La haie de troènes, le parking et la garantie du vendeur (lundi, 27 juin 2011)
Voici un arrêt rendu par la Cour de Cassation dans une espèce assez surprenante où les premiers juges avaient considéré que le vendeur devait répondre à l’égard de l’acquéreur de son parking des conséquences du fait qu’une haie de troènes avait poussé et rendu plus difficilement praticable ce parking.
“Vu l'article 1626 du code civil ;
Attendu que quoique lors de la vente, il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 novembre 2009), que par acte authentique du 29 avril 2005, M. X... a vendu à Mme Y... un appartement et deux emplacements de stationnement dans un immeuble en copropriété ; qu'ayant, le 9 janvier 2006, fait constater par huissier de justice que l'un de ces deux emplacements était envahi par une haie de troènes, Mme Y... a assigné son vendeur en indemnisation de son préjudice de jouissance ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que Mme Y... ne peut jouir de l'emplacement de stationnement conformément à sa destination normale et subit une restriction dans sa jouissance et que le vendeur doit garantie à l'acquéreur de l'éviction partielle subie par suite de cette jouissance anormale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la garantie d'éviction du fait d'un tiers n'est due que si le trouble subi par l'acheteur est un trouble de droit et alors qu'elle avait constaté, par motifs propres et adoptés, que le trouble, résultant d'un défaut d'entretien des parties communes, n'était pas imputable au vendeur et était postérieur à la vente, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que Mme Y... subissait une restriction dans la jouissance du parking, constituant le lot n° 19, objet de la vente conclue avec M. X... le 29 avril 2005, et condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi et celle de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 26 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi;
Déboute Mme Y... de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne Mme Y... aux dépens de la présente instance et à ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Madame Y... subissait une restriction dans la jouissance du parking, constituant le lot n°19, objet de la vente conclue avec Monsieur X... et d'AVOIR, par conséquent, condamné ce dernier à lui payer la somme de 3.500 euros ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 1603, le vendeur a « deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend » ; que l'article 1604 du Code civil dispose que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur » ; que le jugement déféré précise que l'acquéreur ne peut se prévaloir d'un manquement du vendeur à son obligation de délivrance, dès lors qu'il ne peut être contesté que la place de parking n° 19 existe matériellement, qu'elle est seulement rendue difficilement praticable par une invasion de végétation, qui n'est pas imputable au vendeur ; mais que par application des dispositions de l'article 1626 du Code civil prévoyant que « quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente » ; qu'en l'espèce, la vente porte selon les mentions portées à l'acte, sur un appartement et deux places de parking (lots n° 18 et 19), alors que Mme Christine Y..., ainsi qu'il résulte des constats dressés par huissiers de justice le 9 janvier 2006 et le 23 août 2007, ne peut jouir de l'emplacement de stationnement n° 19, conformément à sa destination normale et subit une restriction dans la jouissance de ce parking, objet de la vente, étant souligné que l'emplacement de parking a les mêmes dimensions que les autres parkings de la copropriété ainsi qu'il résulte du règlement de copropriété et que l'appelante est en droit de revendiquer la même jouissance que les autres copropriétaires qui disposent d'un lot de parking ; que le vendeur doit garantie à l'acquéreur de l'éviction partielle subie par suite d'une jouissance anormale du parking ; qu'en conséquence Mme Christine Y... est bien fondée à solliciter de son vendeur des dommages-intérêts complémentaires en réparation du préjudice subi pour inexécution partielle de son obligation contractuelle, que la Cour évalue à euros ;
ALORS QUE le vendeur n'est pas tenu de répondre des troubles de fait émanant des tiers ; qu'en retenant la garantie de Monsieur X..., vendeur, envers Madame Y..., acquéreuse, en raison de l'invasion d'une haie de troènes qui l'empêchait d'utiliser la place de parking n°19 acquise, bien qu'il ne se soit agit que d'un trouble de fait dont l'arrêt relève lui-même qu'il n'est pas imputable au vendeur et qu'il s'est manifesté après la vente, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1626 du Code civil. “