L'architecte ne travaille pas gratuitement ! (dimanche, 19 juillet 2015)

Autrement dit sa prestation n'est pas présumée être réalisée à titre gracieux, et son client doit prouver le contraire s'il le soutient :

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2013), que la société X... architecte, soutenant que la société Layher lui avait confié la maîtrise d'oeuvre d'un projet de construction de son nouveau siège social, l'a assignée en paiement d'honoraires ;

 

Sur le premier moyen : 

 

Attendu que la société Layher fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société X... architecte la somme de 93 434 euros, alors, selon le moyen : 

 

1°/ que la société Layher versait aux débats un courriel du 21 août 2009 dont les destinataires en « copie cachée » étaient, notamment, M. Y... de l'entreprise Ga, M. X..., M. Z... de la société Gefec et M. A... du groupe Salini ; qu'en énonçant néanmoins, pour infirmer le jugement déféré, qu'il n'apparaissait pas que ce mail ait été adressé à d'autres entreprises et qu'il ne comprend pour destinataire que M. X..., la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé l'article 1134 du code civil ;

 

2°/ que la société Layher versait aux débats un courriel envoyé le 24 septembre 2009 par M. Y... de l'entreprise Ga à M. B..., président de la société Layher, aux termes duquel il était indiqué que « l'étude de faisabilité de votre projet à Férrières-en-Brie est réalisée par le groupement Ga-Arte Charpentier à titre gracieux » ; qu'en énonçant néanmoins, pour infirmer le jugement déféré, que la société Layher ne fournissait aucun élément sur la façon dont les choses s'étaient soldées avec les autres architectes, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé l'article 1134 du code civil ;

 

3°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Layher avait exposé qu'elle n'était liée contractuellement avec aucune des autres entreprises qui avaient, pourtant, toutes « présenté des projets à titre gracieux, tout aussi précis que celui de M. X... » ; 

 

Mais attendu qu'ayant constaté que le courriel du 21 août 2009 ne comprenait pour destinataire que M. X... et qu'il n'apparaissait pas qu'il s'agissait d'un courriel général, adressé à d'autres entreprises et relevé que l'affirmation selon laquelle la société Layher se serait engagée avec d'autres architectes ne démontrait pas qu'elle ne s'était pas engagée avec M. X... et que le maître de l'ouvrage ne fournissait aucun élément sur la façon dont les choses s'étaient soldées avec les autres architectes évincés, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, que la société Layher avait donné une mission à M. X..., architecte et qu'elle devait prouver que cette mission était effectuée à titre gracieux pour refuser de lui payer des honoraires

 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

 

Et attendu qu'il n'ya pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

 

PAR CES MOTIFS :

 

REJETTE le pourvoi ;

 

Condamne la société Layher aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Layher à payer à la société X... architecte, la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Layher ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

 

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Layher.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION 

 

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait débouté la société X... ARCHITECTE de toutes ses demandes et d'avoir condamné l'exposante à lui payer la somme de 93.434 euros HT.

 

AUX MOTIFS QUE la société X... fait valoir qu'elle a été le maître d'oeuvre des trois dernier sièges sociaux de l'intimé ; que c'est naturellement dans cette logique qu'elle a été choisie pour effectuer le nouveau siège social ; que Monsieur X... explique qu'il a été sollicité par la société LAYHER ; qu'il fournit divers mails et échanges de cette période, et fait état de diverses réunions tenues pour ce projet ; qu'il fait valoir notamment qu'il n'a pu connaître le projet d'agrandissement que parce que la société LAYHER l'a sollicité ; que, pour répondre à cet argument précis, la société LAYHER se contente d'indiquer dans son courrier du 25 septembre 2009 que Monsieur X... a eu connaissance du projet « par une source indéterminée », sans autre précision ; que cette explication vague est insuffisante ; que, dans le même courrier, la société LAYHER indique « Architecte ayant réalisé les deux premiers sièges LAYHER, nous avons naturellement accepté de vous laisser nous proposer une étude de faisabilité que nous n'avons jamais réclamée, ni même commandée » ; « ¿ devant votre insistance, et par politesse, nous avons accepté d'examiner le projet que vous entendiez nous soumettre » ; que les termes de ce courrier sont en totale opposition avec le contenu des échanges ayant eu lieu entre eux ; que, par exemple, par un mail du 21 août 2009, Monsieur B..., président de la société LAYHER, a adressé le courrier suivant :

« Voici les dernières caractéristiques de notre projet.

Nous souhaitons que vous adaptiez votre proposition suivant celle-ci et nous la faire parvenir avant le 27/8 prochain.

Conscient que ce délai est court, vous connaissez nos impératifs de planning et nous vous remercions de votre compréhension.

