De l'importance de la date de l'état des lieux (samedi, 09 janvier 2010)
"Vu l'article 1730 du code civil ;
Attendu que s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure ;
Attendu que pour condamner la société Winston & Strawn (société W & S), qui avait pris à bail des locaux à usage de bureaux appartenant à la société Sophia GE, à payer à cette dernière une certaine somme au titre des travaux de remise en état des lieux loués, l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2008) retient que la société S & W prétend que les locaux du troisième étage lui ont été livrés cloisonnés en rappelant que l'état des lieux a été dressé après l'exécution de ces travaux, mais que ceux-ci n'en constituent pas moins des aménagements, améliorations et autres embellissements dont le bailleur est en droit d'exiger l'enlèvement ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société W & S à payer à la société Sophie GE la somme de 104 499,55 euros au titre des travaux de remise en état, l'arrêt rendu le 28 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Georges, avocat de la société Winston & Strawn
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce que celui-ci avait condamné la société Sophia GE à payer à la société Winston & Strawn la somme de 147.580,07 au titre du coût des travaux d'aménagement réalisés par la société Winston & Strawn pour assurer la conformité des locaux à la destination contractuellement prévue de bureaux pour l'exercice de l'activité professionnelle d'avocats,
AUX MOTIFS QUE les baux ont été consentis pour l'exercice de la profession d'avocats ; qu'ils portaient sur des plateaux de grande surface peu propices à l'exercice de cette profession ; que la société Winston & Strawn a financé des travaux de cloisonnement d'un montant de 147.580,07 dont le premier juge lui a accordé le remboursement ; qu'au départ de la société locataire, la société Sophia GE a remis les lieux en l'état et obtenu du premier juge la condamnation de la société Winston & Strawn à lui payer la somme de 104.499,55 de ce chef ; que la société Sophia GE conteste devoir les travaux de cloisonnement alors que la société locataire a pris les lieux en l'état ; que la société Winston & Strawn ne reconnaît devoir au titre des réparations locatives que 491,11 résultant du bris d'une applique lors du déménagement ; que les locaux ont été donnés à bail à usage de bureaux commerciaux pour l'exercice de l'activité sociale du preneur ; que la société Winston & Strawn est une société d'avocats ; qu'il est produit par le bailleur des plans faisant apparaître un cloisonnement constitué par les murs de refend de l'immeuble qui délimitent de grandes pièces ; que la société Winston & Strawn a aménagé ses locaux en posant des cloisons supplémentaires et une cuisine par étage ; qu'en application de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée ; qu'à ce défaut de délivrance est assimilé le défaut de conformité du local à la destination prévue par le bail ; qu'il n'est pas contesté que les locaux avant les travaux réalisés par la société Winston & Strawn sont conformes à l'usage de bureaux commerciaux ; que si l'avocat traditionnel qui traite une clientèle de particuliers a besoin d'intimité pour recevoir cette clientèle, il en va différemment des sociétés d'avocats qui travaillent avec des clients institutionnels dont elles reçoivent les instructions par courriers postaux, électroniques ou par téléphone ; que leurs besoins d'intimité et de confidentialité sont différents de telle sorte que l'intensité du cloisonnement relève des choix d'aménagement du preneur et non de la conformité du local à sa destination ; que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a mis les frais de cloisonnement à la charge de la société Sophia GE (arrêt attaqué, pp. 4-5) ;
1) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel – qui a relevé que les baux, consentis pour l'exercice par des avocats de leur profession, portaient sur des plateaux de grande surface peu propices à l'exercice de cette profession et que la société Winston & Strawn a financé des travaux de cloisonnement – a, pour considérer cependant que la bailleresse avait délivré à la société Winston & Strawn des locaux conformes à la destination prévue par le bail, énoncé que les locaux étaient avant les travaux conformes à leur destination dès lors que des sociétés d'avocats travaillant avec des clients institutionnels dont elles reçoivent les instructions par courrier ou téléphone ont des besoins d'intimité et de confidentialité différents de ceux d'un avocat traditionnel qui traite une clientèle de particuliers ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a introduit dans le débat des éléments de fait dont aucune des parties n'avait fait mention dans ses conclusions, a violé l'article 7 du Code de procédure civile ;
2) ALORS, au surplus, QUE le juge ne peut statuer par un motif abstrait et général ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, en énonçant que, si l'avocat traditionnel qui traite une clientèle de particuliers a besoin d'intimité pour recevoir cette clientèle, il en va différemment des sociétés d'avocats qui travaillent avec des clients institutionnels dont elles reçoivent les instructions par courrier ou par téléphone, leurs besoins d'intimité et de confidentialité étant différents, a statué par un motif d'ordre général et violé l'article 5 du Code civil ;
3) ALORS QUE, de surcroît, en se bornant à énoncer, par une affirmation abstraite et générale, sans faire aucune constatation propre à la société Winston & Strawn, que les besoins d'intimité et de confidentialité pour des sociétés d'avocats travaillant avec des clients institutionnels dont elles reçoivent les instructions par courrier ou téléphone sont différents du besoin d'intimité qu'a, pour recevoir sa clientèle, un avocat traditionnel qui traite une clientèle de particuliers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des exigences du secret professionnel, lequel s'impose en toute matière et pour l'ensemble des activités possibles d'un avocat, résultant de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, de l'ancien article 160 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, de l'article 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, et des articles 2.2 et 2.3 du Règlement intérieur national ;
4) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge, qui ne peut statuer par un motif abstrait et général, doit procéder aux constatations de fait concrètes propres à justifier légalement sa décision ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour considérer que les locaux, comportant des plateaux de grande surface, délivrés par la bailleresse à la société Winston & Strawn étaient, bien que peu propices à l'exercice de la profession d'avocat, conformes à la destination contractuellement prévue, à énoncer que, tandis que l'avocat traditionnel qui traite une clientèle de particuliers a besoin d'intimité pour recevoir cette clientèle, il en va différemment des sociétés d'avocats qui travaillent avec des clients institutionnels dont elles reçoivent les instructions par courrier ou par téléphone, sans relever d'éléments concrets relatifs à la situation propre de la société Winston & Strawn, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1719 du Code civil ;
5) ALORS, en outre, QU'en tout état de cause, ayant constaté que les locaux donnés à bail pour l'exercice de l'activité d'un cabinet d'avocats portaient sur des plateaux de grande surface « peu propices à l'exercice de cette profession » et que les travaux effectués par la société d'avocats preneuse avaient consisté en la pose de cloisons supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 1719 du Code civil, faute d'avoir tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en énonçant que «l'intensité du cloisonnement» ne relevait pas de «la conformité du local à sa destination», sans examiner si ces travaux n'avaient pas correspondu à tout le moins pour une part à une mise en conformité des locaux à leur destination contractuellement prévue de bureaux pour l'exercice de l'activité d'avocats.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Winston & Strawn à payer à la société Sophia GE la somme de 104.499,55 au titre des travaux de remise en état,
AUX MOTIFS QUE les baux ont été consentis pour l'exercice de la profession d'avocats ; qu'ils portaient sur des plateaux de grande surface peu propices à l'exercice de cette profession ; que la société Winston & Strawn a financé des travaux de cloisonnement d'un montant de 147.580,07 ; qu'au départ de la société locataire, la société Sophia GE a remis les lieux en l'état et obtenu du premier juge la condamnation de la société Winston & Strawn à lui payer la somme de 104.499,55 de ce chef ; que la société Sophia GE conteste devoir les travaux de cloisonnement alors que la société locataire a pris les lieux en l'état ; que la société Winston & Strawn ne reconnaît devoir au titre des réparations locatives que 491,11 résultant du bris d'une applique lors du déménagement ; que le cloisonnement effectué par la société Winston & Strawn a relevé de ses choix d'aménagement et non de la conformité du local à sa destination ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a mis les frais de cloisonnement à la charge de la société Sophia GE ; qu'au départ de la société Winston & Strawn, la société Sophia GE a effectué des travaux de remise en état comprenant la dépose des aménagements réalisés par la société Winston & Strawn, la remise en état des dégradations et la remise à neuf des locaux ; que la société Sophia GE estime à 104.499,55 TTC les travaux de dépose des aménagements réalisés par la société Winston & Strawn et de remise en état des dégradations laissées par le locataire ; que le bail stipule que le bailleur peut demander au preneur de rétablir à ses frais les lieux loués dans leur état primitif ; que la société Winston & Strawn prétend que les locaux du 3ème étage lui ont été livrés cloisonnés en rappelant que l'état des lieux a été dressé après l'exécution de ses travaux ; que ceux-ci n'en constituent pas moins des aménagements, améliorations et autres embellissements dont le bailleur est en droit d'exiger l'enlèvement ; que la société Winston & Strawn évalue sa dette, à titre subsidiaire, à 27.766 pour le démontage des cloisons amovibles et 410,63 pour le remplacement d'un luminaire ; que cette offre fait fi de l'état des lieux qui montre que les aménagements du preneur, bien qu'amovibles, ont laissé des traces qui ont nécessité des reprises distinctes des travaux de remise à neuf dont la société Sophia GE n'a pas demandé le paiement ; que la somme retenue par le premier juge sera donc confirmée (arrêt attaqué, pp. 4, 5 et 6) ;
ALORS QUE, s'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose louée telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure ; qu'en l'espèce, pour juger que la société bailleresse était fondée à obtenir la condamnation de la société Winston & Strawn à lui payer une somme incluant le coût des travaux de dépose des cloisonnements réalisés par celle-ci, la cour d'appel a considéré que même si, comme le soutenait la société Winston & Strawn, les locaux du 3ème étage lui avaient été livrés cloisonnés et l'état des lieux dressé après l'exécution des travaux en cause, ceux-ci n'en constituaient pas moins des aménagements, améliorations et autres embellissements dont le bailleur était en droit d'exiger l'enlèvement en application du bail qui stipulait que le bailleur pouvait demander au preneur de rétablir à ses frais les lieux loués dans leur état primitif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1730 du Code civil et, par fausse application, l'article 1732 du même code, ensemble l'article 1134 du même code."