Chevaux et troubles anormaux du voisinage (vendredi, 18 mars 2016)
Cet arrêt juge que le trouble anormal du voisinage né de l'usage d'une grange par des chevaux doit conduire à interdire l'usage de cette grange.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juillet 2014), que M. et Mme X..., propriétaires d'un fonds contigu à celui de M. Y... et de Mme Z... (les consorts Y...-Z...), ont assigné ces derniers en remise en état du mur de leur grange recrépi sans leur accord ; que les consorts Y...-Z... ont demandé reconventionnellement, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, qu'il soit fait interdiction à M. et Mme X...d'utiliser cette grange pour y abriter des chevaux ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que, M. et Mme X...n'ayant pas soulevé devant la cour d'appel le moyen tiré d'une violation de l'article 1341 du code civil et le jugement dont ils demandaient la confirmation n'ayant pas retenu l'existence d'un contrat, le moyen est de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit et, par suite, irrecevable ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que le bâtiment en cause était situé à proximité immédiate de l'habitation des consorts Y...-Z... et d'un puits indivis et qu'aucun aménagement, tendant à la propreté et à la salubrité des lieux, n'avait été réalisé et, par motifs propres, que la preuve des nuisances olfactives était rapportée par les attestations versées aux débats, que M. et Mme X...avaient réaffecté cet immeuble à un usage d'écurie en violation du règlement sanitaire départemental proscrivant, même en zone agricole, toute réaffectation d'un bâtiment à usage d'élevage à moins de 15 mètres d'un immeuble d'habitation et que cette infraction avait donné lieu à une condamnation par le juge de proximité, la cour d'appel en a souverainement déduit l'existence d'un trouble anormal de voisinage et a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. et Mme X...à payer à M. Y... et Mme Z... la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de M. et Mme X...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR débouté Monsieur et Madame X...de leur demande de remise en état du mur séparant leur fonds de celui appartenant à Monsieur Laurent Y... et à Madame Carole Z... ;
AUX MOTIFS QUE « les immeubles appartenant aux parties présentent une façade commune ; qu'à l'occasion de l'exécution des travaux de ravalement de la portion de façade leur appartenant, les consorts Y...-Z... ont aussi fait ravaler la portion de façade des époux X...; que pour débouter les consorts Y...-Z... de leur demande en paiement des travaux exécutés sur la façade X...et les condamner à la remettre en état à leur frais, le jugement retient qu'ils ne rapportent pas la preuve d'un accord des époux X...pour l'exécution des travaux de ravalement réalisés sur la façade de leur immeuble ; mais que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'attestation émanant de l'entrepreneur ayant réalisé les travaux que les consorts Y...-Z... versent aux débats est suffisamment circonstanciée pour établir ce consentement ; que s'il était besoin, l'importance du matériel à mettre en oeuvre (échafaudages) et la durée nécessaire pour l'exécution de ces travaux-4 mois-, l'absence de contestation par les époux X...de la réalité du mauvais état de la portion de façade de leur immeuble ayant fait l'objet de ces travaux, de l'utilité des travaux réalisés et de leur bonne exécution, ajouté au fait que, dans le premier courrier de leur conseil en date du 18 décembre 2009 par lequel ils adressaient différents reproches aux consorts Y...-Z..., l'exécution de ces travaux prétendument sans leur autorisation n'est pas évoquée, permettent à la cour de s'assurer du consentement qu'ils ont donné à leur exécution ; que le jugement déféré est réformé sur ce point, étant relevé qu'à hauteur de cour, les consorts Y...-Z... ne demandent plus la prise en charge par les époux X...du coût de ces travaux » (arrêt, p. 5 § 9 à p. 6 § 2) ;
