Réception tacite, vraiment ? (samedi, 30 avril 2016)
La réception tacite n'est pas retenue dans le cas objet de cet arrêt, car si le maître d'ouvrage avait payé intégralement l'entreprise, il n'avait jamais cessé de protester contre la réalisation des travaux.
"Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2015), que M. et Mme X… ont confié des travaux d’assainissement à la société Viter, assurée pour sa responsabilité décennale auprès de la société Generali ; que, soutenant que les travaux étaient défaillants, l’eau stagnant autour de leur habitation, M. et Mme X… ont, après expertise, assigné la société Viter et la société Generali en indemnisation de leur préjudice ;
Attendu que M. et Mme X… font grief à l’arrêt de rejeter leur demande formée contre la société Generali, alors, selon le moyen :
1°/ que la réception d’un ouvrage peut être tacite ; que la réception tacite résulte de la manifestation, par le maître de l’ouvrage, de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, avec ou sans réserves ; qu’en retenant, pour considérer que la société Generali, assureur décennal de la société Viter, n’était pas tenue de garantir les désordres litigieux, qu’il n’était pas possible de considérer qu’il existait une réception tacite, compte tenu des contestations de M. et Mme X…, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à exclure une réception tacite du réseau d’assainissement par ces derniers, en violation de l’article 1792-6 du code civil ;
2°/ que la réception d’un ouvrage peut être tacite ; que la réception tacite résulte de la manifestation, par le maître de l’ouvrage, de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, avec ou sans réserves ; qu’en retenant, pour considérer que la société Generali, assureur décennal de la société Viter, n’était pas tenue de garantir les désordres litigieux, qu’il n’était pas possible de considérer qu’il existait une réception tacite, compte tenu des contestations de M. et Mme X…, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la prise de possession de l’ouvrage par ces derniers, ainsi que le paiement intégral du prix des travaux le 4 mars 2002 ne caractérisaient pas la volonté non équivoque de M. et Mme X… de recevoir l’ouvrage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil ;
3°/ que la réception d’un ouvrage peut être tacite ; que la réception tacite résulte de la manifestation, par le maître de l’ouvrage, de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, avec ou sans réserves ; qu’en retenant, pour considérer que la société Generali, assureur décennal de la société Viter, n’était pas tenue de garantir les désordres litigieux, que ceux-ci étaient parfaitement apparents et que M. et Mme X… avaient réglé la facture de la société Viter, ce qui pouvait permettre de considérer qu’il avaient accepté la situation, après avoir expressément relevé que ces derniers avaient toujours protesté contre ces travaux et faits des réclamations, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1792-6 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que M. et Mme X… avaient toujours protesté à l’encontre de la qualité des travaux, la cour d’appel, qui a pu retenir que, malgré le paiement de la facture, leurs contestations excluaient toute réception tacite des travaux, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X… ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X….
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR rejeté les demandes des époux X… tendant à voir juger que la réception tacite des travaux était intervenue le 4 mars 2002, date du paiement intégral des travaux et de prise de possession de l’ouvrage, juger que la société Viter était entièrement responsable des désordres et la déclarer tenue à garantie sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, et D’AVOIR en conséquence rejeté les demandes en paiement de sommes et en garantie formées par les époux X… à l’encontre de la compagnie Generali, assureur de garantie décennale de la société Viter ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les époux X… expliquent eux-mêmes qu’ils ont toujours protesté contre les travaux, faits des réclamations au constructeur et qu’ils n’ont jamais obtenu satisfaction, ce que confirment les courriers très clairs produits aux débats ; qu’aucune réception formelle n’est intervenue ; que ces désordres étaient au surplus parfaitement apparents et que les époux X… ont réglé la facture de la société Viter ce qui pourrait permettre de considérer qu’ils ont accepté la situation ; qu’au contraire, leurs contestations ont duré jusqu’en 2010, date de l’assignation, et ce postérieurement au rapport d’expertise ; qu’il n’est pas possible de considérer qu’il existe une réception tacite, compte tenu des contestations des époux X… ; que dès lors il y a lieu de dire que la Generali, assureur décennal, n’est pas tenue à garantir ces travaux non conformes et de confirmer le jugement entrepris, dont la Cour adopte les moyens parfaitement clairs » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « que sur le fondement principal des articles 1792 et suivants du code civil, subsidiairement de la responsabilité contractuelle de l’article 1147 du code civil, les époux X… sollicitent paiement de sommes au titre de travaux de reprise et en réparation des préjudices consécutifs à des travaux réalisés par la société Viter ; que sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, une responsabilité légale (décennale, ou encore biennale voire de garantie de parfait achèvement) ne peut en tout état de cause être mise en oeuvre en l’absence de toute réception au sens de l’article 1792-6 du code civil ; qu’en effet, la réception est une condition préalable indispensable (et non suffisante) à l’application des dispositions susvisées ; qu’il est constant qu’en l’espèce, au vu du rapport d’expertise, des conclusions et des pièces communiquées, aucune réception expresse des travaux réalisés par la société Viter n’a eu lieu, qu’aucune réception tacide n’est invoquée, aucune réception judiciaire n’est sollicitée ; qu’en conséquence, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions nécessaires à l’application éventuelle de la responsabilité biennale de l’article 1792-3 du code civil ou de la responsabilité décennale de l’article 1792 du même code, le tribunal, qui doit nécessairement faire application des principes fondamentaux en matière de responsabilités légales des constructeurs au sens de l’article 1792 et suivants du code civil, ne peut retenir la mise en oeuvre ni d’une responsabilité biennale ni d’une responsabilité décennale de la société Viter en conséquence de travaux par elle effectués ; que toute demande contraire des parties sur ce point sera en conséquence rejetée comme mal fondée ; (¿) ; qu’il ressort des écritures des demandeurs à l’instance qu’ils recherchent la garantie de l’assureur Generali en sa qualité d’assureur de responsabilité obligatoire (décennale) ; que l’article L. 241-1 du code des assurances est d’ailleurs expressément visé ; que cette garantie décennale ne peut s’appliquer à l’évidence que si la responsabilité décennale elle-même de l’assuré est retenue sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; que Generali ne peut donc être, en tout état de cause, condamnée en sa qualité d’assureur de responsabilité décennale » ;
1°/ ALORS QUE, la réception d’un ouvrage peut être tacite ; que la réception tacite résulte de la manifestation, par le maître de l’ouvrage, de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, avec ou sans réserves ; qu’en retenant, pour considérer que la société Generali, assureur décennal de la société Viter, n’était pas tenue de garantir les désordres litigieux, qu’il n’était pas possible de considérer qu’il existait une réception tacite, compte tenu des contestations des époux X…, la Cour d’appel a statué par des motifs impropres à exclure une réception tacite du réseau d’assainissement par ces derniers, en violation de l’article 1792-6 du code civil ;
2°/ ALORS QUE, la réception d’un ouvrage peut être tacite ; que la réception tacite résulte de la manifestation, par le maître de l’ouvrage, de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, avec ou sans réserves ; qu’en retenant, pour considérer que la société Generali, assureur décennal de la société Viter, n’était pas tenue de garantir les désordres litigieux, qu’il n’était pas possible de considérer qu’il existait une réception tacite, compte tenu des contestations des époux X…, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la prise de possession de l’ouvrage par ces derniers, ainsi que le paiement intégral du prix des travaux le 4 mars 2002 ne caractérisaient pas la volonté non équivoque des époux X… de recevoir l’ouvrage, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil ;
3°/ ALORS QUE, la réception d’un ouvrage peut être tacite ; que la réception tacite résulte de la manifestation, par le maître de l’ouvrage, de sa volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, avec ou sans réserves ; qu’en retenant, pour considérer que la société Generali, assureur décennal de la société Viter, n’était pas tenue de garantir les désordres litigieux, que ceux-ci étaient parfaitement apparents et que les époux X… avaient réglé la facture de la société Viter, ce qui pouvait permettre de considérer qu’il avaient accepté la situation, après avoir expressément relevé que ces derniers avaient toujours protesté contre ces travaux et faits des réclamations, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1792-6 du code civil."