Garantie de bon fonctionnement et gouttières (mercredi, 22 octobre 2014)
La garantie biennale de bon fonctionnement s'applique à des gouttières :
"Attendu, d'une part, qu'ayant relevé qu'il résultait des devis fournis par la société Estuaire de la Seine au titre des travaux destinés à remédier aux désordres, que ces travaux consistaient en une dépose des gouttières puis leur remplacement par d'autres gouttières et crochets et qu'il n'en résultait aucune atteinte à la structure des immeubles, la cour d'appel en a déduit qu'était ainsi en cause un élément d'équipement dissociable et que la garantie décennale ne pouvait être invoquée que si sa défaillance rendait l'ouvrage en son entier impropre à sa destination ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant souverainement retenu que n'était pas rapportée la preuve de l'impropriété de l'immeuble à sa destination, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que la société Estuaire de la Seine ne pouvait se prévaloir de la garantie décennale, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Estuaire de la Seine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Estuaire de la Seine à payer à la société ACAUM et à la société Boulevard Architecture la somme globale de 2 500 euros, rejette la demande de la société Estuaire de la Seine ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour la société Estuaire de la Seine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Estuaire de la Seine de sa demande tendant à la condamnation in solidum des sociétés Acaum, Boulevard Architecture Le Havre et Goujon Vallée à lui payer, sur le fondement de la garantie décennale, la somme de 53.447,02 €, indexée sur l'indice BT01 du bâtiment ;
Aux motifs que « l'expert judiciaire, lors de ses visites des lieux, les 25 septembre 2006 et 30 janvier 2007, a constaté que les gouttières mises en place par la société Goujon Vallée, pour certaines, tombent et, pour d'autres, sont déformées et même décrochées par endroits ; que s'agissant de la cause des désordres, M. X..., comme d'ailleurs l'expert préalablement intervenu pour le compte de la SMABTP, assureur dommages-ouvrage, explique qu'ils sont dus à un vieillissement accéléré des crochets en PVC qui deviennent cassants ; qu'aucun avis technique en sens contraire n'est produit ; que, dans ces conditions, l'analyse de l'expert judiciaire doit être retenue ; que la garantie décennale sur laquelle la société Estuaire de la Seine fonde à titre principal sa demande à l'encontre des architectes et de l'entrepreneur chargé de la pose des gouttières, s'applique aux éléments d'équipement qui font indissociablement corps avec l'ouvrage ; que, selon l'article 1792-2 alinéa 2 du code civil, un tel équipement a cette caractéristique "lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage" ; qu'or, ainsi que le font valoir les sociétés appelantes sans d'ailleurs que l'intimée soit en mesure de répliquer sur ce point, il résulte des devis fournis par celle-ci au titre des travaux destinés à remédier aux désordres, que ces travaux consistent uniquement en une dépose des gouttières puis leur remplacement par d'autres gouttières et crochets ; qu'il n'en résulte aucune atteinte à la structure des immeubles ; qu'est ainsi en cause un élément d'équipement dissociable relevant de la garantie de bon fonctionnement qui, en vertu de l'article 1792-3 du code civil, est d'une durée de deux ans à compter de la réception ; que la réception (sans réserves concernant le présent litige) étant intervenue le 26 mai 2003 pour trois bâtiments et le 16 juillet 2003 pour le quatrième, ce délai de deux ans était expiré lorsque la société Estuaire de la Seine a assigné en référé le 21 mars 2006 ; que cependant, même si l'élément d'équipement est dissociable, la garantie décennale peut être invoquée si sa défaillance rend l'ouvrage en son entier impropre à sa destination ; que la société Estuaire de la Seine affirme qu'il en est ainsi mais n'apporte aucun élément de preuve en ce sens et le rapport d'expertise n'en contient pas non plus ; que, spécialement, il doit être relevé que le maître d' ouvrage ne produit rien permettant de dire, comme il le soutient, que l'eau s'est accumulée au pied des immeubles et entraîné des dégâts et une humidité importante ; que, dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société Estuaire de la Seine ne peut se prévaloir de la garantie décennale » (arrêt attaqué, p. 4, antépénultième § à p. 5, § 6) ;
Alors d'une part que la dangerosité d'un ouvrage le rend nécessairement impropre à sa destination au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué (p. 4, antépénultième et pénultième §), non seulement que les gouttières mises en place par la société Goujon Vallée, « pour certaines, tombent et, pour d'autres, sont déformées et même décrochées par endroits », mais encore que ces désordres « sont dus à un vieillissement accéléré des crochets en PVC qui deviennent cassants » ; qu'il en découle que les bâtiments considérés présentaient un risque de dommage pour les passants, exposés en permanence à un danger de chute de gouttières ; qu'en estimant néanmoins que l'impropriété de l'ouvrage à sa destination n'était pas caractérisée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792 précité ;
Alors d'autre part qu'il appartient au juge, saisi d'une demande de mise en oeuvre de la garantie décennale à raison de désordres affectant un élément d'équipement, de rechercher quelle est l'incidence de ces désordres quant à la destination de l'ouvrage ; qu'au cas présent, dans ses conclusions d'appel signifiées le 19 octobre 2010 (p. 3, § 10 et 13), la société Estuaire de la Seine indiquait notamment que la chute de certaines gouttières, empêchant une évacuation correcte des eaux pluviales, se trouvait à l'origine du déversement de rideaux d'eau devant les appartements ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute impropriété des ouvrages à leur destination à la suite des désordres affectant les gouttières, qu'aucun élément de preuve n'était apporté à cet égard, et que rien ne permettait de dire que l'eau s'accumulait au pied des immeubles et entraînait des dégâts ainsi qu'une humidité importante, sans préciser de quelle manière étaient susceptibles de s'évacuer les eaux pluviales depuis la survenance des désordres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
Alors en outre qu'aux termes de l'article 1792-2, premier alinéa, du code civil, la garantie décennale s'étend aux dommages affectant la solidité des éléments d'équipements qui font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; que, suivant le second alinéa du même texte, un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages précités lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ; qu'en se fondant uniquement, pour retenir que les gouttières et leurs crochets de fixation constituaient des éléments d'équipement dissociables, sur le fait que les travaux de reprise des désordres consistaient en une dépose des gouttières puis leur remplacement par d'autres gouttières et crochets, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard dudit article 1792-2."