De l'importance de la publication aux hypothèques d'un compromis (dimanche, 07 mars 2010)
A travers cet arrêt :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 16 septembre 2008), que, par acte du 12 février 2002, M. Z... a vendu à la société Foch investissements les lots 1, 2, 3, 4 et 7, 11 p, 12 et 13 (appartement occupé par M. X..., locataire) moyennant le prix global de 640 000 francs se décomposant à hauteur de 10 000 francs pour les lots 1, 2, 3, 4 et 7, 200 000 francs pour le lot 11, 160 000 francs pour le lot 12 et 270 000 francs pour le lot 13 ; que la vente a été conclue sous plusieurs conditions suspensives, dont celle du non-exercice du droit de préemption du locataire du lot 13, l'acte stipulant que "la présente vente se réalisera sous la condition que le locataire ne préempte pas, étant précisé que pour le cas où le locataire préempterait le lot 13, la vente des autres lots se réalisera aux mêmes charges et conditions, déduction faite de la somme de 270 000 francs correspondant à la valeur du lot 13" ; que la réitération de la vente par acte authentique était prévue pour le 15 juin 2002 ; que, par un courrier du 26 février 2002, le notaire chargé de la vente a proposé à M. X... d'acquérir le lot 13 au prix de 270 000 francs ; que M. X... a répondu par un courrier du 25 avril 2002 ; que, par acte du 21 août 2002, M. X... a assigné M. Z..., la société Foch Investissements, M. A... et la société MMA en paiement de dommages-intérêts ; que, le 29 août 2002, M. Z... a indiqué à M. A... et à la société Foch investissements qu'il n'entendait pas réitérer la vente ; que, le 17 janvier 2003, M. X... s'est désisté de son action ; que, par acte du 12 octobre 2002, M. Z... a vendu les lots 12, 13, 3 et 4 à M. X... et que par acte des 21 et 29 janvier 2003, M. Z... a vendu les lots 11, 1 et 2 à M. Y... ; que ces deux ventes ont été publiées à la conservation des hypothèques le 25 février 2003 ; que la société Foch investissements a assigné M. Z..., M. X... et M. Y... en annulation de ces ventes et pour faire dire parfaite la vente intervenue le 12 février 2002 ;
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :
Vu l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 ;
Attendu que les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l'article 28 sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés ;
Attendu que pour annuler les ventes intervenues entre M. Z... et M. X... et M. Y... et déclarer parfaite la vente entre M. Z... et la société Foch investissements, l'arrêt retient que M. X... avait parfaitement connaissance du compromis du 12 février 2002 et que M. Y... en était parfaitement informé et qu'ils ne pouvaient donc invoquer l'inopposabilité du compromis du 12 février 2002 ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le "compromis" du 12 février 2002 n'avait pas été publié, ce dont il résultait que cet acte était inopposable aux tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Foch investissements aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Foch investissements à payer à M. X... et à M. Y..., ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette sa propre demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour M. X... et M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé la nullité de la vente intervenue entre Monsieur Z... et Monsieur X... d'une part, et celle intervenue entre Monsieur Z... et Monsieur Y... d'autre part, ventes publiées à la conservation des hypothèques de Lyon 3ème bureau sous le numéro 2003 D 0352l et 2003 D 03523 et D'AVOIR déclaré parfaite la vente des lots 1,2,3,4,7,11,12 et 13 de l'immeuble sis ..., cadastré BL 305 intervenue le 12 février 2002 entre Monsieur Z... et la société FOCH INVESTISSEMENTS ;
AUX MOTIFS QUE le compromis de vente du 12 février 2002 comportait une condition suspensive constituée par la non préemption du lot n° 13 par Monsieur X...;
que Maître A..., par lettre recommandée du 26 février 2002 a invité Monsieur X... à lui faire connaître dans le délai légal de deux mois s'il entendait ou non faire usage de son droit de préemption;
que par courrier du 25 avril 2002, Monsieur X... a répondu que le prix proposé était manifestement excessif, et que s'il était intéressé par l'acquisition il craignait qu'elle soit impossible;
que Monsieur X... n'a donc pas pris position de manière précise et n'a pas fait connaître son intention de préempter; que cette absence de réponse équivaut à un refus de l'offre de vente;
qu'il s'ensuit qu'à la date prévue pour la réitération soit le 15 juin 2002 toutes les conditions suspensives étaient réalisées et que la vente à la Société FOCH INVESTISSEMENTS pouvait être réitérée ; que d'ailleurs dans son action engagée par assignation du 21 août 2002 Monsieur X... n'a pas demandé que le lot n°13 lui soit attribué mais a sollicité des dommages et intérêts en réparation d'une fraude à la loi;