Meilleurs salutations » ;

Qu'il est donc impossible de retenir qu'aucune réclamation ni commande n'a été faite et que c'est Monsieur X... qui a de lui-même et d'initiative proposé un projet ; que Monsieur X... explique que c'est Monsieur B... qui s'est rapproché de lui courant juillet 2009 directement ; que cinq réunions préparatoires ont eu lieu courant juillet et août, et des visites sur site, afin de mettre au point le projet courant juillet ; que la société LAYHER ne conteste pas la réalité de ces réunions, d'ailleurs confirmées par diverses attestations émanant, il est vrai, de salariés de Monsieur X..., mais cependant toutes concordantes ; que le 4 septembre a été remis par Monsieur X... lors d'une réunion le « projet-esquisse » outre un CD ; qu'un courrier du 7 septembre indiquait : « aussi, avec les documents remis le 4 septembre comprenant les plans de façades, perspectives et le chiffrage du 28 août 2009, vous disposez d'une vue globale de notre avant-projet » ; que tous ces travaux et documents supposent nécessairement qu'un accord ait eu lieu entre le projet souhaité et les travaux architecturaux réalisés ; qu'il convient de relever qu'il n'est pas nécessaire que la convention-type soit signée pour que soit reconnue l'existence d'un accord de volonté, cette preuve pouvant se faire par tous moyens ; qu'il est peu vraisemblable que l'architecte est organisé son travail en conservant et payant son personnel au travail en plein mois d'août à perte pour réaliser un projet coûteux en l'absence de tout accord de la société LAYHER sur une mission, et dans l'incertitude d'un paiement ; que les explications de la société LAYHER concernant un litige sur un chantier ancien qui se serait soldé par une condamnation de l'architecte à payer 5.548 ¿ à une entreprise sont sans portée, compte tenu de la modicité du litige d'une part, et d'autre part du fait que si cette condamnation avait entraîné une défiance, l'intimée n'aurait pas laissé intervenir Monsieur X... ni organisé des réunions avec lui ; qu'il en va de même des arguments concernant le fait que c'était une SCI et non la société LAYHER qui avait jadis passé les marchés pour les projets antérieurs, dès lors qu'il s'agissait bien de la construction ou de l'agrandissement de la société LAYER ; qu'il n'apparaît pas que le mail rappelé ci-dessus ait été adressé à d'autres entreprises et qu'il s'agissait d'un courrier général, comme l'explique la société intimée ; que la Cour constate qu'il ne comprend pour destinataire que Monsieur X... ; que la société LAYHER affirme que le fait qu'elle s'était engagée avec d'autres architectes démontre qu'elle ne s'était pas engagée avec Monsieur X... ; que, cependant, cet argument manque de pertinence puisqu'elle fait valoir qu'elle n'a pas craint de faire travailler d'autres architectes, qu'il faut supposer missionnés selon son raisonnement, et de faire en même temps travailler Monsieur X..., ce qui ôte toute force à ce moyen ; qu'elle ne fournit d'autre part aucun élément sur la façon dont les choses se sont soldées avec les autres architectes ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris ;

 

ALORS, D'UNE PART, QUE la société LAYHER versait aux débats un courriel du 21 août 2009 dont les destinataires en « copie cachée » étaient, notamment, Monsieur Y... de l'entreprise GA, Monsieur X..., Monsieur Z... de la société GEFEC et Monsieur A... du groupe SALINI (pièce n° 1) ; qu'en énonçant néanmoins, pour infirmer le jugement déféré, qu'il n'apparaissait pas que ce mail ait été adressé à d'autres entreprises et qu'il ne comprend pour destinataire que Monsieur X..., la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé l'article 1134 du Code civil ;

 

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la société LAYHER versait aux débats un courriel envoyé le 24 septembre 2009 par Monsieur Y... de l'entreprise GA à Monsieur B..., président de la société LAYHER, aux termes duquel il était indiqué que « l'étude de faisabilité de votre projet à FERRIERES en BRIE est réalisée par le groupement GA-ARTE CHARPENTIER à titre gracieux » (pièce n° 14) ; qu'en énonçant néanmoins, pour infirmer le jugement déféré, que la société LAYHER ne fournissait aucun élément sur la façon dont les choses s'étaient soldées avec les autres architectes, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce régulièrement versée aux débats et a, dès lors, violé l'article 1134 du Code civil ;

 

ALORS, ENFIN, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 5), la société LAYHER avait exposé qu'elle n'était liée contractuellement avec aucune des autres entreprises qui avaient, pourtant, toutes « présenté des projets à titre gracieux, tout aussi précis que celui de Monsieur X... » ; qu'en énonçant néanmoins, pour infirmer le jugement déféré, que l'argument de la société MAYER par lequel elle « affirme que le fait qu'elle s'était engagée avec d'autres architectes démontre qu'elle ne s'était pas engagée avec Monsieur X... » manque de pertinence, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante, en violation des dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION 

 

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société LAYHER à payer à Monsieur X... la somme de 93.434,00 ¿ HT, qui sera majorée du taux de la TVA applicable et des intérêts calculés au taux légal à compter du 22 septembre 2009, avec application de l'article 1154 du Code civil ;

 

AUX MOTIFS QUE, sur l'indemnité de résiliation, il convient de relever que Monsieur X... ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de son préjudice résultant de la rupture elle-même ; que, dans cette situation, et en l'absence de contrat et donc de clause prévoyant une indemnité conventionnelle, il sera débouté de sa demande ; qu'il ne peut être fait appel aux contrats antérieurs pour fixer l'indemnité due sur ce chantier ; que les honoraires, dont le montant n'est pas contesté même subsidiairement par l'intimé, s'élèvent à 93.434 ¿ HT et que la condamnation sera en conséquence limitée à ce montant, outre les intérêts capitalisés ;

 

ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 7), la société LAYER avait contesté, à titre infiniment subsidiaire, le montant des honoraires réclamés par Monsieur X... en faisant, notamment, valoir que ce montant ne correspondait pas à l'état d'avancement du projet ; qu'en énonçant néanmoins que le montant des honoraires n'était pas contesté même subsidiairement par l'exposante, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a, dès lors, violé l'article 4 du Code de procédure civile."