite favorable à la demande de prêt d'un montant de 104.000 euros destiné à financer l'achat immobilier en cause ;
1°) ALORS QU'une condition suspensive est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; que le bénéficiaire d'une promesse de vente sous condition suspensive d'obtention d'un prêt, qui ne présente pas dans le délai imparti par l'acte une demande d'emprunt conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse et restée infructueuse, doit être regardé comme ayant empêché l'accomplissement de la condition, quand bien même il serait établi que, s'il avait présenté sa demande dans le délai imparti, cette demande lui aurait été refusée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme Y... ne justifiait pas avoir, dans les délais contractuellement prévus, sollicité un prêt dans les conditions fixées par la promesse de vente ; qu'en considérant pourtant que la condition suspensive avait défaillie, au motif inopérant que, si Mme Y... avait formulé, dans les délais impartis, des demandes de financement conformes aux conditions de la promesse, ces demandes auraient été refusées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1178 du code civil ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, lorsque qu'une condition suspensive d'obtention de prêt prévoit expressément que l'acquéreur devra déposer des demandes auprès de plusieurs banques, l'acquéreur qui se borne à déposer une seule demande de prêt conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse doit être regardé comme ayant empêché l'accomplissement de la condition ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la condition suspensive prévue à la promesse de vente obligeait Mme Y... à déposer des demandes de prêt auprès de « divers organismes prêteurs » ; qu'elle a également constaté que Mme Y... ne justifiait que d'une seule demande conforme aux conditions fixées par la promesse, déposée auprès de la Caisse d'Epargne, la demande déposée auprès de la Société Générale portant sur un montant supérieur au montant contractuellement prévu et la demande déposée auprès du Crédit Agricole n'indiquant pas le montant du financement sollicité ; qu'en considérant qu'aucune faute de l'acquéreur n'était à l'origine de la défaillance de la condition suspensive, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que Mme Y... n'avait pas sollicité de prêts auprès de « divers organismes prêteurs » et qu'elle devait donc être regardée comme ayant empêché l'accomplissement de la condition suspensive, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1178 du code civil ;
3°) ALORS QU'une promesse de vente sous condition suspensive d'obtention d'un prêt, qui prévoit que l'acquéreur devra solliciter des prêts auprès de plusieurs banques, doit être considérée comme ayant subordonné la preuve de l'impossibilité d'obtention du prêt à la production, par l'acquéreur, de plusieurs attestations rejetant des demandes de prêt conformes aux conditions prévues dans la promesse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la condition suspensive prévue à la promesse de vente obligeait Mme Y... à déposer des demandes de prêts auprès de « divers organismes prêteurs » ; que, s'agissant des deux demandes déposées hors délais, la cour d'appel a constaté que seule la demande déposée auprès de la Caisse d'Epargne était conforme aux conditions de la promesse, le montant sollicité dans le cadre de la demande déposée auprès du Crédit Agricole n'étant pas connu ; qu'en déduisant du rejet de la demande formulée auprès de la caisse d'épargne que « si Mme Y... avait formulé, dans les délais impartis c'est-à-dire trois mois plus tôt, des demandes de financement pour 119.000 euros, ces demandes auraient également été refusées », cependant qu'il résultait de la promesse de vente que la preuve de la défaillance de la condition ne pouvait résulter que de plusieurs refus, la cour d'appel a méconnu les modalités de preuve prévues à la promesse et violé l'article 1134 du code civil."