Quel délai pour agir en démolition d'un ouvrage édifié sur une partie commune ? (mardi, 05 janvier 2016)
Selon cette décision, le délai pour agir en démolition d'un ouvrage édifié sur une partie commune de la copropriété est de 30 ans.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 3 mars 2014), que les lots de copropriété 25, 26 et 51 ont successivement été vendus, par acte du 28 septembre 1990 à la société Imporex 41 puis par acte du 2 juin 1995 à M. X..., gérant de la société Imporex 41 ; que le syndicat coopératif des copropriétaires du 22, 22 bis, 24, 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny (le syndicat) a assigné M. X... en démolition du bâtiment construit sur la cour sur laquelle le lot 51 conférait un droit de jouissance exclusive ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts ; que la société Imporex est intervenue volontairement à l'instance ; que M. X... a soulevé la prescription de l'action du syndicat, assigné en garantie la société Agestim Lepouse, la caisse de garantie FNAIM et la société civile professionnelle Auger Brunel Hallier et appelé en cause la société CGI assurances, la société Aig Europe et la société Assurances générales de France en leur qualité de garants de la société Agestim Lepouse ; que les instances ont été jointes ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la demande en réparation résultait de la construction, en 1992, d'un immeuble sur une partie commune et constaté que l'instance avait été introduite en 2007 et que le syndicat avait formé sa demande en 2013, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la demande était soumise à la prescription des actions en responsabilité délictuelle de dix ans commençant à courir à compter de la manifestation du dommage et en a exactement déduit que la demande était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action du syndicat, l'arrêt relève que l'immeuble a été édifié en 1992 et que l'assignation a été délivrée le 8 novembre 2013 et retient que la demande de démolition d'une construction édifiée contrairement au règlement de copropriété est une action personnelle qui, en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, se prescrit par dix ans ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de démolition d'une construction édifiée sur une partie commune, fut-elle réservée à la jouissance exclusive d'un copropriétaire, est une action réelle qui se prescrit par trente ans, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande de démolition, l'arrêt rendu le 3 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. X... et la société Immo de France Centre Loire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la société Immo de France Centre Loire à payer au syndicat des copropriétaires du 22, 22 bis, 24 et 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny, la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour syndicat coopératif des copropriétaires du 22, 22 bis, 24 et 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté, comme irrecevable pour être prescrite, la demande du syndicat coopératif des copropriétaires visant à ce que la construction édifiée par Monsieur X... sur un espace donnant simplement lieu à jouissance privative fût démolie, ensemble les demandes indemnitaires formulées à l'encontre de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QU' « en application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans ; que la demande en démolition d'une construction édifiée contrairement au règlement de copropriété constitue une action personnelle ; qu'en l'espèce, il est constant que Monsieur Antonio X... a fait construire en 1992 l'immeuble litigieux ; que le syndicat coopératif des copropriétaires du 22, 22 bis, 24 et 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny fait valoir qu'il n'a su qu'en 2006, par le notaire à qui Monsieur Antonio X... a confié la revente de cet immeuble, que celui-ci était construit sur une partie commune ; que ce moyen de défense ne saurait être retenu dans la mesure ou le règlement de copropriété précise le régime juridique du mot n°51 et que le syndicat des copropriétaires ne saurait prétendre l'ignorer, sans méconnaitre son obligation de faire respecter le règlement de copropriété depuis son origine ; que dès lors le syndicat coopératif des copropriétaires du 22, 22 bis, 24 et 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny forme sa demande en démolition par conclusions du 8 novembre 2013, sa demande est prescite » ;
ALORS QUE, si le titulaire d'un lot conférant un droit de jouissance exclusive dispose des prérogatives attachées à la jouissance exclusive, les autres prérogatives, susceptibles d'être exercées sur cet espace, relèvent des parties communes et sont dévolues à la copropriété ; que dans l'hypothèse où le titulaire du lot conférant la jouissance exclusive entreprend d'édifier une construction, quand le droit de construire appartient à la copropriété, l'action en démolition est une action réelle relevant de la prescription trentenaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ensemble l'article 2262 ancien (ou 2227 nouveau) du code civil).
