Les bornes font le bornage (mardi, 22 février 2011)
C'est ainsi que l'on peut résumer cet arrêt de la Cour de Cassation qui casse un arrêt qui avait jugé qu'une action en bornage était irrecevable au motif que la délimitation des fonds avait été matérialisée autrement que par des bornes.
«Vu l'article 646 du code civil ;
Attendu que tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Saint-Denis, 23 mai 2008), que les époux X..., propriétaires des parcelles cadastrées AM 587 et AM 1362 ont assigné les époux Y..., propriétaires des parcelles AM 588 et AM 1363, en bornage de leurs propriétés contiguës ;
Attendu que, pour déclarer l'action en bornage judiciaire irrecevable, l'arrêt retient qu'à l'examen du document d'arpentage établi le 9 mai 2003 annexé au procès-verbal de bornage amiable du 11 mars 2003, il ressort que les limites séparatives entre les parcelles AM 587 - AM 588, d'une part, et les parcelles AM 1363 - AM 1362, d'autre part, ont été matérialisées et que ces matérialisations ont été acceptées par les parties comme le montrent les signatures apposées par M. X... et Mme Y... sur ce document ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une demande en bornage judiciaire n'est irrecevable que si la limite divisoire fixée entre les fonds a été matérialisée par des bornes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du dix-neuf janvier deux mille onze par Mme Bellamy, conformément à l'article 452 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour les époux X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande en bornage formée par les époux X...;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il ressort de l'examen du document d'arpentage du 9 mai 2003, annexé au procès-verbal de bornage amiable du 11 mars 2003, que les limites séparatives entre les parcelles AM 587 et AM 588, d'une part, les parcelles AM 1363 et AM 1362, d'autre part, ont été matérialisées et que ces matérialisations ont été acceptées par les parties comme le montrent les signatures de M. Joseph X... et de Mme Pascale X... épouse Daniel Y... apposées sur ce document; que c'est donc à bon droit que le premier juge a, en raison de cette délimitation antérieure, déclaré irrecevable l'action en bornage judiciaire;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le procès-verbal de bornage du 11 mars 2003 et le plan qui lui est annexé établissent clairement la limite entre les parcelles cadastrées AM 587 et AM 588 ; que cette limite est matérialisée par le tracé rouge dudit plan; que les demandeurs avant la vente de leurs parcelles aux époux Y... avaient donc fait procéder au bornage amiable de leurs propriétés y compris entre leurs différentes parcelles et non seulement avec les parcelles de leurs voisins comme ils le prétendent; que l'acte de vente mentionne expressément le document d'arpentage établi le 9 mai 2003 à la suite de la division de la parcelle AM 598 en parcelles AM 1362 et AM 1363; que les époux X... ne sont donc pas recevables à demander l'organisation d'un bornage judiciaire, le bornage amiable étant exécutoire et ayant définitivement signé la limite divisoire des fonds des parties;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE le procès-verbal d'abornement doit mentionner les fonds objets du bornage amiable; qu'en l'espèce, il ressortait du procès-verbal de bornage du 11 mars 2003 que les limites avaient été fixées entre un ensemble de parcelles appartenant aux époux X... d'une part (parcelles AM 319, AM 587, AM 588, AM 589 et AM 590), et les parcelles voisines de cet ensemble d'autre part (parcelles AM 310, AM 1317, AM 1316, AM 318, AM 317, AM 316 et AM 591) (production n° 3, p. 2) ; qu'en déduisant de ce document que les parcelles AM 587 - AM 588 d'une part, et AM 1362 - AM 1363 d'autre part (ces dernières n'existant au demeurant pas au moment du bornage), avaient déjà été bornées entre elles, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de bornage susvisé et violé l'article 1134 du Code civil;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'un propriétaire ne peut borner entre elles les différentes parcelles composant sa propre propriété; qu'un supposé bornage opéré par un propriétaire à l'intérieur de sa propriété n'en n'est pas un et n'a aucune autorité de chose jugée; qu'il ne peut donc s'opposer à un bornage judiciaire ultérieur dirigé contre les voisins, après partage de ces parcelles; qu'en jugeant irrecevable la demande en bornage des époux X... au motif que dès avant la vente aux époux Y..., ils avaient fait procéder au bornage amiable de leur propriété y compris entre les différentes parcelles leur appartenant, lesquelles n'avaient pu être bornées entre elles, la Cour d'appel a violé l'article 646 du Code civil ;
3°) ALORS, EN OUTRE, QUE les époux X... agissaient en bornage pour voir fixer la limite entre les parcelles AM 587 et AM 588, ainsi qu'entre les parcelles AM 1362 et AM 1363; que la Cour d'appel a considéré que les limites séparatives « entre les parcelles AM 587 - AM 588, d'une part, les parcelles AM 1362 - AM 1363 d'autre part» avaient été matérialisée; qu'en examinant la seule limite entre ces deux groupes de parcelles, ce qui n'était pas l'objet de la demande des époux X..., la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile;
4°) ALORS, DE SURCROÎT, QUE tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës si un bornage n'a pas déjà eu lieu ; que l'opération de bornage passe par l'implantation de bornes sur le terrain ; qu'en l'espèce, les époux X... faisaient valoir qu'aucune borne n'avait jamais été posée pour délimiter les parcelles en cause; que dès lors, en déclarant irrecevable leur demande en bornage au motif que les limites entre les parcelles avaient été matérialisées sur des plans et que ces matérialisations avaient été acceptées par les parties, peu important que des bornes aient ou non été implantées, la Cour d'appel a violé l'article 646 du Code civil ;
5°) ALORS, en tout état de cause, QU'une demande en bornage judiciaire n'est irrecevable que si un bornage a déjà eu lieu, et que la limite divisoire entre les fonds est fixée par de véritables bornes; que l'existence sur le terrain d'une quelconque délimitation matérielle entre les fonds, même acceptée par les parties, ne peut pallier l'absence de bornes; qu'en l'espèce, les époux X... faisaient valoir qu'aucune borne ne délimitait les parcelles en cause; que ni le document d'arpentage, ni le plan annexé au procès-verbal de bornage du 11 mars 2003, ne mentionnaient l'existence de bornes sur les limites concernées; que même à considérer que la Cour d'appel eût entendu juger que les limites entre les parcelles avaient été matérialisées sur le terrain, en considérant que cette matérialisation suffisait à exclure la demande en bornage, peu important l'absence de bornes, la Cour d'appel a violé l'article 646 du Code civil.»