Offre de vente et délai raisonnable (samedi, 20 juin 2009)
Cet arrêt pose le principe selon lequel toute offre qui n'est assortié d'aucun délai d'acceptation comporte implicitement un délai dit "raisonnable" :
"Vu l'article 1101 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Chambéry, 15 janvier 2008) que le département de la Haute-Savoie a adressé le 17 mars 1995 à M. X... une offre de rétrocession d'une partie d'un terrain que celui-ci lui avait vendu en 1981 en se réservant un droit de préférence ; que le 8 décembre 2001 M. X... a enjoint au département de signer l'acte authentique de vente ; que Mme X..., venant aux droits de son père décédé, l'ayant assigné le 28 janvier 2004 en réalisation forcée de la vente, le département s'est prévalu de la caducité de son offre ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que l'offre contenue dans la lettre du 17 mars 1995 a été renouvelée dans le courrier du 7 octobre 1996 sans être assortie d'aucun délai et qu'en conséquence M. X... a pu l'accepter par courrier du 8 décembre 2001 ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'acceptation était intervenue dans le délai raisonnable nécessairement contenu dans toute offre de vente non assortie d'un délai précis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer au département de la Haute-Savoie la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour le département de la Haute-Savoie
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Mlle Stéphanie X..., ès qualité d'héritière de M. Armand X..., était propriétaire de la parcelle anciennement cadastrée n° 324 p – devenue Section A n° 2.001 – lieudit « Sur les Vignes», à Nangy, pour une superficie de 24 a 10 ca, moyennant le prix de 20.195,80 , qu'en conséquence, le Département de la Haute Savoie devrait, dans le mois de la signification de cette décision, signer l'acte de vente correspondant en l'Etude de Me Z..., Notaire, et que, faute pour lui de régulariser l'acte dans ces délais, l'arrêt rendu tiendrait lieu d'acte de vente aux conditions susénoncées et serait publié comme tel sur les registres de la Conservation des Hypothèques d'Annecy ;
Aux motifs que : « le département de la Haute Savoie se prévaut de la caducité de l'offre contenue dans sa lettre du 17 mars 1995 selon laquelle M. X... devait faire connaître son accord « par retour de la présente », et fait valoir que l'offre n'était ainsi maintenue que pendant un délai raisonnable qui n'aurait pas été respecté ;
… cependant que Mlle X... observe à juste titre que par plusieurs courriers ultérieurs, le département de la Haute-Savoie a prolongé les pourparlers et n'a jamais explicitement retiré son offre ;
… que le procès-verbal de carence du 6 novembre 2003 est accompagné en annexe d'un courrier du 7 octobre 1996 par lequel la société d'équipement du département de la Haute-Savoie demandait à son père s'il était toujours intéressé par l'achat des parcelles 324 et 327 et enfin d'un courrier du 17 janvier 1997 par lequel la direction des services fiscaux de la Haute-Savoie communiquait l'évaluation des domaines ;
… que le département de la Haute-Savoie ne conteste pas que ces deux derniers courriers ont pu l'engager même s'ils émanent d'autres personnes morales ;
… qu'il convient principalement de retenir que l'offre renouvelée dans le courrier du 7 octobre 1996 n'était assortie d'aucun délai ;
… en conséquence que M. X... a pu l'accepter par courrier du 8 décembre 2001 » ;
1. Alors que, d'une part : quand bien même le pollicitant n'a assorti son offre d'aucun délai, celle-ci ne vaut que dans la limite d'un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas si l'écoulement d'un laps de temps de près de cinq ans entre le dernier courrier des services fiscaux de la Haute Savoie en date du 17 janvier 1997 et la prétendue acceptation de l'offre par son destinataire, M. Armand X..., par courrier en date du 8 décembre 2001, n'excédait pas le délai raisonnable au-delà duquel cette offre était devenue caduque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1101 du Code civil ;
2. Alors que, d'autre part : pour engager le pollicitant, l'acceptation de l'offre doit résulter d'un agrément pur et simple ; qu'elle doit porter sur les éléments essentiels de l'opération projetée et qu'en matière de contrat de vente, l'accord doit porter sur la chose et sur le prix ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas si, à la date du 18 décembre 2001, l'objet de la vente initialement projetée entre 1995 et 1997 n'avait pas été, entre temps, modifié en raison des circonstances liées à l'accession du bien immobilier considéré au statut de « terrain constructible », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101 et 1583 du Code civil ;
3. Alors qu'enfin et en tout état de cause les dispositions du droit des collectivités locales relatives à la compétence sont d'ordre public et il ne saurait y être dérogé par la seule volonté individuelle des organes publics en charge de la gestion du Département ; qu'il résulte des constatations même des juges du fond que l'offre, adressée à M. Armand X... par courriers des 17 mars 1995 et 7 octobre 1996, avait été émise par un tiers, la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE LA HAUTE SAVOIE (SED-HS) ; qu'en se bornant à relever que le département de Haute-Savoie ne contestait pas que ces deux derniers courriers avaient pu l'engager même s'ils émanent d'autres personnes morales , circonstance totalement inopérante, sans vérifier, au besoin d'office, si l'organisme en cause était compétent pour engager la collectivité locale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3213-1, L. 3213-2 et R. 3221-1 du Code général des Collectivités territoriales, ensemble l'article 1108 du Code civil."