ALORS QUE la preuve d'un contrat doit être rapportée par écrit lorsque le montant de l'engagement souscrit par le débiteur excède la somme de 1. 500 euros ; qu'en l'espèce, Monsieur Laurent Y... et Madame Carole Z... faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que les travaux de ravalement du mur appartenant à Monsieur et Madame X...avaient été facturés par l'entreprise Couleurs et chaux à hauteur d'une somme de 2. 041, 43 euros ; qu'en se fondant, pour tenir pour établi le consentement de Monsieur et Madame X...à la réalisation de tels travaux, d'une part, sur une attestation émanant de ladite société Couleurs et chaux et, d'autre part, sur l'importance du matériel mis en oeuvre pour l'exécution des travaux, la durée de ces travaux, l'absence de contestation par Monsieur et Madame X...du mauvais état antérieur de leur mur et de l'utilité et de la bonne exécution de ces travaux, et l'absence d'évocation de leur réalisation au titre des griefs énoncés dans le courrier du 18 décembre 2009, la cour d'appel a violé l'article 1341 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR retenu l'existence d'un trouble anormal de voisinage et en conséquence d'AVOIR, d'une part, fait interdiction à Monsieur et Madame X..., dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, d'abriter les chevaux pâturant sur leur fonds dans le bâtiment contigu à la maison d'habitation occupée par Monsieur Laurent Y... et Madame Carole Z..., et d'autre part condamné Monsieur et Madame X...à payer la somme de 6. 000 euros à Monsieur Laurent Y... et à Madame Carole Z... à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice résultant du trouble anormal de voisinage qu'ils ont subi ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les époux X...utilisent un bâtiment leur appartenant, contigu à l'immeuble Y...-Z..., pour y accueillir des chevaux ; que le jugement déféré a retenu qu'était caractérisée l'existence d'un trouble anormal de voisinage excédant les inconvénients prévisibles au regard de la situation géographique des biens immobiliers en cause ; que les époux X...plaident que la preuve d'un trouble anormal de voisinage n'est pas rapportée, le bâtiment en cause étant propre, salubre, ventilé et bien entretenu et le fumier régulièrement enlevé ; qu'ils objectent que cette écurie existait depuis des décennies, que les lieux sont situés en zone agricole et que l'interdiction d'utiliser ce bâtiment comme écurie à chevaux porterait une atteinte grave à leur droit de propriété ; qu'ils se prévalent encore du respect des règles fixées par le règlement sanitaire départemental en la matière et relèvent enfin que cette écurie était connue des consorts Y...-Z... qui ont acheté leur immeuble après eux ; mais que la preuve des nuisances olfactives, au-delà du fait qu'elles relèvent de l'évidence pour quiconque a approché d'une écurie, même parfaitement entretenue, est rapportée par les attestations communiquées aux débats par les consorts Y...-Z... ; que par ailleurs, il résulte des propres pièces des époux X..., notamment de l'attestation de Madame B...que lorsqu'ils ont acheté cet immeuble, le local litigieux n'était plus à usage d'écurie, mais avait dû être, soit une écurie, soit une étable puisqu'il comportait un râtelier pour l'alimentation animale ; qu'il s'en déduit qu'ils ont réaffecté ce bâtiment à usage d'écurie, en violation des dispositions du règlement sanitaire départemental qui proscrivent toute réaffectation de bâtiment à usage d'élevage à moins de 15 mètres d'un immeuble habité par des tiers, sans qu'il y ait lieu à dérogation pour la catégorie des élevages familiaux dont les époux X...prétendent qu'elle serait celle caractérisant leur élevage ou du fait que les lieux seraient situés en zone agricole ; que si besoin était, la décision rendue par le juge de proximité, le 26 janvier 2012, à l'encontre de Madame X...qui l'a reconnue coupable de la contravention de non-respect du règlement sanitaire départemental, nuisances provoquées par la présence d'équidés à une distance non réglementaire des habitations à la suite de la plainte de Monsieur Y..., décision dont il n'est pas prétendu qu'elle ne serait pas définitive pour avoir fait l'objet d'un recours actuellement pendant, confirme que la présence de ces chevaux n'est pas régulière ; que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a fait interdiction aux époux X...d'utiliser le bâtiment litigieux comme écurie et d'y abriter les chevaux élevés sur le fonds mais réformé en ce que cette interdiction est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision ; que le préjudice causé aux consorts Y...