Le salarié de l'agence immobilière peut-il acheter le bien en vente ? (dimanche, 03 janvier 2016)
Le salarié de l'agence immobilière peut acheter un bien mis en vente par l'agence selon cet arrêt.
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 septembre 2013), que Mme X... a vendu un bien immobilier à M. Y..., salarié de la société Immobilière de Roseland, agence immobilière qui avait reçu mandat de vendre de Mme X... et était l'intermédiaire de cette vente ; que Mme X... a fait assigner M. Y... et la société Immobilière de Roseland en réparation du préjudice subi du fait de la vente à un prix lésionnaire ;
Attendu que, pour condamner M. Y... à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts à Mme X..., l'arrêt retient qu'en tant que salarié du mandataire, il était habilité à le représenter et qu'il était visé par l'interdiction mentionnée à l'article 1596 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que M. Y... avait acquis le bien pour lui-même à titre personnel et qu'elle avait relevé que celui-ci, salarié de l'agence immobilière, n'avait pas été chargé de traiter la vente du bien de Mme X..., ce dont il résultait qu'il n'avait pas la qualité de mandataire du vendeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. Y... mandataire au sens de l'article 1596 du code civil, constate que la vente à M. Y... est entachée de nullité relative et le condamne à payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts à Mme X..., l'arrêt rendu le 19 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. Y... mandataire au sens de l'article 1596 du code civil et constaté que la vente à M. Y... était entachée de nullité relative, d'avoir jugé M. Y... responsable du préjudice consécutif subi par Mme X... et de l'avoir condamné à lui payer la somme de 18.000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' en application de l'article 1596 du code civil, ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées les mandataires des biens qu'ils sont chargés de vendre ; que cette disposition édicte une interdiction pour l'agent immobilier, titulaire d'un mandat du vendeur, d'acquérir le bien pour lequel le vendeur lui a donné mandat, quel que soit le prix de vente, même si la vente se fait au prix du mandat ; que le mandataire, qui doit défendre les intérêts de son mandant, ne peut agir dans un intérêt personnel qui serait contraire à celui du mandant ; que M. Y... était, il le reconnaît, salarié de la société Immobilière de Roseland ; qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas été, au sein de l'agence, le salarié chargé de traiter la vente de Mme X..., mais il était, en tant que salarié du mandataire, habilité à représenter le mandataire ; qu'en tant que représentant du mandataire, M. Y... était visé par l'interdiction mentionnée à l'article 1596 du code civil ; que Mme X... n'a pas demandé l'annulation de la vente, se contentant d'une demande de dommages et intérêts pour violation de cette interdiction de l'article 1596 du code civil ; qu'une promesse synallagmatique de vente sous seing privé a été établie et signée le 17 septembre 2008, sous l'égide de la société Immobilière de Roseland, avec M. Y... pour un prix de 72.000 ¿ ; que la promesse synallagmatique de vente précise que la commission d'agence est versée par la venderesse, selon les termes du mandat ; que cette situation de salarié du mandataire a permis à M. Y... d'acquérir le bien immobilier en dessous de son prix ; que le préjudice en résultant pour Mme X..., s'agissant d'un bien dont la valeur minimale se situe aux alentours de 90.000 ¿, sera évalué à 18.000 ¿ ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur l'application de l'article 1596 du code civil, le mandataire ne peut se rendre adjudicataire des biens qu'il est chargé de vendre ; que Mme X... fait valoir que M. Y..., acquéreur de son bien, était employé de l'agence immobilière à laquelle elle avait confié cette vente ; qu'il importe peu que M. Y... prétende n'avoir été qu'employé au titre de VRP par l'agence immobilière de Roseland alors qu'aux termes du contrat, Mme X... mandate l'agence immobilière Roseland pour rechercher un acquéreur ; qu'il importe peu que M. Y... n'ait pas la qualité d'agent immobilier, cette condition n'étant nullement requise par la loi ; que les dispositions légales sont dont parfaitement applicables et il sera constaté que l'acte de vente dont M. Y... est le bénéficiaire est entaché de nullité ; que M. Y... a acquis l'appartement de Mme Lemarechal au prix de 72.000 ¿, net vendeur, suivant l'acte authentique passé le 9 décembre 2008 réitérant la vente du 17 septembre 2008 ; qu'il est convenu au mandat que le prix net vendeur sera de 110.000 ¿ ; qu'en outre, l'affirmation de M. Y..., ayant pour sa part donné mandat à l'agence qui l'employait, d'une recherche d'achat inférieure à 80.000 ¿, qu'il n'aurait eu connaissance du bien litigieux que le 13 septembre et pour un prix fixé par Mme X... à hauteur de 83 000 ¿ conforte sa parfaite mauvaise foi puisque