Comment concilier le congé du bailleur et celui du locataire ? (samedi, 04 août 2012)
Un arrêt sur cette question :
"Attendu, selon le jugement attaqué (juridiction de proximité de Tarascon, 27 mai 2010), que M. et Mme X..., propriétaires d'une maison donnée à bail à M. et Mme Y..., ont délivré à ceux-ci le 13 octobre 2009 un congé pour reprise ; que les locataires ont à leur tour donné congé le 23 novembre 2009 et, par lettre du 4 décembre 2009, ont sollicité le bénéfice d'un préavis réduit à un mois pour perte d'emploi ; qu'ils ont restitué les lieux le 4 janvier 2010 ; que, sur assignation de Mme Z... épouse Y... en remise d'un décompte des charges locatives et des quittances, M. X... a réclamé reconventionnellement le paiement des loyers et des charges arrêtés à la date du 23 février 2010 ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 15-I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
Attendu que pendant le délai de préavis, le locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur ;
Attendu que pour condamner Mme Z... au paiement des loyers et des charges jusqu'à la date du 23 février 2010, le jugement retient que les locataires ont produit un courrier de Pôle emploi daté du 22 octobre 2009 rejetant une demande d'allocation de chômage et qu'il ressort de ce courrier que la perte d'emploi est bien antérieure au congé donné par les locataires établissant ainsi l'absence de causalité entre le fait de quitter les lieux et la perte d'emploi ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que les bailleurs avaient délivré en premier lieu un congé pour reprise, de sorte que les locataires n'étaient redevables des loyers et des charges que jusqu'à leur départ, la juridiction de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 21 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ;
Attendu que le bailleur est tenu de transmettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande ;
Attendu que le jugement retient que M. X... indique ne pas s'opposer à la remise des copies des quittances qui pour une raison quelconque feraient défaut à la locataire et que le tribunal lui en donne acte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que Mme Z... demandait la condamnation du bailleur à lui remettre les quittances manquantes, la juridiction de proximité a modifié l'objet du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Z... à payer les loyers et les charges jusqu'au 23 février 2010 et donné acte à M. X... de ce qu'il ne s'oppose pas à remettre à Mme Z... la copie des quittances de loyers qui lui feraient défaut, le jugement rendu le 27 mai 2010, entre les parties, par la juridiction de proximité de Tarascon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la juridiction de proximité d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour Mme Z..., épouse Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné Madame Y... à verser à Monsieur Hamou X... la somme de 1 660,47 euros au titre des loyers dus.
AUX MOTIFS QUE Monsieur et Madame X... ont notifié à Monsieur et Madame Y..., par acte d'huissier du 13 octobre 2009, un congé pour reprise pour le 3 juin 2010 ; que Monsieur et Madame Y... ont indiqué à Monsieur et Madame X..., que par lettre recommandée du 23 novembre 2009, intitulée « préavis de congé donné par le locataire», Monsieur et Madame Y... ont pris acte du congé des bailleurs et les ont invités à fixer une date d'un commun accord pour quitter les lieux, leur préavis débutant ce 23 novembre ; que par courrier simple, ils fixaient la date d'expiration du bail au 4 janvier 2010, revendiquant le bénéfice des dispositions de la loi du 6 juillet 1989, autorisant des locataires à donner congé avec un préavis d'un seul mois, en cas de mutation ou de perte d'emploi, ce qui était le cas, au vu du courrier de Pole emploi daté du 22 octobre 2009 rejetant une demande d'allocation chômage ; qu'il ressort de ce courrier que la perte d'emploi est bien antérieure au congé donné par les locataires établissant ainsi l'absence de lien de causalité entre le fait de quitter les lieux et la perte d'emploi ; que dès lors le préavis donné dans les formes requises à la date du 23 novembre 2009 est valable, devant s'achever trois mois plus tard soit le 23 février 2010 ; que Monsieur et Madame Y... doivent s'acquitter du loyer et des charges de janvier en totalité, de février jusqu'au 23
ALORS D'UN PART QUE lorsque le congé a été délivré par le bailleur, le locataire n'est redevable, pendant le délai de préavis, du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement et effectivement les lieux ; que le juge de proximité a constaté que Monsieur X... avait délivré, le 13 octobre 2009, un congé pour reprise aux locataires, Monsieur et Madame Y... qui, se prévalant du bénéfice du préavis abrégé d'un mois pour cause de perte d'emploi, avaient quitté les lieux le 4 janvier 2010 ; qu'en condamnant Monsieur et Madame Y... au paiement des loyers et charges jusqu'au 23 février 2010, le juge de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses observations liées à leur départ des lieux le 4 janvier 2010 impliquant la disparition de toute obligation au paiement des loyers et charges à compter de cette date, au regard de l'article 15-1 de la loi du 6 juillet 1989 qu'il a ainsi violé ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en toute hypothèse, si le délai de préavis applicable au congé est de trois mois lorsqu'il émane du locataire et de six mois lorsqu'il émane du bailleur, toutefois, en cas de perte d'emploi, le locataire peut donner congé au bailleur avec un délai de préavis d'un mois, même si cette perte d'emploi est bien antérieure à la délivrance du congé ; que le juge de proximité a constaté que postérieurement à la délivrance le 13 octobre 2009 du congé pour reprise par Monsieur X..., Monsieur et Madame Y... avaient, par courrier recommandé du 23 novembre 2009 intitulé « préavis de congé donné par le locataire », indiqué à celui-là qu'ils avançaient la date l'expiration du bail au 4 janvier 2010 par l'effet du bénéfice du régime légal abrégeant le préavis à un mois en cas de perte d'emploi, ce qui était le cas, au vu du refus de la demande d'allocation chômage émise par Pole emploi le 22 octobre 2009 ; qu'en condamnant Monsieur et Madame Y... au paiement des loyers et charges jusqu'au 23 février 2010, au motif erroné pris que la perte d'emploi aurait été bien antérieure au congé, ce qui établirait l'absence de lien causal entre les deux faits juridiques, le juge de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et observations impliquant la cessation de toute obligation au paiement des loyers et charges à compter de la date d'expiration du délai de préavis abrégé, soit au 4 janvier 2010, au regard de l'article 15-1 de la loi du 6 juillet 1989 qu'il a ainsi violé.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR seulement donné acte Monsieur Hamou X... de ce qu'il ne s'opposait pas à remettre à Madame Murielle Y... la copie des quittances de loyers qui lui feraient défaut.
AUX MOTIFS QUE sur la demande de délivrance des quittances de loyer, Monsieur X... soutient les avoir délivrées depuis janvier 2008, et indique ne pas s'opposer à la remise des copies des quittances qui pour une raison quelconque lui ferait défaut ;
ALORS D'UNE PART QUE tout bailleur est tenu de transmettre au locataire qui lui en fait la demande les quittances de loyer à raison des loyers effectivement versés ; que dans ses conclusions circonscrivant l'objet du litige, Madame Y... avait sollicité la condamnation des bailleurs à leur remettre les quittances régulières correspondant à la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2009 sous astreinte ; qu'en se bornant dès lors à donner acte à Monsieur X..., débiteur de la charge de la preuve de la remise effective de ces quittances, de ce qu'il s'engageait à remettre les quittances manquantes, le juge de proximité n'a pas rempli son office, violant ainsi l'article 4 du code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en s'abstenant de condamner Monsieur X... à la remise des quittances de loyers litigieuses, le juge de proximité a violé l'article 21 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par l'article 54 de la loi du 25 mars 2009."