Chevaux, poney, paille, foin et troubles anormal du voisinage (dimanche, 19 octobre 2014)
Un arrêt sur le trouble anormal du voisinage causé par le présence de chevaux et de poney, de foin et de paille :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation, a assigné M. Y..., pour voir constater qu'il était à l'origine de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage occasionnés par la présence de chevaux et poney à proximité immédiate de sa maison d'habitation, le stockage de paille et de foin au mépris des règles de sécurité, l'entrave à l'exercice de sa servitude de passage, ainsi que par l'utilisation de la cour commune ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Vu le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter Mme X... de toutes ses demandes, l'arrêt énonce qu'il résulte des explications des parties, des photographies fournies et du constat d'huissier de justice établi à la demande de Mme X... qu'en l'espèce, même à considérer qu'il s'agisse d'un élevage de type familial, les animaux de M. Y... se trouvent à proximité immédiate et à moins de dix mètres de l'habitation de Mme X... ; que même en retenant une violation du règlement sanitaire départemental, il convient de relever que Mme X... agit sur le fondement de la responsabilité du fait des troubles anormaux du voisinage et qu'il lui appartient de rapporter la preuve d'un préjudice ; qu'il doit être noté qu'elle habite à Péronne-en-Mélantois, dans un environnement rural comme en témoignent les photographies versées aux débats ; qu'il doit d'ailleurs être relevé que Mme X... a elle-même possédé une ânesse pendant quelque temps et que le bâtiment loué par M. Y... est un hangar à usage agricole ; que dès lors, s'agissant d'un environnement rural, le fait que des chevaux, en nombre très limité, soient présents à proximité de son habitation n'excède pas les désagréments habituels du voisinage en milieu rural et ne génère aucun préjudice à son égard ;
Qu'en se déterminant ainsi, d'une part, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la présence de chevaux et poney à moins de quatre mètres d'une habitation n'induisait pas, par elle-même, fût-ce en milieu rural, des nuisances sonores et olfactives excédant les inconvénients normaux de voisinage, d'autre part, sans répondre aux conclusions de Mme X... qui prétendait que la présence de ces équidés était à l'origine d'une prolifération de nuisibles et de mouches excédant de tels inconvénients, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et méconnu les exigences du texte susvisé ;
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Vu le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;
Attendu que pour débouter Mme X... de ses prétentions, l'arrêt énonce, par ailleurs, que le fait que de la paille soit stockée chez son voisin, à proximité de son habitation, ne caractérise pas là non plus un trouble excédant les désagréments habituels du voisinage en milieu rural ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le stockage de fourrage à moins de dix mètres de son habitation n'était pas de nature à entraîner une prolifération de rongeurs, et surtout à faire courir un risque d'incendie particulièrement élevé, excédant les inconvénients normaux de voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Me Delamare, condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils, pour Mme X...
IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes tendant à la constatation et à la réparation des troubles anormaux de voisinage causés par M. Y... et occasionnés par la présence de chevaux et poney à proximité immédiate de sa maison d'habitation, le stockage de paille et de foin au mépris des règles de sécurité e t l'entrave à l'exercice de sa servitude de passage ainsi qu'à l'utilisation de la cour commune,
AUX MOTIFS QUE les parties invoquaient l'application du règlement sanitaire départemental ; que M. Y..., tout en indiquant qu'il n'avait pas d'activité d'élevage, expliquait qu'il possédait ses animaux dans le cadre d'une activité de loisir, ce qui s'apparentait selon lui à un élevage de type familial ; que selon les dispositions du règlement précité (article 153.5) en ses dispositions applicables en cas d'extension ou de réaffectation de bâtiments d'élevage existants, les élevages contenant tous types d'animaux à l'exception des élevages avicoles et cunicoles ne pouvaient être logés à moins de 10 mètres des immeuble habités par des tiers ; que Mme X... invoquait le fait que le bail liant M. Y... à M. Z... serait venu à expiration et que celui-ci serait désormais occupant sans droit ni titre ; que toutefois cette situation ne concernait que les parties au bail et que, Mme X... étant étrangère à cette convention, elle ne pouvait invoquer cette situation ; qu'il résultait des explications des parties, des photographies fournies e t du constat d'huissier établi à la demande de Mme X..., qu'en l'espèce, même à considérer qu'il s'agissait d'un élevage de type familial, les animaux de M. Y... se trouvaient à proximité immédiate et à moins de 10 mètres de l'habitation de Mme X... ; que même en retenant une violation du règlement sanitaire départemental, il convenait de relever que Mme X... agissait sur le fondement de la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage et qu'il lui appartenait de rapporter la preuve d'un préjudice ; que Mme X... habitait à PERONNE-EN-MELANTOIS, dans un environnement rural comme en témoignaient les photographies versée s aux débats ; qu'elle-même avait possédé une ânesse pendant quelques temps et que le bâtiment loué par M. Y... était un hangar à usage agricole ; que dès lors, s'agissant d'un environnement rural, le fait que les chevaux, en nombre très limité, fussent présents à proximité de son habitation, n'excédait pas les désagréments habituels du voisinage en milieu rural et ne générait aucun préjudice à son égard ; que par ailleurs, le fait que de la paille fût stockée chez son voisin, à proximité de son habitation, ne caractérisait pas là non plus un trouble excédant les désagréments habituels du voisinage en milieu rural,
ALORS, D'UNE PART, QUE nul ne peut causer à autrui un trouble anormal du voisinage ; que les nuisances sonores et olfactives qui résultent nécessairement de la présence de chevaux à proximité immédiate d'une habitation sont de nature à caractériser un tel trouble ; qu'en l'espèce, selon les propres constatations de l'arrêt attaqué, M. Y... a installé deux chevaux et un poney dans un hangar situé à proximité immédiate et précisément à moins de dix mètres de l'habitation de Mme X..., en violation du règlement sanitaire départemental faisant interdiction des élevages à moins de 10 mètres des immeubles habités par des tiers ; qu'en excluant toutefois l'existence d'un trouble anormal de voisinage, par l'effet de la seule circonstance inopérante de la situation des immeubles en milieu rural, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe susvisé,
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se bornant à énoncer que, s'agissant d'un environnement rural, la présence de chevaux à proximité de l'habitation de Mme X... n'excédait pas les désagréments habituels du voisinage en milieu rural, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la présence de chevaux et poney à moins de quatre mètre s d'une habitation n'induisait pas par elle-même des nuisances sonores et olfactives excédant les troubles normaux de voisinage, fût-ce en milieu rural, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même principe,
ALORS, DE PLUS, QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que Mme X... avait exposé dans ses conclusions (conclusions du 13 décembre 2012, p. 8, avant dernier paragraphe) qu'outre les nuisances olfactives et sonores qu'elle engendrait, la présence de chevaux et poney était à l'origine d'une prolifération des nuisibles et des mouches excédant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen dirimant, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS, EN OUTRE, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à énoncer que la présence de chevaux et poney à proximité immédiate de l'habitation de Mme X... ne générait aucun préjudice, sans examiner, même de manière sommaire, les pièce s versées aux débats par cette dernière pour faire la preuve des troubles occasionnés par la présence des chevaux et notamment les documents réglementaires et techniques relatifs aux activités d'élevage, les quatre constats d'huissiers particulièrement détaillés et les nombreuses photographies des lieux, la cour d'appel a violé le même texte,
ALORS, PAR AILLEURS, QU'en se bornant à énoncer que le fait que de la paille soit stockée à proximité de son habitation ne caractérisait pas un trouble de voisinage pour Mme X..., sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée, si le stockage de fourrage à moins de dix mètres de son habitation n'était pas de nature à entraîner une prolifération de rongeurs et surtout à faire courir un risque d'incendie particulièrement élevé, excédant les troubles normaux de voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage,
ALORS, DE SURCROÎT, QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions de Mme X... à cet égard (conclusions du 13 décembre 2012, p. 11, dernier paragraphe, et p. 12), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile,
ALORS, ENFIN, QUE les juges du fond ont l'obligation de motiver leur décision et que l'insuffisance des motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas énoncé le moindre motif justifiant le débouté de Mme X... de sa demande tendant à la réparation des troubles anormaux de voisinage causés par l'entrave à l'usage de la servitude de passage et l'utilisation de la cour commune ; qu'en s'abstenant de justifier sa décision sur ce point, elle a violé le même le texte."