Le loyer n'est pas dû si le local loué est inhabitable (dimanche, 17 novembre 2013)
C'est ce que juge cet arrêt, en se fondant sur l'obligation de délivrance du bailleur :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 novembre 2011), que Mme X... a, le 16 novembre 2004, donné à bail à la société Société générale, (la Société générale) un local mitoyen d'un local précédemment donné à bail à cette même locataire dans un immeuble en copropriété ; que la Société générale a obtenu tant de la bailleresse que du syndicat de copropriétaire l'autorisation de réunir les deux locaux ; que les travaux n'ont pu être mis en oeuvre en raison de l'état de corrosion des poutrelles métalliques supportant le plancher ; que l'expert, désigné par ordonnance de référé du 7 mars 2006, a conclu que le plancher du local loué était impropre à sa destination, son état pouvant même compromettre la stabilité de cette partie de l'ouvrage ; que la Société générale a assigné la bailleresse en suspension du paiement des loyers jusqu'à réception des travaux et en remboursement des loyers payés et le syndicat des copropriétaires aux fins d'obtenir la réalisation sous astreinte des travaux préconisés par l'expert ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1719 du code civil ;
Attendu que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la locataire relatives au remboursement des loyers réglés et à la suspension des loyers à échoir, l'arrêt retient que la Société générale avait conscience de l'état de corrosion des poutrelles soutenant le plancher et de l'altération très importante du béton puisqu'elle avait créé des points forts lors de l'aménagement d'une salle des coffres dans le local attenant précédemment pris à bail, que la bailleresse était demeurée dans l'ignorance de ce désordre et que la locataire n'avait pas satisfait à l'exigence de bonne foi dans l'exécution des conventions en ne prenant pas à sa charge la résolution du problème ;
Qu'en statuant ainsi tout en constatant que le plancher incriminé présentait un désordre tel que le local loué selon bail du 16 novembre 2004 était impropre à sa destination, ce dont il se déduisait que la bailleresse avait manqué à son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que pour infirmer le jugement qui avait condamné le syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert, l'arrêt retient que le syndicat a, postérieurement à ce jugement, réalisé les travaux de confortement qui relevaient de sa mission et de sa responsabilité ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant qu'il appartenait bien au syndicat des copropriétaires de réparer les désordres, la cour d'appel, qui n'a tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme X... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum Mme X... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble... à payer la somme de 3 000 euros à la Société générale ; rejette les demandes de Mme X... et du syndicat des copropriétaires de l'immeuble... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille treize, signé par M. Terrier, président, et par M. Dupont, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la Société générale
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de la SOCIETE GENERALE tendant à la condamnation de Madame Y... à lui verser la somme de 42. 249 ¿ en remboursement des loyers échus et réglés, ainsi qu'à être autorisée à suspendre le paiement des loyers à Madame Y... jusqu'à réception des travaux de réparation des locaux donnés à bail par cette dernière ;
AUX MOTIFS QUE « comme l'a indiqué le premier juge, se fondant sur les investigations approfondies, les constatations objectives, les analyses et les déductions pertinentes de l'expert, lequel a relevé un désordre fondamental du plancher incriminé consistant en un état de corrosion avancé des poutrelles le soutenant et une altération importante à très importante du béton d'enrobage et de remplissage en sorte que la partie d'ouvrage considérée était devenue impropre à sa destination, pouvant même compromettre la stabilité de ouvrage, c'est bien, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, au syndicat des copropriétaires qu'incombe la réparation du désordre ainsi que, le cas échéant, ses conséquences dommageables ; que cependant l'homme de l'art révèle aussi et avec la même pertinence que, lors des travaux confortatifs effectués à l'occasion de la création de la salle des coffres, la SA Société Générale qui n'avait pas manqué de crée des points durs sur le plancher litigieux, aurait dû prendre conscience de l'état de fait inquiétant constitué par l'état de corrosion avancé des poutrelles soutenant ce plancher et une altération importante à très importante du béton d'enrobage et de remplissage, la Cour ajoutant que cette société en avait pris conscience puisqu'elle n'avait pas manqué de créer ces points forts, d'où il résulte, Madame Josette X... épouse Y... étant demeurée dans l'ignorance de ce désordre, qu'au moment de la conclusion du second bail entre la dite Madame Y... et la SA Société Générale, cette dernière qui, par la suite, s'est emparée du désordre litigieux pour prétendre à la suspension du paiement des loyers et au remboursement des loyers payés, n'a pas rempli l'exigence de bonne foi qu'impose l'article 1134 du code civil, sauf à dire qu'elle aurait dû prévoir, au moment de la conclusion du second bail, et c'est d'ailleurs le sens que l'on doit tirer de la clause selon laquelle les travaux seront à la charge exclusive du locataire à ses risques et périls (clause rappelée par Madame Josette X... épouse Y... dans ses écritures) de prendre en charge la résolution de ce problème comme elle l'avait fait après la conclusion du premier bail, ce à quoi elle a finalement manqué ; qu'ainsi, étant observé d'une part que le syndicat des copropriétaires du... a effectué, depuis le prononcé du jugement entrepris, les travaux de confortement qui relevaient bien de sa mission et de sa responsabilité dans le cadre de ses rapports avec les copropriétaires et en exécution de ses obligations telles qu'elles se déduisent de l'article 14 de la Loi du 10 juillet 1965 et étant observé d'autre part que la SA Société Générale qui demande la confirmation du jugement entrepris lequel, hormis celle relative aux frais irrépétibles, ne prononce aucune condamnation directe du syndicat des copropriétaires à son profit, ne formule aucune demande indemnitaire directe contre ce syndicat, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et ainsi de rejeter les demandes de la SA Société Générale formulée contre Madame Josette X... épouse Y... ; et que Madame Josette X... épouse Y... sera remise en l'état antérieur à l'exécution provisoire par le seul effet du présent arrêt, en sorte que ses demandes tendant à cette fin sont sans objet ; que Madame Josette X... épouse Y... qui formule une demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre du syndicat des copropriétaires du..., justifie bien, compte tenu de la condamnation à paiement qu'elle a subie injustement et qu'elle a exécutée, ainsi que de la privation de ses loyers qui constituaient une part importante de ses revenus, d'un réel préjudice dans sa vie courante en ayant au surplus égard à son âge, lequel préjudice est en partie imputable à la carence de ce syndicat qui, étranger au bail, ne peut se prévaloir d'une faute contractuelle, celle de la SA Société Générale, et doit, en application de l'article 14 de la Lai du 10 juillet 1965, des obligations en découlant et auxquelles il a longtemps failli, indemniser Madame Josette X... épouse Y... de ce préjudice par le paiement d'une somme de 10. 000 ¿ fixée au vu des données fournies à la Cour de ce chef ; que par ailleurs que, pour les motifs ci-dessus exposés, toutes autres demandes doivent être rejetées » ;
1° ALORS QUE le bailleur est tenu d'assurer au preneur la jouissance paisible de la chose louée conformément à sa destination ; que la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi ne peut exonérer le bailleur de l'exécution de cette obligation essentielle du bail ; qu'en l'espèce, pour considérer que la SOCIETE GENERALE ne pouvait exciper de l'inexécution par la bailleresse de son obligation de délivrance, et rejeter ses demandes tendant au remboursement des loyers payés et à la suspension du paiement des loyers à échoir, la Cour d'appel a considéré que la SOCIETE GENERALE avait méconnu l'exigence de bonne foi dans la mesure où elle avait eu connaissance, avant la conclusion du bail, de l'existence des désordres litigieux ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que ces désordres étaient tels qu'ils avaient rendu les locaux loués impropres à leur destination, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1719 du code civil ;
2° ALORS QUE ne caractérise pas la mauvaise foi du preneur, le privant de la faculté d'invoquer l'exception d ¿ inexécution, le simple fait qu'il ait eu connaissance de l'impropriété de la chose à sa destination lors de la conclusion du bail et de son entrée dans les lieux et qu'il ait tardé à dénoncer au bailleur l'existence des désordres à l'origine de cette situation et que ce dernier ignorait ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
3° ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à supposer que la mauvaise foi de la SOCIETE GENERALE ait été établie pour ne pas avoir informé Madame Y... de l'existence des désordres affectant les locaux donnés à bail, elle ne privait pas la banque du droit d'exciper de la méconnaissance par sa bailleresse de son obligation de délivrance pour la période à partir de laquelle cette dernière, ainsi que la copropriété, avaient été avisées du trouble de jouissance invoqué par sa locataire ; qu'en rejetant néanmoins dans leur intégralité les demandes de la SOCIETE GENERALE tendant au remboursement des loyers payés et à la suspension du paiement des loyers à échoir, motif pris de la méconnaissance par la SOCIETE GENERALE de son obligation de bonne foi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1719 du code civil ;
4° ALORS, EN OUTRE, QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt que le bail conclu le 16 novembre 2004 par la SOCIETE GENERALE avec Madame Y... portait sur des locaux distincts de ceux objet du bail conclu en 1973 avec l'hoirie X..., dans lesquels des travaux d'installation d'une salle des coffres avaient été effectués au cours des années 1970 ; qu'en retenant, pour juger que la SOCIETE GENERALE ne pouvait de bonne foi exciper de l'impropriété à leur destination des locaux objet du bail du 16 novembre 2004 pour s'opposer au paiement des loyers, qu'elle avait eu connaissance des désordres affectant le plancher lors de la réalisation des travaux d'aménagement de la salle des coffres, quand ces travaux avaient été réalisés dans les locaux objet du bail conclu en 1973, non dans ceux loués au titre du bail litigieux en date de 2004, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1719 du code civil ;
5° ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la clause du contrat de bail liant Madame Y... à la SOCIETE GENERALE stipulant que cette dernière effectuerait les travaux de réunification des lieux avec un local attenant « à ses risques et périls » concernait les seuls travaux de réunification réalisés par la SOCIETE GENERALE, lesquels étaient sans lien avec les désordres constatés dans le plancher, et qui n'ont pu être menés à leur terme du fait de ceux-ci ; qu'en déduisant de cette clause que la SOCIETE GENERALE aurait contractuellement accepté de prendre à sa charge les frais de remise en état du plancher, la Cour d'appel a dénaturé le contrat de bail du 16 novembre 2004, violant ainsi l'article 1134 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR rejeté les demandes de la SOCIETE GENERALE tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire ;
AUX MOTIFS QUE « comme l'a indiqué le premier juge, se fondant sur les investigations approfondies, les constatations objectives, les analyses et les déductions pertinentes de l'expert, lequel a relevé un désordre fondamental du plancher incriminé consistant en un état de corrosion avancé des poutrelles le soutenant et une altération importante à très importante du béton d'enrobage et de remplissage en sorte que la partie d'ouvrage considérée était devenue impropre à sa destination, pouvant même compromettre la stabilité de ouvrage, c'est bien, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, au syndicat des copropriétaires qu'incombe la réparation du désordre ainsi que, le cas échéant, ses conséquences dommageables ; que cependant l'homme de l'art révèle aussi et avec la mémo pertinence que, lors des travaux confortatifs effectués à l'occasion de la création de la salle des coffres, la SA Société Générale qui n'avait pas manqué de crée des points durs sur le plancher litigieux, aurait dû prendre conscience de l'état de fait inquiétant constitué par l'état de corrosion avancé des poutrelles soutenant ce plancher et une altération importante à très importante du béton d'enrobage et de remplissage, la Cour ajoutant que cette société en avait pris conscience puisqu'elle n'avait pas manqué de créer ces points forts, d'où il résulte, Madame Josette X... épouse Y... étant demeurée dans l'ignorance de ce désordre, qu'au moment de la conclusion du second bail entre la dite Madame Y... et la SA Société Générale, cette dernière qui, par la suite, s'est emparée du désordre litigieux pour prétendre à la suspension du paiement des loyers et au remboursement des loyers payés, n'a pas rempli l'exigence de bonne foi qu'impose l'article 1134 du code civil, sauf à dire qu'elle aurait dû prévoir, au moment de la conclusion du second bail, et c'est d'ailleurs le sens que l'on doit tirer de la clause selon laquelle les travaux seront à la charge exclusive du locataire à ses risques et périls (clause rappelée par Madame Josette X... épouse Y... dans ses écritures) de prendre en charge la résolution de ce problème comme elle l'avait fait après la conclusion du premier bail, ce à quoi elle a finalement manqué ; qu'ainsi, étant observé d'une part que le syndicat des copropriétaires du... a effectué, depuis le prononcé du jugement entrepris, les travaux de confortement qui relevaient bien de sa mission et de sa responsabilité dans le cadre de ses rapports avec les copropriétaires et en exécution de ses obligations telles qu'eues se déduisent de l'article 14 de la Loi du 10 juillet 1965 et étaie observé d'autre part que la SA Société Générale qui demande la confirmation du jugement entrepris lequel, hormis celle relative aux frais irrépétibles, ne prononce aucune condamnation directe du syndicat des copropriétaires à son profit, ne formule aucune demande indemnitaire directe contre ce syndicat, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et ainsi de rejeter les demandes de la SA Société Générale formulée contre Madame Josette X... épouse Y... ; et que Madame Josette X... épouse Y... sera remise en l'état antérieur à l'exécution provisoire par le seul effet du présent arrêt, en sorte que ses demandes tendant à cette fin sont sans objet ; que Madame Josette X... épouse Y... qui formule une demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre du syndicat des copropriétaires du..., justifie bien, compte tenu de la condamnation à paiement qu'elle a subie injustement et qu'elle a exécutée, ainsi que de la privation de ses loyers qui constituaient une part importante de ses revenus, d'un réel préjudice dans sa vie courante en ayant au surplus égard à son âge, lequel préjudice est en partie imputable à la carence de ce syndicat qui, étranger au bail, ne peut se prévaloir d'une faute contractuelle, celle de la SA Société Générale, et doit, en application de l'article 14 de la Lai du 10 juillet 1965, des obligations en découlant et auxquelles il a longtemps failli, indemniser Madame Josette X... épouse Y... de ce préjudice par le paiement d'une somme de 10. 000 ¿ fixée au vu des données fournies à la Cour de ce chef ; que par ailleurs que, pour les motifs ci-dessus exposés, toutes autres demandes doivent être rejetées » ;
ALORS QUE la Cour d'appel a constaté que les travaux de confortement dont l'exécution était demandée par la SOCIETE GENERALE relevaient de la mission et de la responsabilité du syndicat des copropriétaires ; qu'en se bornant à retenir, pour infirmer le jugement de première instance en ce qu'il avait condamné le syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire, que ceux-ci avaient été effectués en exécution de cette décision, et que la SOCIETE GENERALE, au profit de laquelle le jugement entrepris n'avait prononcé « aucune condamnation directe du syndicat des copropriétaires », ne sollicitait aucune demande indemnitaire contre le syndicat, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatation, a violé l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965."