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt encore la censure ;
EN CE QU'il a rejeté les demandes indemnitaires formées par la copropriété à l'encontre de Monsieur X... du chef des préjudices subis à raison de la présence d'une construction illicite et des conséquences de cette construction ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de la construction sur une partie commune, cette demande en réparation trouve son origine en 1992, lors de l'édification de l'immeuble ; qu'Allianz Iard et SAS IMMO DE France CENTRE LOIRE soulevant le moyen de la prescription des demandes du syndicat coopératif des copropriétaires du 22, 22 bis, 24 et 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny, sa demande en réparation est, en application de l'article 26-III de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription de l'article 2270-1 ancien du code civil, ce délai commençant à courir à compter de la manifestation du dommage, en l'occurrence, le début de la construction ; que l'instance dont il est fait appel aujourd'hui, ayant été introduite en 2007 et le syndicat coopératif des copropriétaires du 22, 22 bis, 24 et 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny n'ayant formé sa demande qu'en 2013, il est prescrit à demander réparation à Monsieur Antonio X... du chef de la construction d'un ouvrage sur les parties communes » ;
ALORS QUE premièrement, le préjudice découlant de l'empiétement, à raison de la construction illicite, est un dommage continu subsistant tant que la construction illicite demeure ; que si, du jour où l'action visant à faire constater et cesser l'empiétement disparaît par suite de la prescription, le fait illicite du constructeur ne peut plus être invoqué, il peut en revanche l'être tant que l'action visant à faire constater l'illicéité de la construction ne tombe pas sous le coup de la prescription ; qu'ainsi, tant que l'action visant à faire constater l'illicéité de la construction n'est pas prescrite, la copropriété est en droit de demander réparation de son préjudice, au moins pour les dix années qui précèdent le jour où elle formule sa demande en réparation ; qu'en décidant le contraire, pour écarter tout droit à réparation de la copropriété, fût-ce pour les dix années ayant précédé la demande, les juges du fond ont violé les articles 1382 du code civil et 2270-1 ancien du code civil, ensemble l'article 26-III de la loi n°2008 ¿ 561 du 17 juin 2008 et l'article 2224 nouveau du code civil ;
ET ALORS QUE deuxièmement, force est de constater que, comme il a été montré à propos du premier moyen, l'action visant à faire constater l'empiètement illicite et à le faire sanctionner par une démolition était soumise à prescription trentenaire ; par suite la copropriété était en droit de faire constater l'illicéité du comportement de Monsieur X... pour obtenir réparation , à tout le moins, pour les dix ans ayant précédé la formulation de la demande ; que de ce point de vue, l'arrêt doit être censuré pour violation des articles 1382 du code civil et 2270-1 ancien du code civil, ensemble l'article 26-III de la loi n°2008 ¿ 561 du 17 juin 2008 ensemble l'article 2224 nouveau du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt encore la censure ;
EN CE QU'il a rejeté les demandes en réparation visant les préjudices distincts de l'illicéité de la construction ;
AUX MOTIFS QUE « à l'exception de la construction d'un édifice sur les parties communes, les autres faits invoqués par le syndicat coopératif des copropriétaires du 22, 22 bis, 24 et 24 bis rue du Maréchal de Lattre de Tassigny ne relèvent pas de cette instance » ;
ALORS QUE premièrement, dès lors qu'une demande est formée dans le cadre des conclusions déposées au cours de l'instance d'appel, cette demande appartient à l'instance et le juge a l'obligation de statuer sur son bien fondé ; qu'en décidant le contraire les juges du fond ont violé les articles 4, 12 et 954 du code de procédure civile ;
ET ALORS QUE deuxièmement, et en tout cas, faute d'avoir identifié les raisons leur permettant de considérer comme irrecevables les demandes en réparation bien que formulées dans le cadre des conclusions dont ils étaient régulièrement saisis, les juges du fond ont à tout le moins violé l'article 455 du code de procédure civile."