Privilège du bailleur et indemnités d'occupation (vendredi, 27 janvier 2012)
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er juillet 2010), que la société Sud pièces poids lourds (la société Sud) a occupé sans titre un terrain, affecté à son activité et dépendant d'une indivision post-communautaire existant entre M. X... et son ex-conjoint ; que le 13 novembre 2006, la société Sud a été mise en liquidation judiciaire, Mme Y... étant nommée liquidateur ; que le 5 janvier 2007, M. X... a déclaré au passif privilégié de la société Sud une créance d'un montant de 73 348 euros au titre de "loyers impayés" et représentant la part lui revenant dans l'indivision post-communautaire ; que répondant à une lettre du liquidateur, M. X... a précisé que sa créance était une créance d'indemnités d'occupation ;
Attendu que la société Sud fait grief à l'arrêt d'avoir admis la créance déclarée par M. X... à concurrence de 25 300 euros à titre privilégié et de 30 250 euros à titre chirographaire, alors, selon le moyen, que les privilèges ne peuvent être établis que par la loi et les dispositions qui les établissent doivent être interprétées restrictivement ; que le privilège du bailleur ne s'applique pas aux indemnités d'occupation ; qu'en décidant néanmoins que M. X... qui revendiquait une créance au titre de l'indemnité d'occupation pouvait prétendre au privilège du bailleur à concurrence de 25 000 euros, la cour d'appel a violé les articles 2332 du code civil et L. 622-16 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que le privilège du bailleur d'immeuble s'appliquait à toute créance résultant de l'occupation des lieux à quelque titre que ce soit et relevé que la créance d'indemnités d'occupation déclarée par M. X... était fondée, la cour d'appel a exactement retenu que ce dernier pouvait prétendre au privilège du bailleur pour les deux années précédant le jugement d'ouverture ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sud pièces poids lourds aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Sud pièces poids lourds
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau d'avoir déclaré admise au passif de la société SUD PEICES POIDS LOURDS la créance de Monsieur X... à concurrence de 25.300 euros à titre privilégié et de 30.250 euros à titre chirographaire ;
AUX MOTIFS QUE la déclaration de créance de Monsieur X... du 5 janvier 2007 vise des « loyers » impayés relatifs à l'occupation par la société débitrice d'un parc d'exposition dans une zone artisanale pour un montant de 73 348 euros, représentant sa part dans l'indivision, titre privilégié du fait du privilège du bailleur ; que cette déclaration répond aux exigences des articles L.622-25 et R.622-23 du code de commerce ; que Monsieur X..., avisé par lettre du mandataire judiciaire du 9 novembre 2007 de ce que sa créance était contestée, a répondu le 22 novembre suivant par l'entremise de son conseil en la maintenant et en fournissant diverses précisions ; qu'il est justifié de ce que le terrain occupé par la société Sud Pièces Poids Lourds avait été acquis par Monsieur et Madame X... les 12 novembre 1990 et 9 avril 1991 ; que suite à leur divorce, prononcé le 17 octobre 2000, ce terrain est entré dans l'indivision post communautaire ; que Monsieur X... a donc qualité pour réclamer la moitié des indemnités dues par la société débitrice au titre de l'occupation, non contestée par elle, de ce terrain ; qu'il ressort de plusieurs courriers datés de 1998 (26 février 1998, 17 mars 1998) que M. X... s'est toujours opposé à la gratuité de l'occupation de ce terrain par la société Sud Pièces Poids Lourds dirigée par son épouse, puis par Monsieur Jean-Laurent X... et Monsieur Cédric X..., et a même réclamé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 janvier 2005 une indemnité d'occupation ; que l'indemnité d'occupation réclamée est fondée sur une proposition de location de ce terrain formulée par la société Languedoc Matériels pour un prix mensuel de 2 300 euros HT ; que Monsieur X... réclame une créance de 69.550 euros se décomposant comme suit : année 2000 6.500 euros (1/2 de 13.000) ; année 2001 7.500 euros (1/2 de 15.000) ; année 2002 8.750 euros (1/2 de 17.500) ; année 2003 10 000 euros (1/2 de 20.000) ; année 2004, 11.500 euros (1/2 de 23.000) ; année 2005: 11.500 euros (1/2 de 23.000) ; année 2006: 13.800 euros (/2 de 27.600) ;que, toutefois, tenant les dispositions de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 200856 1 du 7 juin 2008, applicables selon l'article 26 III de cette loi, Monsieur X... ne peut prétendre qu'aux cinq dernières années précédant la liquidation judiciaire, ouverte le 13 novembre 2006 ; que sa créance sera donc admise à concurrence de 55.550 euros ; qu' enfin, il ne peut prétendre au privilège du bailleur, qui s' applique à toute créance résultant de l'occupation des lieux à quelque titre que ce soit, que pour les deux années précédant le jugement d'ouverture, conformément à l'article L. 622-16 auquel renvoie l'article L.641-12 dernier alinéa du code de commerce ; que la créance sera donc admise à concurrence de 25.300 euros à titre privilégié e de 30.250 euros à titre chirographaire;
ALORS D'UNE PART QUE la modification d'une déclaration de créance doit être effectuée dans le délai légal ; que la société SUD PIECES POIDS LOURDS faisait valoir dans ses conclusions d'appel que Monsieur X... avait, par lettre du 22 novembre 2007, modifié sa déclaration de créance initiale qualifiant la créance de « loyers impayés » en la requalifiant « indemnité d'occupation » et que cette requalification « affecte de façon substantielle la déclaration de créance puisqu'elle modifiait la nature même de la créance » et que « Monsieur X... était par conséquent forclos lorsqu'il a tenté de modifier la qualification de sa créance par lettre de son conseil du 22 novembre 2007 » (conclusions, p. 7) ; qu'en se bornant à affirmer que Monsieur X... avait par lettre du 22 novembre 2007 fournit diverses précisions sur sa créance, sans rechercher comme elle y était invitée, si cette lettre qui modifiait la nature de la créance la faisant passer de la qualification de « loyers impayés » à celle « d'indemnité d'occupation » avait été faite dans les délais réglementaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les articles L.622-25, R.622-23 et R.622-24 du Code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE lorsque la créance ne résulte pas d'un titre, il y a lieu de joindre les documents justificatifs de la créance ; qu'est inefficace la déclaration de créance qui ne comporte aucun bordereau ; que la société SUD PIECES POIDS LOURDS soutenait dans ses conclusions d'appel que la déclaration de créance ne vise aucune pièce, pas plus qu'elle en annexe pour en déduire qu'elle était irrégulière (conclusions, p. 4) ; qu'en se bornant à affirmer que la déclaration de créance répond aux exigences des articles L.622-25 et R.622-23 du Code du commerce, sans répondre à ce moyen pourtant de nature à démontrer que la déclaration de créance était irrégulière, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QUE, à titre subsidiaire, la société SUD PIECES POIDS LOURDS faisait valoir dans ses conclusions d'appel que « la proposition de location moyennant un loyer mensuel de 2300 euros HT émanant de la société LANGUEDOC MATERIELS doit être considéré comme étant de pure complaisance, n'ayant jamais été suivi d'effet ; à cet égard il y a lieu d'observer que si Monsieur X... a conclu avec cette société une convention d'occupation précaire le 10 décembre 2007 cette convention ne prévoit qu'un loyer mensuel de 1500 euros (pièce adverse n°7) et qu'elle n'a jamais été suivi d'effet » (conclusions, p. 9) ; qu'en se bornant à considérer que l'indemnité d'occupation correspondait à la somme de 2.300 euros, sans répondre à ce moyen pourtant de nature à démontrer que le loyer mensuel s'élevait en réalité à la somme de 1500 euros, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau d'avoir déclaré admise au passif de la société SUD PEICES POIDS LOURDS la créance de Monsieur X... à concurrence de 25.300 euros à titre privilégié et de 30.250 euros à titre chirographaire ;
AUX MOTIFS QU' il ne peut prétendre au privilège du bailleur, qui s'applique à toute créance résultant de l'occupation des lieux à quelque titre que ce soit, que pour les deux années précédant le jugement d'ouverture, conformément à l'article L.622-16 auquel renvoie l'article L.641-12 dernier alinéa du code de commerce ; que la créance sera donc admise à concurrence de 2.300 euros à titre privilégié et de 30.250 euros à titre chirographaire;
ALORS QUE les privilèges ne peuvent être établis que par la loi et les dispositions qui les établissent doivent être interprétées restrictivement ; que le privilège du bailleur ne s'applique pas aux indemnités d'occupation ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur X... qui revendiquait une créance au titre de l'indemnité d'occupation pouvait prétendre au privilège du bailleur à concurrence de 25.000 euros, la Cour d'appel a violé les articles 2332 du Code civil et L.622-16 du Code de commerce."