Une application de l'article 555 du code civil (construction sur le terrain d'autrui) (samedi, 12 novembre 2011)

"Vu l'article 555 du code civil ;

Attendu que lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec les matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever ; que si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages ; que si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 11 mars 2009), que, par acte authentique passé le 13 septembre 1984, M. X... a acquis plusieurs parcelles de terre dont l'une, sur laquelle il a édifié des constructions, a été ultérieurement attribuée aux consorts Y... ; que ces derniers ont offert d'indemniser M. X... d'une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur du fait de ces constructions en application de l'article 555 du code civil ; que M. X... a demandé le paiement d'une somme à ce titre ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande et le condamner à payer une certaine somme aux consorts Y... correspondant à la moins-value apportée à leur fonds par la construction y édifiée, l'arrêt retient que cette construction entraîne une moins-value d'encombrement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, lorsque le constructeur est de bonne foi, l'article 555 du code civil ne prévoit de remboursement qu'à la charge du propriétaire du fonds, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à payer aux consorts Y... la somme de 145 euros correspondant à la moins-value apportée à leur fonds par la construction y édifiée, l'arrêt rendu le 11 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts Y..., ensemble, à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan la somme de 2 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X....


PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande dirigée contre les consorts A...-Y...en paiement de la somme de 198. 000 € en application de l'article 555 du Code civil et de l'avoir en revanche condamné à payer à Marc Y..., Marie Y... veuve A... et Marie Dominique Y... épouse B... la somme de 145 euros correspondant à la moins-value apportée à leur fonds par la construction y édifiée ;

AUX MOTIFS QUE, « l'expert qui avait notamment pour mission d'évaluer la plus value, apportée à la parcelle par la construction, après avoir précisément répondu au dire de Jacques X... sur ce point par un raisonnement tel que retenu par le premier juge et que la Cour adopte, a justement conclu que la construction litigieuse entraînait une moins value d'encombrement de 5 %, la valeur du foncier étant « pénalisée » compte tenu de l'architecture et de la technicité employée à la réalisation de l'ouvrage ; que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné Jacques X... à payer à Marc Y..., Marie Y... veuve A... et Marie Dominique Y... épouse B... la somme de 145 euros correspondant à la moins value apportée à leur fonds par la construction y édifiée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« aux termes de l'article 555 alinéa 3 du Code civil, " si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions " ; qu'il avait donc été demandé à l'expert Monsieur C... :
- d'évaluer la somme égale à celle dont la parcelle a augmenté de valeur, suite à la construction de Monsieur X... 
- d'estimer le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre nécessaires à la construction ; 
que l'expert a ainsi :
- estimé la valeur des matériaux et de la main-d'oeuvre nécessaires à la construction à la somme de 154 800 €
- évalué la plus value engendrée par la construction et à ce titre, s'est référé à ses commentaires sur le type de construction tel que décrit en pages 17 à 30 de son rapport ; a qualifié l'architecture de " plutôt sommaire " ; qu'il en a conclu qu'il y a avait lieu plutôt d'appliquer pour principe une moins-value d'encombrement estimée à 5 % du montant du prix d'acquisition du terrain, soit 145 € ; qu'il a en outre précisé que le bâtiment n'avait pas fait l'objet d'une demande de permis de construire ; et que les prix du foncier dans le secteur de BONIFACIO avaient notablement évolué (entre 12 et 20 € le m ²) ; que, dans sa réponse à un dire d'une partie (page 34 du rapport), l'expert précise, en ce qui concerne la question posée par le Tribunal sur l'évaluation de la plus value du fait de la construction ; qu'il a retenu que la valeur du foncier était pénalisée compte tenu de l'architecture et de la technicité employée à la réalisation, entraînant une moins-value d'encombrement ; que dans une réponse à un autre dire (page 35) l'expert confirme que, indépendamment de la maison, le foncier avait diminué de valeur du fait de la construction ; en conséquence que l'expert a clairement répondu à la question du Tribunal sur l'éventuelle plus-value du fonds au sens de l'article 555 du Code civil, en concluant que, en l'espèce, le fonds avait, non augmenté de valeur du fait de la construction, mais diminué de valeur ; qu'il importe peu que la construction représente une certaine valeur, dès lors que la présence de cette construction enlève de sa valeur au fonds (du fait du coût afférent à la démolition d'une construction de médiocre qualité) ; qu'à cet égard le véritable propriétaire n'a, en l'espèce, pas sollicité le remboursement des matériaux et de la main-d'oeuvre, mais a choisi l'option du paiement de la plus value apportée le cas échéant à la valeur du terrain ; qu'il n'est pas utile à la résolution du litige d'ordonner une nouvelle expertise avec pour mission d'évaluer la valeur vénale de l'ensemble maison plus terrain pour soustraire ensuite la valeur du terrain nu : cette recherche étant étrangère à la notion de plus value telle que visée à l'article 555 précité ; en conséquence que Monsieur X... sera condamné à verser aux consorts Y... la somme de 145 € correspondant à la moins-value du fonds résultant de la construction » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'une maison ayant de la valeur ne peut amoindrir la valeur du terrain sur lequel elle est édifiée ; que les juges du fond ont constaté que la maison édifiée par Monsieur X... sur le terrain des consorts Y... représentait une certaine valeur ; qu'en retenant néanmoins, pour débouter Monsieur X... de sa demande et le condamner à verser aux consorts Y... une certaine somme, que la construction entraînait une moins-value d'encombrement en raison de son architecture et de la technicité employée, les juges du fond, qui n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations, ont violé l'article 555 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsque le constructeur est de bonne foi, le propriétaire du terrain sur lequel les constructions ont été édifiées ne peut en exiger la suppression, et doit rembourser au tiers constructeur soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement ; que la bonne foi du constructeur s'oppose tant à ce qu'il soit condamné à supprimer les constructions, qu'à ce qu'il soit condamné à régler au propriétaire une somme à ce titre ; qu'en condamnant le constructeur à verser diverses sommes au propriétaire du terrain au prétexte que la construction serait à l'origine d'une moins-value d'encombrement du fait du coût afférent à la démolition d'une construction de médiocre qualité, les juges du fond, qui l'ont ainsi condamné à supporter le coût de la démolition, ont violé l'article 555 du Code civil ;