désigné interlocuteur de la venderesse dès le courrier du 12 juin, il ne pouvait ignorer l'estimation entre les parties de 150.000 ¿ ; que M. Y... l'ignorait d'autant moins que le courrier du 12 juin dans lequel il est mentionné comme interlocuteur de Mme X... fait également état de l'estimation de 150.000 ¿ ; que la diminution du prix net vendeur de 150.000 ¿ au mandat d'origine à 110.000 ¿ à l'avenant du 27 juillet 2008, soit 40.000 ¿ en moins, puis à 72.000 ¿ le 17 septembre, soit 38.000 ¿ encore en moins, montre entre le 12 juin et le 17 septembre une réduction de plus de 50 % du montant devant revenir à Mme X... en l'espace de trois mois ; que les défendeurs sont mal venus à alléguer un effondrement du marché ; qu'il n'est nullement justifié des raisons amenant à réduire de moitié le prix devant revenir à Mme X... en seulement 3 mois, ni même à le diminuer de 34 % en quelques semaines ; que tous les mandats de vente produits en défense et concernant les agents immobiliers préalablement saisis par la venderesse sont au prix de 133.000 ¿, dont 8.000 ¿ de rémunération, avec Sud Contact le 23 juin 2008, de 125.000 ¿ net vendeur avec Nissimo le 28 juin, de 125.000 ¿ avec Orpi le 2 juillet ; qu'en outre, le mandat conclu pour 110.000 ¿ le 29 juillet 2008 a donné lieu à un compromis de vente avec Mlle Z... transmis par l'agence immobilière le 6 août au prix de 111.000 ¿ en page sur 8 avec une provision pour frais d'acte de 9.541 ¿, soit un total de 120.541 ¿ pour l'acquéreur et donc un prix net vendeur devant s'établir, suivant l'ensemble des mandats antérieurs, où la rémunération est de 8.000 ¿, à 103.000 ¿ ; que rien ne prouve que cet acquéreur aurait changé d'avis car le prix lui serait soudain apparu exagéré suivant la thèse de la défense ; que la copie de l'accord daté du 4 août portant la signature de la venderesse produite par M. Y... mentionne la diminution du prix vendeur à 101.000 ¿ ; que le 17 septembre, ce montant va descendre jusqu'à 72.000 et sans qu'aucun élément, en dehors des travaux d'un coût prétendu de 10.000 ¿ parfaitement identifiables depuis de nombreux mois par l'agence ou par M. Y..., son employé, n'en donne la raison ; que la réduction du prix devant revenir au vendeur de plus de la moitié en l'espace de 3 mois ou encore de plus de 30 % en 5 semaines ne trouvant pas de raison majeure en dehors du profit de M. Y... est cause du préjudice de la demanderesse ; que sur l'état de santé affaibli de Mme X..., il n'est pas contesté que l'agence immobilière a dû faire appel au Samu car la venderesse s'est trouvée mal au moment du contrat ; qu'elle produit à l'appui une ordonnance du 13 septembre 2008 pour IRM du sein après avoir fait effectuer un dosage de sa créatine en laboratoire et un certain nombre de documents médicaux émanant de l'hôpital St Roch et de l'hôpital Ste Marie à Nice, qui montrent que des soins pour une pathologie lourde ont dû être prodigués à la demanderesse et qu'elle a subi une hospitalisation à l'époque de la vente ; qu'il est avéré que Mme X... a souffert d'une maladie grave la menaçant dans sa personnalité ayant, en outre, provoqué une phase dépressive ; que la venderesse qui, elle, n'est pas professionnelle de l'immobilier et qui se trouvait affaiblie, physiquement et psychiquement, au point de devoir subir une hospitalisation dans les semaines suivantes, a subi l'influence de son mandataire, notamment pour s'être laissée convaincre de vendre à M. Y... la moitié du prix dont elle en voulait 3 mois plus tôt, ou encore 30 % moins cher que le prix convenu 1 mois avant ; qu'en conséquence, la responsabilité tant de l'employé de l'agence que de l'agence est engagée pour un montant qui ne saurait être inférieur à 35.000 € ; qu'il sera donc fait droit à la demande à l'encontre de M. Y... pour ce montant ;
1°) ALORS QUE ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par euxmêmes, ni par personnes interposées, les mandataires des biens qu'ils sont chargés de vendre ; qu'une société à responsabilité limitée est représentée par son gérant ; qu'en affirmant que si M. Y... n'a pas été le salarié chargé de traiter la vente de Mme X..., il était, en tant que salarié de la société Immobilière de Roseland, représentant du mandataire et ne pouvait donc acquérir le bien, sans caractériser le pouvoir que ce salarié aurait eu de représenter la société mandataire, ni une interposition de personnes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1596 et 1382 du code civil ;
2°) ALORS QUE la différence entre la valeur vénale d'un bien et son prix de vente moindre que celle-ci ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande fondée sur la lésion, dont les conditions n'étaient pas remplies, ne pouvait, à supposer même que M. Y... fût mandataire de Mme X..., le condamner à payer la somme de 18.000 € à titre de dommages et intérêts consistant en la différence entre la valeur vénale de 90.000 ¿ et le prix de vente de 72.000 € ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1596 et 1382 du code civil."