Pompe à chaleur et garantie décennale ? (mercredi, 13 juillet 2016)
La question est souvent discutée devant les juges. La Cour de Cassation juge ici que les juges n'ont pas caractérisé l'existence d'un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du code civil.
"Vu l'article 1792 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 janvier 2015), que M. et Mme X... ont confié à la société Centralair l'installation d'une pompe à chaleur air/ eau ; qu'en raison de bruits anormalement importants, ils ont assigné en résolution de la vente la société Centralair, qui a appelé à l'instance son assureur, la société Axa, et le fabricant, la société Emat ;
Attendu que, pour condamner la société Axa à garantir la société Centralair des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt retient que la pompe à chaleur, installée sur un socle en béton et ayant nécessité des raccordements hydrauliques, constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa à garantir la société Centralair des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 26 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Centralair aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que la société AXA France IARD doit sa garantie à la société Centralair au titre de sa responsabilité décennale et d'AVOIR condamné la société AXA France IARD, sous déduction de la franchise de 1 887, 66 €, in solidum avec la société Emat, celle-ci dans la limite de ladite garantie, à relever et garantir la société Centralair de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des époux X... ;
AUX MOTIFS QUE courant mai 2007, M. et Mme Etienne X... ont commandé à la société Centralair la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur air/ eau Unix P 107 T qui a été installée fin août/ début septembre 2007. Ils ont acquitté la somme totale de 26 804, 24 €, outre l'intervention de la société Electricité régulation services pour la somme de 4 599, 80 € au titre de modifications électriques indispensables au fonctionnement de l'installation. (…) Sur les demandes de la société Centralair à l'encontre de la société Axa : La société Centralair a souscrit auprès de la société Axa un contrat multi-garanties au titre de la responsabilité décennale et au titre de la responsabilité civile pour préjudices causés à autrui. Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. La pompe à chaleur, installée sur un socle en béton et ayant nécessité des raccordements hydrauliques, constitue bien un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. La responsabilité décennale ne peut être mise en oeuvre que lorsque la réception de l'ouvrage est intervenue, sa date faisant partir le délai de garantie. En l'espèce, il convient de relever, sur le fondement de l'article 1792-6 du même code, l'existence d'une réception tacite de la pompe à chaleur par les maîtres de l'ouvrage. Les époux X..., en prenant possession de la pompe à chaleur, en s'acquittant de la totalité du prix et en ne formulant aucune réserve après sa mise en route, ont manifesté sans équivoque leur volonté de recevoir l'ouvrage. Enfin, les désordres acoustiques affectant la pompe à chaleur rendent l'immeuble impropre à sa destination d'habitation paisible. Par voie de conséquence, la garantie de la société Axa est engagée au titre de la responsabilité décennale et il n'y a pas lieu de rechercher si la garantie de l'assureur est due au titre de la garantie responsabilité civile. Par ailleurs, l'article 18. 2 des conditions générales excluant la garantie de la société Axa dans l'hypothèse de la résolution des conventions conclues par l'assuré ne concerne que l'assurance responsabilité civile du chef d'entreprise et non la garantie décennale. Il convient, en outre, d'appliquer à la garantie au titre des dommages immatériels consécutifs la franchise ré-indexée de 1. 887, 66 €. Pour le surplus, la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement dissociables du bâtiment n'étant pas retenue, il n'y a pas lieu d'appliquer la franchise ré-indexée d'un montant de 3. 774, 28 €. Par voie de conséquence, la société Axa sera condamnée in solidum avec la société Emat à relever et garantir la société Centralair de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au bénéfice des époux X..., après déduction de la franchise de 1. 887, 66 €
ALORS DE PREMIERE PART QUE la garantie décennale ne s'applique qu'aux seuls locateurs d'ouvrage et non aux prétendus ouvrages qui ont fait l'objet d'un contrat de vente ; qu'en jugeant que la société AXA France IARD doit sa garantie à la société Centralair au titre de sa responsabilité décennale alors que par le jugement entrepris devenu définitif de ce chef, le tribunal avait ordonné la résolution de la vente de la pompe à chaleur Air/ eau conclue entre les époux X... et la société Centralair de sorte qu'il était établi que l'installation de la pompe à chaleur litigieuse résultait d'un contrat de vente et non d'un contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE l'installation d'une pompe à chaleur sur un socle en béton à l'extérieur d'un bâtiment avec des raccordements hydrauliques ne saurait suffire à caractériser un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en décidant le contraire alors même que la société AXA France IARD faisait valoir que la pompe à chaleur fournie aux époux X... était dissociable du bâtiment et que son installation avait nécessité, selon les propres constatations de la cour d'appel, l'intervention d'une autre société que la société Centralair pour effectuer les modifications électriques indispensables à son fonctionnement, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil par fausse application ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE l'existence d'une réception tacite résulte de la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage ; qu'en considérant en l'espèce qu'une telle volonté provenait de la prise de possession par les époux X... de la pompe à chaleur en s'acquittant de la totalité du prix et en ne formulant aucune réserve après sa mise en route alors que comme l'avaient relevé les premiers juges, la société Centralair avait fait devant eux une demande reconventionnelle en paiement du solde du prix de vente soutenant que les époux X... n'avaient versé que 26 804, 24 € sur les 29 513, 63 € qui constituait le prix de vente, la cour d'appel qui n'a pas tenu compte de cet aveu judiciaire de la société Centralair selon lequel les époux X... lui restaient redevables d'une somme de 2 709, 39 €, a violé les dispositions des articles 1356 et 1792-6 du code civil ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE toute décision judiciaire doit être motivée ; qu'en considérant qu'une réception tacite existait dès lors que les époux X... n'auraient émis aucune réserve après la mise en route de la pompe à chaleur sans préciser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait pour procéder à une telle affirmation alors que cette absence de réserve était contestée, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS DE CINQUIEME PART QUE la réception tacite ne peut résulter que de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir cet ouvrage ; qu'en considérant en l'espèce qu'une telle volonté était établie dès lors en particulier que les époux X... n'auraient émis aucune réserve après la mise en route de la pompe à chaleur litigieuse alors que la société AXA France IARD contestait ce point en faisant valoir que les époux X... s'étaient plaint des nuisances sonores dès la mise en route de la pompe, ce qui était établi par le rapport d'expertise, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;
ALORS DE SIXIEME PART QUE le point de départ de l'action en garantie décennale est fixé à la date de réception des travaux ; que pour juger que la société AXA France IARD devait sa garantie à la société Centralair au titre de sa responsabilité décennale et la condamner à garantir cette dernière de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des époux X..., la cour d'appel a relevé l'existence d'une réception tacite de la pompe à chaleur par les maîtres de l'ouvrage ; qu'en statuant ainsi sans préciser la date à laquelle cette réception tacite serait intervenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil ;
ALORS DE SEPTIEME PART QUE la réception même tacite doit être prononcée contradictoirement ; qu'en relevant en l'espèce l'existence d'une réception tacite de la pompe à chaleur par les maîtres d'ouvrage sans relever aucun fait établissant le caractère contradictoire de cette réception à l'égard de la société AXA France IARD qui garantissait la responsabilité décennale de la société Centralair, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;
ALORS DE HUITIEME PART QUE seuls les désordres qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination sont couverts par la garantie décennale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que les désordres acoustiques affectant la pompe à chaleur rendaient l'immeuble impropre à sa destination d'habitation paisible ; qu'en statuant ainsi alors que l'installation de la pompe à chaleur constituant elle-même selon la cour d'appel un ouvrage, les juges du fond devaient rechercher si les désordres l'affectant l'avaient rendu impropres à sa destination de fournir de la chaleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR jugé que la société AXA France IARD doit sa garantie à la société Centralair au titre de sa responsabilité décennale et d'AVOIR condamné la société AXA France IARD, sous déduction de la franchise de 1 887, 66 €, in solidum avec la société Emat, celle-ci dans la limite de ladite garantie, à relever et garantir la société Centralair de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des époux X... en particulier des condamnations sous astreinte prononcées au profit de ces derniers ;
AUX MOTIFS QUE courant mai 2007, M. et Mme Etienne X... ont commandé à la société Centralair la fourniture et la pose d'une pompe à chaleur air/ eau Unix P 107 T qui a été installée fin août/ début septembre 2007. Ils ont acquitté la somme totale de 26 804, 24 €, outre l'intervention de la société Electricité régulation services pour la somme de 4 599, 80 € au titre de modifications électriques indispensables au fonctionnement de l'installation. (…) Sur les demandes de la société Centralair à l'encontre de la société Axa : La société Centralair a souscrit auprès de la société Axa un contrat multi-garanties au titre de la responsabilité décennale et au titre de la responsabilité civile pour préjudices causés à autrui. Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. La pompe à chaleur, installée sur un socle en béton et ayant nécessité des raccordements hydrauliques, constitue bien un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. La responsabilité décennale ne peut être mise en oeuvre que lorsque la réception de l'ouvrage est intervenue, sa date faisant partir le délai de garantie. En l'espèce, il convient de relever, sur le fondement de l'article 1792-6 du même code, l'existence d'une réception tacite de la pompe à chaleur par les maîtres de l'ouvrage. Les époux X..., en prenant possession de la pompe à chaleur, en s'acquittant de la totalité du prix et en ne formulant aucune réserve après sa mise en route, ont manifesté sans équivoque leur volonté de recevoir l'ouvrage. Enfin, les désordres acoustiques affectant la pompe à chaleur rendent l'immeuble impropre à sa destination d'habitation paisible. Par voie de conséquence, la garantie de la société Axa est engagée au titre de la responsabilité décennale et il n'y a pas lieu de rechercher si la garantie de l'assureur est due au titre de la garantie responsabilité civile. Par ailleurs, l'article 18. 2 des conditions générales excluant la garantie de la société Axa dans l'hypothèse de la résolution des conventions conclues par l'assuré ne concerne que l'assurance responsabilité civile du chef d'entreprise et non la garantie décennale. Il convient, en outre, d'appliquer à la garantie au titre des dommages immatériels consécutifs la franchise ré-indexée de 1. 887, 66 €. Pour le surplus, la garantie de bon fonctionnement des éléments d'équipement dissociables du bâtiment n'étant pas retenue, il n'y a pas lieu d'appliquer la franchise ré-indexée d'un montant de 3. 774, 28 €. Par voie de conséquence, la société Axa sera condamnée in solidum avec la société Emat à relever et garantir la société Centralair de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière au bénéfice des époux X..., après déduction de la franchise de 1. 887, 66 €
ALORS QUE les condamnations sous astreinte ne peuvent relever de la garantie décennale ; qu'en condamnant la société AXA France IARD, sous déduction de la franchise de 1 887, 66 €, in solidum avec la société Emat, celle-ci dans la limite de sa garantie sus-exposée, à relever et garantir la société Centralair de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice des époux X... en particulier des condamnations sous astreinte prononcées au profit de ces derniers, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code et l'article L. 241-1 du code des assurances."