1°) ALORS QUE pour considérer que Monsieur X... n'avait pas pris position de manière précise sur l'offre de vente qui lui était faite, la cour d'appel a relevé que « par courrier du 25 avril 2002, Monsieur X... a répondu que le prix proposé était manifestement excessif, et que s'il était intéressé par l'acquisition il craignait qu'elle soit impossible », alors que selon les termes clairs et précis de ce courrier, M. X... répondait qu' « il apparaît que l'immeuble dans son entier a d'ores et déjà été cédé par Monsieur Z... à deux personnes dont M. C... et madame D... ayant un lien direct avec l'agence immobilière FOCH, Quai Augagneur à Lyon 3è pour un prix de 700 000 F. Que depuis lors, cette agence, par voie d'annonces, procède à la revente de l'immeuble. Vous comprendrez que dans ces conditions, je crains malheureusement que nous soyons tous les deux victimes d'une fraude à la loi manifeste. Qu'en outre, le prix fixé au terme de votre correspondance semble manifestement excessif compte tenu du coût global de l'immeuble pour quatre appartements et de la superficie relative au lot n° 13 que j'occupe. (…) En conclusion, si je reste bien entendu très intéressé par l'acquisition de l'appartement je crains malheureusement que cela soit impossible compte tenu de la signature du compromis déjà intervenu. Je vous remercie de bien vouloir me fixer. Pour ma part, je me rapproche de mon établissement de crédit afin de connaître les conditions de financement » ; que dans cette lettre, le locataire se déclarait « très intéressé par l'acquisition de l'appartement », indiquant vouloir interroger son établissement bancaire « afin de connaître les conditions de financement du bien », la principale réserve émise par le locataire tenant non pas au prix du bien mais à la possibilité de signer la vente malgré la signature d'un compromis déjà intervenu en fraude de ses droits, demandant au notaire de le renseigner sur cette difficulté ; qu'il apparaît ainsi que la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet élément de preuve déterminant pour l'issue du litige, en violation de l'article 1134 du code civil ;
ET AUX MOTIFS QUE le compromis du 12 février 2002 n'a pas été publié de sorte qu'en application des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955 cet acte était inopposable aux tiers ; que Monsieur Z... qui a vendu les mêmes biens à deux acquéreurs successifs n'est pas un tiers au sens de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 et ne peut invoquer à l'encontre de la Société FOCH INVESTISSEMENTS l'opposabilité des ventes ultérieures publiées en premier ; que Monsieur X... avait parfaitement connaissance du compromis du 12 février 2002 puisque Maître A... lui avait demandé s'il exerçait ou non son droit de préemption; que dès lors il ne peut invoquer l'inopposabilité du compromis du 12 février 2002;
2°) ALORS QU'en caractérisant la mauvaise foi du second acquéreur au regard seulement de la connaissance qu'il avait pu avoir du premier compromis non publié, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ce second acquéreur, par ailleurs locataire du bien vendu et titulaire d'un droit de préemption, avait pu légitimement croire à la caducité du premier compromis signé en fraude de ses droits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, et de l'article 1382 du code civil ;
ET AUX MOTIFS ENFIN QUE Monsieur Joseph Y..., bénéficiaire de la vente ultérieure des lots 11, 1 et 2 ne peut davantage se prévaloir de l'absence de publication du compromis du 12 février 2002 puisqu'il résulte des pièces versées au débat qu'il en était parfaitement informé ; qu'en effet dans l'instance engagée par Monsieur X..., Monsieur Joseph Y... a rédigé une attestation en date du 24 avril 2002 dans laquelle il indique qu'en février 2002 il a assisté à une conversation entre Monsieur Z... et Monsieur X... relative à la signature d'un compromis pour la vente de l'immeuble au prix de 700 000 F ; qu'il précise dans cette même attestation qu'il s'est offert pour racheter l'immeuble et qu'enfin il a rappelé que le locataire, en l'occurrence Monsieur X..., son oncle, avait des droits en cas de mutation du bien loué;
qu'il résulte de ces éléments que les ventes faites par Monsieur Z... au bénéfice de Messieurs X... et Y... ont été faites au mépris des droits de la Société FOCH INVESTISSEMENTS déjà propriétaire de ces biens et doivent être annulées;
que la vente intervenue le 12 février 2002 au bénéfice de la Société FOCH INVESTISSEMENTS sera déclarée parfaite, le présent arrêt valant titre de propriété;
3°) ALORS QU'après avoir constaté que Monsieur Y..., second acquéreur, avait attesté avoir été informé, lors de la signature du premier compromis, de ce que le locataire du bien, en l'occurrence Monsieur X... son oncle, bénéficiait d'un droit de préemption en cas de mutation du bien loué, la cour d'appel ne pouvait caractériser la mauvaise foi de Monsieur Y..., second acquéreur, au regard seulement de la connaissance qu'il avait pu avoir du premier compromis non publié, sans rechercher, comme elle y était invitée, si celui-ci avait pu légitimement croire à la caducité du premier compromis, signé malgré le droit de préemption de son oncle, et ainsi avoir signé le second compromis en toute bonne foi, le vendeur se déclarant libre de tout engagement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, et de l'article 1382 du code civil."