-Z... par ces troubles anormaux de voisinage sera plus justement évalué à la somme qu'ils réclament soit 6 000 euros » (arrêt, p. 7 § 9 à p. 8 § 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; qu'il convient à cet égard de rappeler que le respect éventuel des dispositions légales et réglementaires ne serait pas de nature, le cas échéant, à exclure de ce seul fait l'existence de troubles anormaux du voisinage provenant d'un fonds voisin ; que les démarches qui auraient été entreprises par Monsieur Bruno X...et Madame Myriam E...épouse X...afin d'obtenir l'autorisation administrative de réaménager le bâtiment à usage de grange qu'ils possèdent en une écurie susceptible d'accueillir un ou plusieurs chevaux dans le cadre d'une activité d'élevage familiale, constituent ainsi un moyen inopérant pour apprécier l'existence éventuelle du trouble de voisinage allégué ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que, postérieurement à l'acquisition de leur fonds début 2005, Monsieur Bruno X...et Madame Myriam E...épouse X...ont laissé pâturer sur leur fonds un, puis deux équidés ; que ces derniers sont également abrités dans un bâtiment précédemment à usage de grange ; qu'il convient de relever que le bâtiment en cause est immédiatement contigu au fonds détenu par Monsieur Laurent Y... et Madame Carole Z..., et à proximité immédiate de leur bâtiment d'habitation et du puits détenu en indivision ; que les photographies produites aux débats, dont rien ne démontre qu'elles auraient été prises illégalement, comme les écritures de Monsieur Bruno X...et Madame Myriam E...épouse X..., permettent de constater qu'aucun aménagement de ce bâtiment visant à la propreté et à la salubrité des lieux n'a été effectué ; que ces constatations permettent de caractériser l'existence d'un trouble de voisinage qui excède les inconvénients prévisibles au regard de la situation géographique des biens immobiliers en cause ; qu'il conviendra par conséquent de faire interdiction à Monsieur Bruno X...et Madame Myriam E...épouse X...d'utiliser le bâtiment en cause comme écurie et d'y abriter les chevaux élevés sur leur fonds » (jugement, p. 6 § 5 à p. 6 in fine) ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE la responsabilité pour trouble anormal de voisinage n'est engagée que si le trouble excède les inconvénients normaux de voisinage ; qu'en se bornant à énoncer, pour accueillir la demande présentée sur ce fondement par Monsieur Laurent Y...et Madame Carole Z..., à raison de prétendues nuisances olfactives émanant de la grange de Monsieur et Madame X...affectée à l'usage d'écurie, que la preuve de telles nuisances, au-delà du fait qu'elles relèvent de l'évidence pour quiconque a approché d'une écurie, même parfaitement entretenue, était rapportée par les attestations communiquées aux débats, sans rechercher, comme si elle y était invitée, si elles présentaient un caractère anormal compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment, de la localisation des propriétés respectives des parties en zone agricole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE l'existence d'un trouble anormal de voisinage ne peut se déduire de la seule infraction à une disposition administrative ; qu'en déduisant le bien-fondé de la demande présentée sur ce fondement par Monsieur Laurent Y...et Madame Carole Z..., de la seule violation du règlement sanitaire départemental et par une décision du juge de proximité du 26 janvier 2012, sans rechercher si une telle violation était constitutive d'un trouble anormal de voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la responsabilité pour trouble anormal de voisinage n'est engagée que si le trouble excède les inconvénients normaux de voisinage ; qu'en se bornant à relever, pour accueillir la demande présentée sur ce fondement par Monsieur Laurent Y...et Madame Carole Z..., l'absence d'aménagement visant à la propreté et à la salubrité de la grange de Monsieur et Madame X..., affectée à l'usage d'écurie, dont elle relevait qu'elle était contigüe à leur fonds et était située à proximité immédiate de leur bâtiment d'habitation et du puits détenu en indivision, la cour d'appel a statué par un motif impropre à établir l'existence d'un trouble anormal de voisinage et a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage."