L'acheteur qui trompe le vendeur et commet un dol (vendredi, 26 avril 2013)
Voici un arrêt intéressant qui juge que le vendeur doit être informé par l'acheteur du fait que le terrain vendu va devenir constructible.
"Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que, si M. X... avait eu connaissance de la note de renseignement d'urbanisme annexée à l'acte de vente, M. Y..., de part ses fonctions de maire et ses participations aux réunions du conseil municipal, avait une parfaite connaissance de la révision en cours du plan d'occupation des sols et notamment du fait que le bien acheté allait devenir constructible, la cour d'appel a pu en déduire qu'en s'abstenant de révéler au vendeur l'état d'avancement de cette procédure de révision et ses conséquences prévisibles sur le prix du bien, les acquéreurs avaient commis un manquement à leur obligation de contracter de bonne foi et que leur responsabilité pour dol était engagée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y pas lieu de statuer sur la troisième branche du moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer la somme de 2 500 euros à M. X... et la somme globale de 2 500 euros à la SCP Tissot-Grenier-Souares-Grosjean et M. Z... ; rejette la demande des époux Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour les époux Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré les époux Emery et Maître Z... responsables in solidum du préjudice subi par Monsieur Yannick X... du fait de la vente immobilière intervenue le 20 avril 2000 et de les avoir condamnés in solidum à payer à ce dernier, en réparation de son préjudice, la somme de 630.000 euros, outre les sommes de 2.000 et 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs propres qu'il ressort des pièces produites et notamment de l'enquête préliminaire de gendarmerie et des auditions des conseillers municipaux de Cessy que la révision du POS, ayant affecté les parcelles vendues le 20 avril 2000 par Monsieur X... aux consorts Y..., avait été décidée par le conseil municipal de la commune sur l'initiative de son maire Monsieur Jules Y... le 7 septembre 2008 en réalité : 1998 ; que l'ensemble des conseillers municipaux entendus indique que cette révision n'a pas rencontré d'objections et que son principe était arrêté dès 1999, les réunions suivantes de la commission n'ayant servi qu'à ajuster et formaliser des décisions déjà arrêtées dans leur principe ; que le projet de POS révisé a été arrêté le 5 juin 2000 soit curieusement juste après la vente litigieuse puis approuvé lors d'une délibération du conseil municipal de Cessy présidé par Monsieur Y... en sa qualité de maire le 6 mars 2001 ; que Monsieur Y... a participé à cette délibération alors même qu'il y était intéressé ; que l'acte de vente notarié du 20 avril 2000 mentionne qu'est annexée à l'acte la note de renseignements d'urbanisme du 4 novembre 1999 mentionnant que le POS zone n° 1 (UA) n° 2 (UA 1/3 ; Ne 13) n° 3 (NC) a été approuvé le 25 octobre 1993, modifié le 22 juin 1996 et mis en révision le 2 février 1998 et que l'acquéreur a pris connaissance de cette pièce tant par luimême que par la lecture que lui a donnée le notaire ; que ces mentions qui figurent dans un acte authentique ne peuvent être contestées que par inscription de faux, et établissent donc que Monsieur X... a eu connaissance de cette note de renseignements d'urbanisme ; qu'il n'en demeure pas moins que Monsieur Y..., de par ses fonctions de maire et ses participations aux réunions du conseil municipal, avait une parfaite connaissance de la révision en cours du POS et notamment du fait que le bien acheté allait devenir constructible, ce qui change considérablement sa valeur ; que dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges après avoir rappelé l'obligation de bonne foi qui pèse sur tout contractant, ont retenu que les époux Y... en s'abstenant d'informer Monsieur X... de l'état d'avancement de cette procédure de révision et de ses conséquences prévisibles sur le prix de son bien, a commis un manquement à cette obligation en s'abstenant de porter à la connaissance de son vendeur des éléments susceptibles d'avoir des effets sur son consentement ou sur l'opération juridique projetée ; que la responsabilité des époux Y... est donc bien engagée sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil, leur silence constituant un comportement dolosif qui ouvre droit à des dommages et intérêts si la victime ne choisit pas d'agir en nullité ; … que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré les époux Y... et Maître Z... responsables in solidum envers Monsieur X... du préjudice subi par celui-ci en raison de la vente intervenue le 20 avril 2000, les vendeurs pour violation de l'obligation de bonne foi, le notaire instrumentaire de la vente pour non application de son devoir de conseil et d'information ; que s'agissant du préjudice subi par Monsieur X..., c'est en vain que les appelants soutiennent que celui-ci aurait été acculé à la vente du bien pour payer les dettes de l'héritage ; qu'en effet, la déclaration de succession laisse apparaître un actif bine supérieur au passif et l'existence d'une autre bien immobilier qui aurait également pu être vendu ; que par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, aucun acte de poursuite ou mises en demeures voire lettres de débiteur réclamant le paiement de leurs créances, n'est produit aux débats ; que le préjudice de Monsieur X... en l'espèce est constitué par la perte de chance qu'il aurait eu de vendre ses biens à un prix plus élevé que celui de la transaction intervenue entre lui et les époux Y... du fait du changement de classification en zone constructible et non plus en zone agricole ; que les époux Y... qui prétendent avoir réalisé des travaux importants justifiant le prix de vente ne produisent aux débats qu'un courrier des services fiscaux du 14 juin 2007 alertant le procureur de la république du fait qu'une facture de travaux de 196.837,68 euros du 30 avril 2004 est impayée ; que la facture en question n'est pas produite ; qu'il n'est donc pas possible de déterminer quels sont les travaux effectués ; que Monsieur X... a également subi un préjudice moral du fait des circonstances de la vente ; qu'au vu de ces éléments, du fait que son préjudice ne peut être que celui d'une perte de chance, la Cour estime que son préjudice s'élève à la somme de 630.000 euros correspondant à une juste indemnisation du préjudice subi ;
et aux motifs, le cas échéant repris des premiers juges, qu'il est constant en l'espèce que la mise en révision du POS a été portée à la connaissance de Monsieur X..., représenté par son mandataire Monsieur A..., lors de la régularisation de la vente le 20 avril 2000, l'acte notarié de vente mentionnant expressément en sa page 4 « l'acquéreur a pris connaissance desdites pièces » (dont la note de renseignements d'urbanisme) « tant par lui-même que par la lecture que lui en a donnée le notaire soussigné », cette mention valant jusqu'à inscription de faux puisque faisant partie intégrante d'un acte notarié ; qu'à ce titre se trouvent privées de pertinence les affirmations de Monsieur X... selon lesquelles cette note de renseignements d'urbanisme n'aurait pas été remise lors de vente ni portée à sa connaissance ; que cependant au moment de la vente en avril 2000 Monsieur Y..., de par ses participations aux réunions du conseil municipal de la commune de Cessy en qualité de maire, avait nécessairement connaissance de la révision en cours du POS, et notamment du fait que le projet de changement de zonage des parcelles AP n° 2 et 3 en zone constructible n'avait pas été contesté ; qu'ainsi, à la date du 20 avril 2000, il savait que les parcelles dont il se portait acquéreur auprès de Monsieur X... allaient passer en zone constructible dès l'adoption du nouveau POS, dont le projet arrêté le 5 juin 2000 a été voté et approuvé le 6 mars 2001 ; qu'en s'abstenant de révéler à son acquéreur, non pas l'existence de la procédure de révision du POS (qui était déjà visée dans l'acte notarié de vente), mais la connaissance personnelle qu'il avait des conséquences prévisibles de cette révision sur la valeur à venir des parcelles proposées à la vente (classification en zone constructible entraînant une plus value), Monsieur Y... a manqué au respect de l'obligation de bonne foi qui pèse sur chaque cocontractant et qui impose de révéler les éléments de nature à produire des effets sur l'opération juridique projetée ou sur le consentement de son cocontractant ; que la méconnaissance de cette obligation entraîne la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article 1382 du Code civil comme constituant la violation d'une règle générale de conduite qui doit présider dans la phase de préparation, d'exécution et d'extinction des relations contractuelles outre le fait que l'abstention et le silence de l'acquéreur caractérise également un comportement dolosif qui ouvre droit à la victime une action en réparation sur le même fondement de l'article 1382 du Code civil, le dol étant un délit civil dont la réparation peut se limiter à l'attribution de dommages et intérêts si la victime n'opte pas pour la nullité du contrat ;
Alors, de première part, qu'ayant relevé qu'était annexée à l'acte authentique de vente la note de renseignements d'urbanisme mentionnant la révision en cours (arrêt, p.4, § 4), c'est de manière radicalement inopérante que les juges du fond ont fait grief à Monsieur Y..., qui « avait une parfaite connaissance de la révision en cours du POS » (arrêt, p.4, § 8) eu égard à sa qualité de maire du village, d'avoir commis un manquement à son obligation de contracter de bonne foi « en s'abstenant de porter à la connaissance de son vendeur des éléments susceptibles d'avoir des effets sur son consentement ou sur l'opération juridique projetée » (arrêt, p.4, avant-dernier §) ; qu'en retenant sur cette base la responsabilité des époux Y... envers le vendeur, la Cour d'appel a violé les articles 1382 et 1134 du Code civil ;
Alors, de seconde part, qu'aucune obligation d'information ne pesant sur l'acquéreur, ce dernier, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien objet de la vente, ni a fortiori sur l'évolution in futurum dudit bien ; que dès lors, en considérant qu'il incombait à Monsieur Y..., acquéreur du bien litigieux et par ailleurs maire de la commune de situation de l'immeuble, d'attirer l'attention du vendeur, dont il n'est pas contesté que le prix par lui fixé pour la cession du bien et agréé par l'acquéreur correspondait au prix du marché, sur l'évolution prochaine qu'allait connaître la valeur du bien en raison de la révision du POS, dont la note de renseignements d'urbanisme annexée à l'acte authentique de vente faisait état, la Cour d'appel a violé les articles 1382 et 1134 du Code civil ;
Alors, de troisième part et en tout état de cause, que, saisie par Monsieur X... d'une demande tendant à la réparation de la seule perte de chance de vendre à meilleur prix son bien (conclusions d'appel, p.8, in limine), la Cour d'appel ne pouvait, sans provoquer les explications préalables des parties sur ce point, allouer au vendeur des dommages-intérêts en tenant compte également du préjudice moral du vendeur (arrêt, p.5, in fine) ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, elle a violé les articles 4, 5 et 16 du Code de procédure civile."