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une construction ne peut être source d'une moins value d'encombrement pour le terrain sur lequel elle est édifiée que s'il est constaté que son état impose, sans alternative possible, sa démolition ; qu'en jugeant qu'il y avait lieu d'appliquer une moins-value d'encombrement après avoir seulement relevé qu'il s'agissait d'une construction de médiocre qualité en raison de son architecture et de la technicité employée à sa réalisation, ce dont il ne résulte nullement que sa démolition soit indispensable, voir même simplement probable, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts formulées à l'encontre des consorts E... ;

AUX MOTIFS QUE, « les pièces produites aux débats par Jacques X... ne peuvent être regardées que comme des propositions de location pour les saisons 2004 et 2006 ; qu'elles ne démontrent pas le préjudice financier que celui-ci allègue ; que Ie jugement déféré doit donc être confirmé par ces motifs substitués en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande formulée de ce chef ; que Jacques X... qui a construit l'immeuble litigieux en contravention avec les règles du code de l'urbanisme ne peut invoquer l'existence d'un préjudice moral résultant d'une atteinte à un légitime espoir de se constituer un patrimoine ; que le jugement déféré doit donc également être confirmé par ce motif substitué » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les éléments de preuve soumis à leur appréciation ; que Monsieur X... versait aux débats, pour justifier de la perte de loyers dont il demandait à être indemnisé, les contrats de location conclus au titre des périodes estivales de 2004 et 2006 avec la société Voyages Ilena ; qu'en relevant, pour le débouter de sa demande et juger qu'il ne démontrait pas le préjudice financier qu'il alléguait, que ces contrats ne pouvaient être regardés que comme des propositions de location, la Cour d'appel les a dénaturés et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE constitue un préjudice indemnisable la perte de chance de louer une maison et de percevoir les loyers résultant de cette location en raison de l'éviction de son immeuble ; que les caractères réel et sérieux de la chance de louer l'immeuble et de percevoir les loyers sont établis par des propositions fermes de location ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande d'indemnisation au titre de la perte des loyers parce que seules des propositions de location avaient été produites, quand ces propositions de location établissaient la perte d'une chance réelle et sérieuse de louer la maison et de percevoir des loyers, perte ouvrant droit à indemnisation, la Cour d'appel a violé les articles 1639 et 1147 du Code civil."