Responsabilité du notaire et de l'architecte en cas de violation des règles du cahier des charges du lotissement (dimanche, 06 mars 2011)

Un arrêt sur ce sujet :

 

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2009), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 11 juillet 2007, pourvois n° s 06-14. 270 et 06-14. 566), qu'assigné par des colotis en démolition de constructions édifiées sur son lot en infraction au cahier des charges du lotissement, le propriétaire de ce lot a appelé en garantie M. X..., notaire, la SCP A..., devenue la SCP X..., B..., ayant établi l'acte de vente ainsi que M. Y..., notaire et la SCP Y... et C... ayant concouru à l'acte et leur assureur les Mutuelles du Mans assurances IARD ; que ceux-ci ont appelé en garantie M. Z..., architecte ayant été chargé du dossier de permis de construire ; que ce dernier ayant révélé, dans ses conclusions devant la cour d'appel qu'il n'était pas garanti par son assureur la Mutuelle des architectes français (MAF), les notaires et leur assureur ont appelé la MAF en intervention forcée devant la cour d'appel de renvoi ;

Sur le premier moyen :

Attendu que ceux-ci font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable cet appel en intervention forcée, alors, selon le moyen, que le refus de garantie opposé par un assureur, intervenu après la décision du premier juge est un élément constitutif d'une évolution du litige, de sorte que son assignation en intervention forcée devant la juridiction du second degré est recevable ; qu'en déclarant cependant irrecevable l'intervention forcée de la compagnie MAF au motif que le refus de garantie que cette dernière avait opposé à son assuré postérieurement à la décision de première instance " n'a pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci impliquant la mise en cause de cet assureur ", la cour d'appel a violé l'article 555 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel, au sens de l'article 555 du code de procédure civile, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieur à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; qu'ayant justement retenu que l'action directe du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité étant une action autonome qui trouve son fondement dans le droit de ce tiers à réparation de son préjudice, les notaires et la société Mutuelles du Mans assurances IARD pouvaient, dès la première instance, assigner la MAF, la cour d'appel en a exactement déduit qu'un refus de garantie opposé par cette dernière après le jugement n'avait pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constituait pas une évolution de celui-ci impliquant la mise en cause de cet assureur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que les notaires et leurs assureurs font grief à l'arrêt de condamner M. Z... à les garantir à hauteur de 10 % seulement des conséquences de la mise en conformité ordonnée par l'arrêt du 9 janvier 2006, alors, selon le moyen, que le professionnel qui formule un avis sur une question juridique qui lui est posée est soumis aux mêmes obligations que les professionnels du droit consultés sur la même question, sans qu'il importe que le droit ne soit pas sa spécialité ; qu'en mettant cependant à la charge de l'architecte une part de responsabilité limitée à 10 % au motif que l'avis erroné qu'il avait donné était " purement juridique ", de sorte que la faute qui lui était imputable apparaissait moins grave que celle commise par les notaires, quand la faute de l'architecte était identique à celle des notaires dès lors qu'il avait été spécialement consulté sur la question juridique à laquelle il avait donné une réponse erronée, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'appréciant la gravité des fautes commises par les notaires et par l'architecte en fonction de leurs compétences et de leurs mission respectives, la cour d'appel a fixé leurs parts de responsabilité dans des proportions qu'elle a souverainement évaluées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Michel Y..., la SCP X... B..., la société Mutuelles du Mans IARD, la société Mutuelles du Mans IARD assurances mutuelles, M. X... et la SCP Y...- C..., ensemble, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Michel Y..., de la SCP X... B..., de la société Mutuelles du Mans IARD, de la société Mutuelles du Mans IARD assurances mutuelles, de M. X... et de la SCP Y...- C... ; les condamne ensemble à payer à M. Z... la somme de 2 500 euros, d'une part, et à la MAF, d'autre part, la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux conseils pour M. Michel Y... et autres

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'intervention forcée de la MAF ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article 555 du Code de procédure civile, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance, peuvent être appelées devant la Cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause ; que l'action directe du tiers lésé contre l'assureur de responsabilité étant une action autonome qui trouve son fondement dans le droit de ce tiers à réparation de son préjudice, les notaires et la société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD pouvaient, dès la première instance, assigner la MAF, en sorte qu'un refus de garantie opposé par cette dernière après le jugement, n'a pas pour effet de modifier les données du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci impliquant la mise en cause de cet assureur ; qu'il convient donc de déclarer irrecevable l'intervention forcée de la MAF ;

ALORS QUE le refus de garantie opposé par un assureur, intervenu après la décision du premier juge est un élément nouveau constitutif d'une évolution du litige, de sorte que son assignation en intervention forcée devant la juridiction du second degré est recevable ; qu'en déclarant cependant irrecevable l'intervention forcée de la compagnie MAF au motif que le refus de garantie que cette dernière avait opposé à son assuré postérieurement à la décision de première instance « n'a pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci impliquant la mise en cause de cet assureur » (arrêt, p. 6, § 2), la Cour d'appel a violé l'article 555 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur Z... à garantir Monsieur René X..., Monsieur Michel Y..., la SCP Y... C..., la SCP X..., B... et la compagnie MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à hauteur de 10 % seulement des conséquences de la mise en conformité ordonnée par la Cour aux termes de l'arrêt du janvier 2006, ainsi qu'à hauteur de 10 % seulement des condamnations sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, prononcées à leur encontre aux termes du jugement du 26 novembre 2002 et de l'arrêt susvisé ;

AUX MOTIFS QUE la difficulté sur laquelle les notaires et l'architecte ont émis un avis péremptoire erroné étant purement juridique, la faute commise par les premiers apparaît plus grave que celle commise par le second ; que la Cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour partager la responsabilité des dommages causés à la SCA LA FAVORITE dans la proportion de 90 % à la charge des notaires et de 10 % seulement à la charge de l'architecte qui ne sera par conséquent condamné à relever et garantir ces derniers et leur assureur que dans cette proportion ;

ALORS QUE le professionnel qui formule un avis sur une question juridique qui lui est posée est soumis aux mêmes obligations que les professionnels du droit consultés sur la même question, sans qu'il importe que le droit ne soit pas sa spécialité ; qu'en mettant cependant à la charge de l'architecte une part de responsabilité limitée à 10 %, au motif que l'avis erroné qu'il avait donné était « purement juridique », de sorte que la faute qui lui était imputable apparaissait moins grave que celle commise par les notaires, quand la faute de l'architecte était identique à celle des notaires dès lors qu'il avait été spécialement consulté sur la question juridique à laquelle il avait donné une réponse erronée, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil."