Préemption et logements sociaux (mercredi, 10 août 2016)
Un arrêt sur la préemption en vue de création de logement sociaux.
"La SARL GB INVESTISSEMENT a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 17 juillet 2012 de la directrice générale de l'établissement public foncier des Yvelines (EPFY) lui notifiant la décision du 12 juillet 2012 par laquelle le bureau du conseil d'administration de l'EPFY a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée AB n° 717 située 16-28 rue de l'Yser à Mantes-la-Jolie et la décision du 31 août 2012 par laquelle la directrice générale de l'établissement public foncier des Yvelines (EPFY) a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée AB n° 461 située 18 rue de l'Yser à Mantes-la-Jolie.
Par un jugement n° 1205841 et 1206690 du 3 octobre 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2014, la SARL GB Investissement, représentée par Me Deutsch, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3° de mettre à la charge de l'EPFY la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL GB INVESTISSEMENT soutient que :
- l'illégalité de la délibération du 20 mars 2006 instituant le droit de préemption urbain renforcé de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme en zones urbaines et d'urbanisation future entache d'illégalité les préemptions ; cette délibération est insuffisamment motivée ; la référence à une délibération antérieure du 16 février 1990 ne pallie pas une motivation insuffisante ; la délibération du 16 février 1990 était elle aussi insuffisamment motivée ;
- les décisions de préemption sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et de la loi du 11 juillet 1979 ;
- ces décisions ne sont pas justifiées par un objectif d'intérêt général suffisant.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour l'établissement public foncier des Yvelines (EPFY).
1. Considérant que, par une décision du 12 juillet 2012, l'EPFY a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée AB 717 située 16-28 rue de l'Yser à Mantes-la-Jolie et par une décision du 31 août 2012 le même établissement a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée AB 461 située 18 rue de l'Yser à Mantes-la-Jolie ; que la SARL GB INVESTISSEMENT, acquéreur évincé, relève appel du jugement du 3 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a, après les avoir jointes, rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa version applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...) la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;
3. Considérant, en premier lieu, que les décisions attaquées visent notamment le programme local d'habitat de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines adopté par délibération du 15 décembre 2009 qui s'étend sur la période 2009-2014 et qui prévoit pour Mantes-la-Jolie un objectif de construction de 1 837 logements et une programmation de
325 logements locatifs sociaux sur les 6 ans ; qu'elles mentionnent également la convention d'action foncière pour la réalisation d'un programme d'habitat sur le secteur pré-opérationnel dit de " la rue de l'Yser " signée le 16 avril 2010 par la commune de Mantes-la-Jolie et l'EPFY et son avenant signé le 2 juillet 2012 qui permet une prorogation de cette convention ; que, par ailleurs, elles indiquent que, sur le périmètre de la rue de l'Yser, une étude menée par la commune a permis de confirmer la faisabilité urbaine d'un programme de logements comprenant 20% de logements sociaux et que ce projet contribue à la poursuite de la restructuration du centre ville ; que chacune des décisions précise la consistance du bien préempté, pour l'un en état de ruine et pour l'autre en état dégradé, et indique que ces parcelles se situent dans le périmètre de veille foncière active visé dans la convention précitée et que leur caractère justifie une intervention foncière pour requalifier le secteur ; qu'ainsi les mentions des décisions permettent de déterminer la nature de l'action d'aménagement que la collectivité publique entend mener dans ce secteur et à laquelle doit concourir la préemption litigieuse ; que ces décisions qui ne se bornent pas à renvoyer à une délibération fixant le contenu ou les modalités de mise en oeuvre du programme local de l'habitat sont, dès lors, suffisamment motivées ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en application de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme la commune de Mantes-la-Jolie a institué par délibération du 23 octobre 1987 le droit de préemption urbain applicable aux zones urbaines du plan d'occupation des sols approuvé le 28 février 1980 et modifié le 25 juin 1987 ; qu'aux termes de l'article L. 211-4 du même code dans sa version en vigueur à la date des décisions attaquées : " Ce droit de préemption n'est pas applicable : a) A l'aliénation d'un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel et d'habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d'un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite du partage total ou partiel d'une société d'attribution, soit depuis dix années au moins dans les cas où la mise en copropriété ne résulte pas d'un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au bureau des hypothèques constituant le point de départ de ce délai ; / b) A la cession de parts ou d'actions de sociétés visées aux titres II et III de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 et donnant vocation à l'attribution d'un local d'habitation, d'un local professionnel ou d'un local mixte et des locaux qui lui sont accessoires ; / c) A l'aliénation d'un immeuble bâti, pendant une période de dix ans à compter de son achèvement ; / d) A la cession de la majorité des parts d'une société civile immobilière, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption. Le présent alinéa ne s'applique pas aux sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus. / Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit. " ;
5. Considérant que la SARL GB INVESTISSEMENT soutient que l'illégalité, en raison de leur insuffisante motivation, de la délibération du 16 février 1990 par laquelle le conseil municipal de la commune de Mantes-la-Jolie a institué le droit de préemption urbain renforcé de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme et de la délibération du 20 mars 2006 modifiant cette délibération en actualisant le zonage à celui du plan local d'urbanisme adopté le même jour, entache d'illégalité les décisions de préemption prises par l'EPFY ; que, toutefois, alors que l'EPFY fait valoir que les biens préemptés n'entrent pas dans le champ de l'article L. 211-4 précité, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des déclarations d'intention d'aliéner et des avis du domaine que la parcelle cadastrée AB 461 de 106 m² avec une maison en ruine et la parcelle AB 717 de 580 m² avec une maison R+2 toutes deux mises en vente par M. B...relevaient du droit de préemption urbain renforcé ; que, par suite, la SARL GB INVESTISSEMENT ne peut utilement exciper de l'illégalité des délibérations réglementaires des 16 février 1990 et 20 mars 2006 à l'encontre des décisions de préemption, qui n'ont pas été prises sur le fondement du droit de préemption urbain renforcé ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'exercice par l'EPFY du droit de préemption urbain tend, à la date des décisions attaquées, sur le secteur " Yser " au sein duquel sont situées les parcelles préemptées à la réalisation de 4500 m² de surface hors oeuvre nette de logements dont 20% à caractère social et qu'il n'est pas contesté que cette opération présente le caractère d'une opération d'aménagement entrant dans les objets énumérés par les dispositions précitées de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi, le projet envisagé par l'EPFY, titulaire du droit de préemption, présente un intérêt général suffisant de nature à justifier légalement l'exercice de ce droit, sans qu'y fassent obstacle l'absence alléguée de carence de l'initiative privée pour la construction de logements sur la parcelle et la circonstance que la commune de Mantes-la-Jolie aurait atteint les objectifs de plus de 20 % de logements sociaux ni, en l'espèce, le coût de la préemption ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL GB INVESTISSEMENT n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EPFY, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SARL GB INVESTISSEMENT demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL GB INVESTISSEMENT le versement à l'EPFY d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL GB INVESTISSEMENT est rejetée.
Article 2 : La SARL GB INVESTISSEMENT versera à l'EPFY une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative."